Immobilier : la crise du marché du logement secoue le secteur du bâtiment en Auvergne-Rhône-Alpes

Face à la baisse des immobiliers et la chute de la demande, les entreprises du bâtiment entrent dans une crise conjoncturelle. A Lyon, l’ordre des experts comptables de la région Auvergne-Rhône-Alpes livre les chiffres du secteur en récession. Leur réponse : prévenir le plus tôt possible les signes de défaillances comptables afin d’enclencher les leviers du maintien dans la durée.
Après Bordeaux, Lyon connaît la plus forte baisse des prix dans l'immobilier en France, avec une déflation de 8,1 % en un an, relève la plateforme d'estimation Meilleurs Agents.
Après Bordeaux, Lyon connaît la plus forte baisse des prix dans l'immobilier en France, avec une déflation de 8,1 % en un an, relève la plateforme d'estimation Meilleurs Agents. (Crédits : Reuters)

Une crise de l'offre et... de la demande. La deuxième région économique de France affronte comme les autres les difficultés du secteur immobilier. « Les prix restent trop élevés, malgré l'absence de demande du fait de la hausse des taux d'intérêt », résume Nicolas Debiolles, vice-président de l'ordre des experts comptables Auvergne-Rhône-Alpes, qui regroupe 2.600 professionnels. Les entreprises de l'immobilier et du bâtiment souffrent particulièrement de cette crise dont les experts ne voient pour le moment pas le bout, malgré la baisse progressive des prix.

Lyon connaît en effet la deuxième plus grande déflation après Bordeaux avec -8,1 % en un an, relève l'agence Meilleurs Agents dans ses prévisions annuelles, publiées le 5 septembre. Pour autant, ceux-ci restent « en forte inadéquation avec le pouvoir d'achat des acheteurs », relève dans Le Parisien Thomas Lefebvre, directeur technique du site. Ce qui laisse présager une crise relativement durable.

Les agences immobilières ont en effet subi, au 2e trimestre 2023, une perte de 11,9 % de leur chiffre d'affaires par rapport à l'année précédente (sans correction de l'inflation, à 4,5 %), relève l'ordre régional des experts comptables. « Nous le ressentons dans nos cabinets, la partie immobilière pèse énormément, dépeint Damien Cartel, autre vice-président de l'ordre régional. « J'ai quatre dépôts de bilan d'agences immobilières depuis le début de l'année dans mon agence. Tant que le prix de l'immobilier ne se remet pas en adéquation avec les taux d'intérêt et les capacités financières des ménages, via le pouvoir d'achat, la crise sera durable. »

Les ventes en chute et des marchés attentistes

Pour comprendre les raisons de cette crise et de sa durabilité, il faut revenir sur le contexte économique dans lequel elle s'inscrit. D'abord, elle survient à la sortie des restrictions sanitaires, alors que de nombreux particuliers avaient choisi d'investir dans l'immobilier, dans un contexte économique plus favorable. Les taux d'intérêt étaient encore accessibles. Le marché profitait d'une demande croissante qui, au fil de l'inflation, concourant à la hausse des taux d'intérêt, s'est rapidement effondrée. En 2022, dans le Rhône, la chambre départementale des notaires relevait déjà une diminution de 8,3 % du volume de ventes sur l'année, par rapport à 2021. Séverine Girardon, président de la chambre, estimait en juin dernier, dans La Tribune : « En novembre 2022, les prix étaient stables, mais il y avait déjà une ambiance de crise avec l'inflation et le resserrage des crédits ».

D'autant que les taux pourraient encore remonter. Jeudi, la Banque centrale européenne (BCE) doit choisir entre un relèvement de ses taux pour la dixième fois d'affilée ou une pause, alors que la trajectoire d'inflation est décevante et la conjoncture morose.

« On commence à observer quand même depuis quelques mois une baisse progressive des prix, notamment sur le marché de l'ancien, où elle est même significative. En revanche, dans celui du neuf, les promoteurs sont coincés entre les coûts de construction et les stocks qu'ils ont sur le terrain. »

Damien Cartel, vide-président de l'ordre des experts-comptables Auvergne-Rhône-Alpes

A Lyon, « il n'y a pas un logement neuf à la vente » (FPI)

La Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) de la région lyonnaise pointe quant à elle des crises « sérieusement engagées » dans son bilan de juillet 2023 : « Il n'y a pas un logement neuf à la vente dans vingt communes de la Métropole de Lyon (...) Le report des ventes de logements en collectif (hors ventes en bloc) vers les extérieurs de la Métropole de Lyon n'opère plus ». Un constat étayé par Damien Cartel, qui suit l'activité d'agences immobilières dans la région : « Avant, un appartement à Lyon se vendait en 3 heures, puis en 3 semaines. Maintenant, c'est en 3 mois ».

« Le renouvellement de l'offre reste toujours très insuffisant, avec 1.061 nouveaux logements mis en vente au premier semestre 2023, soit une baisse de 38% par rapport à la fin du premier semestre 2022, conséquence de la difficulté à obtenir des autorisations de construire et de programmes abandonnés car ne trouvant plus leur équilibre du fait de la hausse des coûts de construction ».

Fédération des promoteurs immobiliers Lyon

Le BTP « se prépare à une crise majeure »

Aujourd'hui, alors que les prix des matériaux de construction restent élevés, en face de contrats souvent négociés plusieurs mois auparavant, les entreprises du bâtiment souffrent de la chute des commandes. Dans le Rhône, Jean-Emmanuel Alloin, chef d'entreprise dans la construction et l'isolation thermique (Alloin concept bâtiment), constate « une chute de 27 % des demandes de devis, dans la rénovation comme la construction. L'année dernière, à la même période, nos commandes atteignaient les 3,2 millions d'euros, contre 1,9 million aujourd'hui ». Au point que la PME réalise des travaux à perte : « Je me suis désisté de certains chantiers. Nous les commencions à -8 % et les finissions à -5 %. » Face à ces difficultés, l'entreprise familiale s'est même « préparée à une crise majeure » en réduisant ses effectifs, de 30 à 22 salariés.

« La course au chiffre d'affaires, même s'il y a la marge en face, n'est plus une priorité. Il s'agit de perdurer. »

Jean-Emmanuel Alloin, chef d'entreprise dans le BTP

Dans le BTP, la rénovation thermique ne sauve pas les pots cassés

Si l'Etat encourage la rénovation thermique des bâtiments, notamment avec le dispositif Ma Prime Rénov, ainsi que des obligations réglementaires pour le tertiaire (-40 % de consommations énergétiques d'ici à 2030), le marché reste tendu selon le patron de la petite entreprise. « La partie rénovation énergétique a fortement diminué aussi. Nous faisons face à un effet "kiss cool", d'abord avec le retour des panneaux solaires : en ajouter sur les toits coûte moins cher que d'isoler une maison. Aussi, l'Etat a supprimé un échelon d'aide Ma Prime Rénov pour les revenus moyens ».

En attendant, les acteurs du secteur du logement restent dans l'expectative, espérant une diminution progressive des prix, jusqu'à réatteindre l'équilibre.

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