Métropole de Lyon : un budget 2024 touché de plein fouet par la crise immobilière

À l'image du Conseil de Paris qui s'en alarmait déjà en novembre dernier, la crise immobilière et notamment la baisse des droits de mutations perçus par les collectivités locales aura un impact direct sur les budgets 2024. Avec, pour le Grand Lyon - qui agrège les compétences d'une métropole et d'un département à l'échelle de son territoire - une baisse des recettes de cet impôt de -21%, qu'il a fallu absorber et contrebalancer dans le projet soumis au vote du conseil métropolitain fin janvier.
Cette année, l'addition reste relativement salée pour la Métropole de Lyon : les recettes dites « DMTO », issues des transactions immobilières, ont diminué de 21 %, soit -122 millions d'euros dans l'enveloppe des recettes de fonctionnement.
Cette année, l'addition reste relativement salée pour la Métropole de Lyon : les recettes dites « DMTO », issues des transactions immobilières, ont diminué de 21 %, soit -122 millions d'euros dans l'enveloppe des recettes de fonctionnement. (Crédits : DR/ML)

« Depuis 2020, il n'y a plus eu d'année normale et la période reste difficile », affirme la Métropole de Lyon, qui énumère volontiers les marqueurs ayant contraint la constitution de son budget 2024, soumis au vote ce lundi. Avec au menu, « un environnement mondial géopolitiquement instable, un contexte national marqué par un ralentissement de l'activité, notamment dans le secteur de l'immobilier, et une poursuite de l'inflation, même si cette dernière s'est ralentie, passant à 5,7% en 2023 selon la Banque de France ».

Mais cette année, le principal facteur qui aura donné du fil à retordre à la Métropole lyonnaise - qui bénéficie d'un statut particulier avec la réunion des champs d'action du Département et d'une Métropole sur les 58 communes qui la composent -, c'est bien la crise immobilière, que connaît l'Hexagone depuis plusieurs mois. Et plus particulièrement la baisse des droits de mutation à titre onéreux (connus sous le sigle DMTO), à savoir les taxes que l'Etat et les départements perçoivent après la vente d'un bien immobilier.

Un « trou d'air » de 122 millions d'euros

Car depuis le dernier trimestre 2023, en raison de la crise immobilière liée à la forte hausse des taux d'intérêt depuis deux ans, « le volume des mutations sur la France entière était redescendu à son niveau de 2015 », indique le Grand Lyon. Et pour son propre territoire, l'addition reste relativement salée puisqu'elle représente « une baisse de 21 % pour la Métropole entre 2023 et 2024 ». Soit 122 millions d'euros en moins dans ses caisses de fonctionnement, d'un total de 3,11 milliards d'euros cette année. Et si cette réduction se situe globalement dans la moyenne française (- 23 %), mais aussi devant Paris (-15 %), cela a notamment eu pour conséquence d'accentuer « l'effet ciseau » entre la faible augmentation de 0,5 % de ses recettes en un an (contre + 5,4 % entre 2022 et 2023), et celle de ses dépenses de fonctionnement, qui ont quant à elles augmenté de 2,1 %.

Pour autant, cette dégradation des DMTO semblait prévisible. Elle prend en effet la suite d'années particulièrement fastueuses pour les transactions immobilières, jusqu'en 2022, où « le retournement du marché s'est amorcé », remarque la Fédération nationale de l'immobilier (FNAIM) en septembre 2023. Cette conséquence directe pour les départements peut-elle être analysée comme une sorte de « rééquilibrage » ?

« La situation n'est pas catastrophique, mais la baisse risque néanmoins d'être sensible. De plus, elle arrive au plus mauvais moment pour les collectivités confrontées à une hausse des charges avec une envolée des prix de l'énergie et une inflation qui dope les dépenses d'équipements », remarque la Fédération immobilière.

De même, selon l'agence de notation Fitch Ratings, qui évalue notamment la santé financière de la métropole de Lyon, mais aussi du Grand Paris, « l'ampleur de la baisse est comparable à celle observée lors du dernier ralentissement du marché immobilier entre 2011 et 2014, période durant laquelle les DMTO avaient baissé de 18 % en France ». Cependant, elle reste « inférieure à la baisse observée en 2009 (-27% au niveau national) ».

Compensation par la TVA : la crainte d'une « perte de maîtrise » des recettes

Lors de la présentation de son budget 2024, Bruno Bernard, le président de la Métropole de Lyon, a donc insisté sur cette situation nationale ayant entraîné un effet domino : à savoir, « une dégradation de l'autofinancement, qui conduit à augmenter la part de l'emprunt en 2024 », représentant un encours de 1,494 milliard d'euros, tous budgets confondus. Et ce, alors que le Grand Lyon fait désormais face à un taux d'intérêt moyen estimé à 2,51 % (contre 1,98% en 2023). Cette opération n'aura que peu d'incidence cependant sur la capacité de désendettement métropolitaine, qui se réduit même d'un mois (passant désormais à 5 ans et 8 mois).

Mais d'autres leviers ont aussi permis de « compenser » cette dégradation des droits de mutation. C'est notamment le cas de la hausse de la TVA en tant que taxe nationale transférée à la collectivité (+5,6% en un an), car à nouveau stimulée par l'inflation et la consommation l'année dernière. Cette dernière représente ainsi près de 40 % des recettes de la Métropole, avec 806 millions d'euros.

En parallèle, d'autres taxes et impôts locaux sont aussi venus contrebalancer en partie la chute des DMTO - dont la Cotisation foncière des entreprises (CFE), la Taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM), la Taxe de séjour et la GEMAPI sur la gestion des déchets - mais pas de façon aussi significative. D'où une situation ambiguë, car jugée compensatoire, mais aussi « contraignante » par Bertrand Artigny, vice-président délégué aux finances. L'élu se préoccupe notamment « des produits fiscaux prépondérants (représentant 68,2 % des recettes), dont on perd la maîtrise ».

À ce titre, la part de la fiscalité nationale transférée (dont fait partie la TVA) a en effet augmenté en 2023 pour le Grand Lyon, atteignant 55 % de ses recettes. Tandis que celle de fiscalité locale dite « à pouvoir de taux » a pour sa part diminué de quelques points, passant de 39,3 % en 2023 à 36,9 % des recettes cette année. « Ce qui montre assez clairement que nous avons une perte de la maîtrise de nos recettes, ce qui est assez préoccupant », poursuit l'élu en charge du suivi de la politique budgétaire :

« L'augmentation du produit de la TVA (...) fait que nous ne sommes pas du tout dépendants de nos recettes de fonctionnement, ce qui pose un problème. (...) La part de la TVA a un poids très important dans nos recettes, et cette TVA est très liée à la situation économique, donc elle peut évoluer en fonction soit à la hausse, soit à la baisse ».

Budget recettes métropole de Lyon 2024

Maintenir l'augmentation des dépenses sociales

C'est dans ce contexte incertain qu'ont été fléchées les enveloppes des dépenses de fonctionnement 2024, en croissance de 2,1 % (58 millions d'euros) en moyenne, pour tous les budgets. Une augmentation tout de même « limitée » selon la majorité, au regard de l'année précédente, où les « charges générales » avaient par exemple été réhaussées de 15,8 %, notamment en raison de la crise énergétique, contre 0,1 % cette année - stabilisées à 490 millions d'euros.

Bruno Bernard déclarait ainsi « assumer un budget maîtrisé et en même temps très ambitieux ». Les plus fortes hausses concernent les dépenses sociales (APA, RSA etc.), l'un des premiers postes de la collectivité a, « pour lesquelles nous approchons du milliard », remarque Bertrand Artigny.

Du côté de l'opposition, David Kimelfeld (groupe progressistes et républicains), estime que « c'est en continuant à accueillir des activités économiques fortes, génératrices d'emplois, respectueuses de l'environnement, que l'on sortira de l'effet ciseau (...) Le dynamisme économique peut nous faire entrer des recettes pour mener des politiques sociales ambitieuses ».

Tandis que pour Lionel Lassagne (groupe La Métro positive), « l'encadrement des loyers, censé faciliter l'accès au logement des grands lyonnais, a en réalité créé l'effet inverse ».

Quant à l'agence de notation Fitch, elle ne s'attendait pas, lors de sa note en date du 7 septembre 2023, « à une reprise de cette recette (DMTO) avant le deuxième semestre 2024 en raison du décalage de quatre à six mois qui existe entre la signature de la promesse de vente et le versement de la recette aux départements ».

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