La rénovation énergétique des logements est l'une des priorités du gouvernement. En octobre dernier, l'Etat a renforcé son aide de 1,6 milliard d'euros, portant à 5 milliards l'enveloppe consacrée à ma MaPrimeRénov'2024 pour soutenir les ménages dans leurs travaux. Objectif : atteindre 200.000 « rénovations d'ampleur » (saut de 2 à 4 classes énergétiques) en 2024 sur les 5 à 6 millions de passoires énergétiques comptabilisées sur le territoire.
L'an dernier, ce sont 71.613 rénovations d'ampleur qui ont été réalisées en France via le dispositif, selon un bilan publié en ce début d'année par le Ministère de la Transition écologique. Un chiffre en hausse de 12,5%, pour un gain énergétique moyen de 54,3%.
Dans le Cantal, le parc immobilier est fortement concerné par cette problématique. La moitié des logements, ayant réalisé un DPE entre juillet 2021 et novembre 2023, étaient classés F ou G. Ce qui positionne le Cantal à la deuxième place des départements qui comptent le plus de passoires thermiques en France, derrière la Creuse. Classement établi par la plateforme Hello Watt, spécialisée en conseil en énergie, d'après des données de l'ADEME.
Chauffage au fioul et logements anciens
Pour rappel, le diagnostic de performance énergétique (DPE), instauré en 2006, permet de connaitre la consommation énergétique d'un logement (étiquettes A à G) et son impact en termes d'émissions de gaz à effet de serre
« Le DPE est établi selon une combinaison de facteurs. L'étiquette énergétique dépend notamment du type de chauffage et de la date de construction du logement. Dans le Cantal, la date médiane de construction est 1948, pour les DPE réalisés, contre 1961 au niveau national. Et puis, 18% de ces habitations sont équipées d'un chauffage au fioul, ce qui pénalise la note car cela pollue plus. C'est 5% au niveau national. Le DPE prend enfin en compte la géographie et le climat or, dans le Cantal, le climat est plus rude que dans le sud par exemple et c'est en partie montagneux », note Sylvain Le Falher, cofondateur d'Hello Watt.
Hello Watt apporte cependant une nuance. De nombreuses passoires énergétiques ont été mises en vente depuis juillet 2021 et ont, donc, fait l'objet d'un DPE, à cause de l'interdiction de location qui les concerne. Cela peut expliquer une surreprésentation de ces étiquettes F et G.
Travaux onéreux
Reste que le problème est bien réel. Et le montant des travaux peut faire peur.
« Pour une maison individuelle, il faut compter en moyenne 60 à 70.000 euros de travaux pour une rénovation globale avec un saut de 4 classes dans le DPE. Pour une rénovation d'ampleur, avec deux gestes d'isolation et le remplacement du mode de chauffage, il faut compter plutôt 25.000 euros, mais les ménages les plus modestes peuvent être soutenus jusqu'à 90% du montant de l'investissement. Ce sont des ordres de grandeur mais tout dépend de la superficie, de la spécificité du logement », indique Sylvain Le Falher, qui conseille de demander des devis à plusieurs artisans.
Afin de soutenir les propriétaires de logements très énergivores, plus de 15 millions d'euros ont été débloqués l'an dernier dans le Cantal, précise la Préfecture, via MaPrimeRénov' et les aides de l'Agence nationale de l'habitat (Anah). 9.000 dossiers ont bénéficié de financements depuis 2019.
« Dans le Cantal, nous n'avons refusé aucun dossier faute de crédit, ce qui démontre que nos moyens sont suffisants. Cette rénovation du parc immobilier revêt trois enjeux : d'abord d'amélioration du confort de vie et des conditions sociales des habitants, mais aussi de transition écologique et puis, il y a sans doute un lien avec le taux de vacances des logements dans le département. Nous avons des biens qui ne sont pas faciles à relouer ou à revendre à cause leur performance énergétique. C'est une question d'attractivité », pointe le préfet du Cantal, Laurent Buchaillat.
Au-delà de l'aide financière, les ménages attendent des conseils et une aide au montage des dossiers, qui peuvent paraître compliqués.
Opérations programmées d'amélioration de l'habitat
Pour cela, l'Etat a signé des conventions avec chacune des neuf intercommunalités cantaliennes. Depuis l'an dernier, la totalité du département est ainsi couvert par des opérations programmées d'amélioration de l'habitat (OPAH). Cela permet à l'Anah et aux collectivités de cofinancer les aides à la rénovation des logements. Mais surtout cela permet un accompagnement personnalisé des propriétaires par un opérateur spécialisé agréé, qui peut les conseiller sur le choix des travaux notamment.
« Il y a une vraie montée en puissance. Ces neufs conventions vont nous permettre d'aller plus vite, plus loin, plus fort. La dimension d'accompagnement est bien prise en compte et couverte sur notre territoire. Maintenant, il faut davantage « aller vers », c'est-à-dire se rapprocher des publics les plus précarisés. Nous réfléchissons à solliciter les travailleurs sociaux pour être des relais de ces dispositifs », explique Laurent Buchaillat.
« Il faut être polytechnicien pour s'y retrouver »
Les habitants du Cantal peuvent aussi trouver un accompagnement auprès de Cantal Rénov'Energie. Un service d'information indépendant et gratuit, mis en place par le Département depuis décembre 2021. Il dispense des conseils financiers, juridiques et techniques.
« Il y a tout un tas de dispositifs. Il faut être polytechnicien pour s'y retrouver entre les aides de l'Anah, celles des collectivités et les derniers changements apportés à MaPrimeRénov'. Il est nécessaire d'avoir ce service d'information », clame Bruno Faure, le président LR du Conseil départemental du Cantal.
Et le Département souhaite aller plus loin concernant les aides de l'Anah. « Je me pose la question de prendre la compétence sur les aides à la pierre et de les gérer en lieu et place de l'Etat (depuis 2004 et la loi Libertés et responsabilités locales, les collectivités peuvent devenir délégataires des aides à la pierre par convention avec l'État, ndlr). Certains départements le font. Cela permettrait d'apporter de la cohérence et de la simplification. Il faut recanaliser tout ça », s'agace Bruno Faure.
Maisons traditionnelle en pierre
Pour l'élu, il y a aussi un problème de référencement. Selon lui, le pouvoir isolant des murs en pierre, typiques de la maison traditionnelle auvergnate, ne sont pas assez pris en compte dans le calcul des DPE.
« Nous avons un manque d'écoute du national sur cette question. S'il n'y a pas de modification de la loi, 50% du bâti ne pourra plus être mis sur le marché de la location en 2034 dans le Cantal. Pour rentrer dans les clous, il faudrait isoler les murs notamment par l'extérieur et donc supprimer l'architecture traditionnelle et la typicité de nos maisons », se désole Bruno Faure.
Même s'il reconnaît que des travaux sont à réaliser sur le double vitrage, l'isolation des combles ou encore le changement des modes de chauffage. « Il y a du boulot mais nous sommes motivés. Nous allons nous améliorer », conclut l'élu.
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