Face à une explosion des dépenses, Saint-Etienne contrainte d’augmenter sa taxe foncière

La Ville de Saint-Etienne n’avait pas touché à ses taux d’imposition depuis plus de 10 ans, mais face à l’explosion des dépenses de la collectivité, son maire, Gaël Perdriau, indique n’avoir pas d’autre choix. Le taux communal de la taxe foncière des Stéphanois va être majoré de 15%. Cette proposition, présentée en conseil municipal ce début de semaine, devrait être actée d’ici un mois dans le cadre du budget primitif 2024.
C'est lors d'un conseil municipal particulièrement houleux, ce lundi, que Gaël Perdriau a exposé sa proposition d'augmentation de 15% de la taxe foncière.
C'est lors d'un conseil municipal particulièrement houleux, ce lundi, que Gaël Perdriau a exposé sa proposition d'augmentation de 15% de la taxe foncière. (Crédits : Stéphanie Gallo Triouleyre)

A l'occasion des élections municipales de 2014, c'était l'une de ses promesses fortes de campagne, alors répétée et brandie à maintes reprises : Gaël Perdriau avait assuré qu'il n'augmenterait pas les impôts de la ville de Saint-Etienne. Promesse assurément tenue pendant son premier mandat.

Réitérée à l'occasion de sa réélection en 2020, elle avait été assortie, rappelle aujourd'hui le maire de Saint-Etienne, de conditions liées à une stabilité globale de l'environnement exogène à la collectivité. Conditions qui, explique-t-il, ont complètement volé en éclat ces trois dernières années et qui l'amènent aujourd'hui à devoir majorer de 15% la taxe foncière.

Un taux de 44,68% pour les propriétés bâties

Présentée lundi à l'occasion d'un conseil municipal de plus 7 heures - particulièrement houleux car faisant suite aux dernières évolutions de l'enquête dont fait l'objet Gaël Perdriau dans le cadre de l'affaire dite du chantage à la vidéo intime (avec de nouveaux chefs de mise en examen) -, la proposition devrait être inscrite dans le budget primitif et débattue d'ici un mois.

Dans le détail, cette décision portera le taux de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) à 44,68% (ce qui représentera 95,82% du total des recettes fiscales de la ville de Saint-Etienne). Le taux de la taxe foncière sur les propriétés non bâties passera à 48,62% (0,34% des recettes fiscales), celui de la taxe d'habitation sur les résidences secondaires (pour mémoire unique taxe d'habitation depuis cette année) et sur les logements vacants sera porté à 23,18% (3,84% du produit fiscal).

Rappelons qu'à ces 15% décidés par la Ville de Saint-Etienne, s'ajouteront 3,9% liés à la hausse générale sur les valeurs locatives cadastrales décidée par l'État (mais perçue par les collectivités). Ces bases locatives sont utilisées pour le calcul de l'assiette de la taxe d'habitation et de la taxe foncière et sont indexées sur l'inflation.

En 2023, ces bases avaient déjà été revues de 7,1% à la hausse. Il y a deux ans, la Métropole stéphanoise (qui était alors présidée pleinement par Gaël Perdriau, pas encore en retrait suite aux mises en examen) avait par ailleurs fait passer la part qui lui revenait de 1,37% à 2,60%.

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Au terme de cette nouvelle évolution, les recettes fiscales pour Saint-Etienne sont estimées à 145 millions d'euros (contre 124 millions en 2023). Elles devront permettre de dégager 10 millions d'euros d'épargne nette dès 2024, un niveau équivalent à celui enregistré avant la crise Covid. Au total, les ressources courantes de la Ville de Saint-Etienne devraient s'établir, en 2024, à 269,11 millions d'euros (dont 170 millions d'euros d'impôts et taxes, 56,49 millions d'euros de dotations et participations et 41,78 d'autres produits courants). Elles étaient de 257,22 millions d'euros en 2023.

Dans le même temps, les dépenses de fonctionnement courantes sont estimées pour 2024 à 227 millions d'euros, contre 222,6 millions d'euros pour le budget 2023 (dont 132,9 millions d'euros pour les charges de personnel, 50 millions pour les charges à caractère général, 38,4 millions pour les charges de gestion courante).

Baisse des dotations et explosion des dépenses

Gaël Perdriau (ex-LR) se dit conscient de l'impact financier pour ses administrés mais assure ne pas avoir d'autre choix dans le contexte actuel. Son adjointe aux finances, Nora Berroukeche, énumère ainsi dans une longue litanie de chiffres, les nouvelles contraintes auxquelles la Ville doit faire face.

« Le coût cumulé des réformes imposées par l'État et liées aux collaborateurs a couté neuf millions d'euros depuis 2020 à la Ville. Et cela va continuer en 2024 avec notamment la hausse du point d'indice au 1er janvier 2023 soit +1,7 million d'euros en année pleine, la revalorisation de l'indice minimum, la revalorisation des grilles indiciaires pour les catégories B et C et l'augmentation de cinq points d'indice pour l'ensemble des agents au 1er janvier 2024 (+ 1,295 million d'euros). S'ajoute à ces dépenses, l'envolée des prix de l'énergie et de l'alimentation. Le poste énergie/électricité va ainsi passer de 6 millions d'euros au BP 2022 à 11,66 millions en 2024. Les charges de dépense courante augmentent aussi de manière significative ».

Ces hausses ne sont pas compensées par les dotations de l'État, pointe par ailleurs Gaël Perdriau, dénonçant une baisse cumulée de 137 millions d'euros des dotations de l'État depuis 2014.

« Dans ces conditions, nous avions trois choix. Nous pouvions poursuivre le plan d'économies que nous avons engagé sur les dépenses de fonctionnement et qui nous a amené à réduire ces dépenses de 25% (70 millions d'euros) depuis 2014. La réalité s'est imposée à nous : nous ne pouvons plus faire d'économies sans impacter le niveau de service à la population. Nous pouvions aussi réviser à la baisse nos investissements (actuellement de l'ordre de 50 millions d'euros par an) mais couper les investissements d'aujourd'hui, c'est hypothéquer le Saint-Etienne de demain, je m'y refuse. Il ne nous reste donc plus que le levier de l'impôt. Sans cette hausse, nous n'aurons pas les moyens de mener à bien notre plan de mandat », assure Gaël Perdriau.

Et de rappeler que pour un couple avec deux enfants, vivant dans un 90m² cours Fauriel, l'impact de cette hausse serait de 15 euros par mois. Loin d'être suffisant, selon l'édile, pour l'inciter à s'exiler hors de la ville, répondant ainsi à un argument de Pierrick Courbon, leader socialiste de l'opposition municipale.

L'opposition, unanimement contre

L'ensemble de l'opposition (socialistes, écologistes, communistes, et élus indépendants) a voté contre la proposition présentée par la majorité municipale.

« Cette hausse d'impôt est historique. Elle est brutale, incohérente et injuste. Brutale parce qu'elle est extrêmement forte, non anticipée. Elle va lourdement plomber le pouvoir d'achat des Stéphanois. Incohérente car en parfaite contradiction avec les discours répétés depuis 10 ans par l'équipe municipale. Injuste et scandaleuse parce qu'elle doit permettre de préserver les services publics locaux selon la majorité, alors même que le bilan en la matière de l'équipe en place est particulièrement sinistré : fermeture de places en crèches, d'accueils périscolaires, d'une mairie de proximité, etc. Nous ne sommes pas contre l'impôt, mais stratégiquement il aurait été beaucoup plus efficace d'augmenter d'1,5% par an plutôt que cette hausse brutale », tacle Pierrick Courbon.

Et d'anticiper les conséquences pour les « propriétaires stéphanois qui, pour la plupart, sont de modestes propriétaires qui ont pu acheter leur maison grâce à de longues années de travail ».

Même écho du côté de Benoit Fabre, président du Medef Loire, qui craint de voir les salariés stéphanois fuir la ville et accentuer encore les « phénomènes de migrations économiques dont souffre Saint-Etienne ».

Plus que Lyon mais moins que Grenoble et Clermont

Avec un taux d'imposition sur les propriétés bâties de 38,85% jusqu'ici, Saint-Etienne se situait dans la moyenne des taux communaux qui s'affichait à 38,28% en 2023 selon les données de la DGFIP. Avec 15% de plus, la préfecture ligérienne sera donc sensiblement au-dessus de cette moyenne 2023 (sans qu'on connaisse la moyenne 2024 pour le moment).

Soit bien au-dessus de Lyon (31,89% en 2023, en englobant une hausse de 8,8% votée l'année dernière par la majorité EELV) mais bien en dessous du taux appliqué par Clermont-Ferrand (46,60% en 2023) et surtout Grenoble (65,79%) qui avait fait le choix l'année dernière d'appliquer une majoration de 25% de sa taxe sur les propriétés bâties pour « être en capacité de renforcer la justice sociale, d'accélérer l'adaptation au changement climatique et préserver le service public face à l'inflation ».

En 2023, 14% des communes françaises avaient appliqué une hausse de leur taxe foncière selon la DGFIP.

Les tendances nationales 2024, au niveau national ne sont pas encore connues, les collectivités ont jusqu'au mois d'avril pour faire voter d'éventuelles augmentations. Dans la région Auvergne Rhône-Alpes, hormis Saint-Etienne, on peut noter le positionnement de Villeurbanne (69) qui a fait connaitre, dès novembre dernier, son projet d'augmenter de 10% sa taxe foncière.

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Commentaire 1
à écrit le 17/02/2024 à 12:54
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tous ces "gus" qui dirigent ne savent que "piquer" sur ceux qui bossent au profit de ceux qui se promènent toute une journée ... et ont l'énorme qualité de dépenser à outrance.... ils n'ont pas honte , ils se prennent pour des "dieux"

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