Taxe foncière : un impôt local qui peut varier du simple... au double en Auvergne Rhône-Alpes

Alors que la taxe d’habitation poursuit sa lente disparition d'ici 2023, la taxe foncière pèse toujours dans le portemonnaie des acquéreurs d’un bien immobilier. Selon le dernier baromètre publié par Meilleurtaux.com, l’heure est pour l’instant au « statut quo », même si la plateforme anticipe des hausses à venir d’ici 2022 et met en lumière des inégalités concernant le niveau de cette taxe. La région Auvergne Rhône-Alpes n’y fait pas exception, avec deux villes moyennes où le poids de cette taxe s'avère particulièrement élevé, dans une course qui, mécaniquement, est amenée à se poursuivre.
Si Saint-Etienne supporte la 2e place du classement des 20 villes où le poids de la taxe foncière demeure le plus élevé (1.065 euros par année) la ville de Grenoble figure elle aussi dans le top 10, avec une taxe foncière à 1.381 euros annuels, qui se pose comme l'héritage de plusieurs décennies.
Si Saint-Etienne supporte la 2e place du classement des 20 villes où le poids de la taxe foncière demeure le plus élevé (1.065 euros par année) la ville de Grenoble figure elle aussi dans le top 10, avec une taxe foncière à 1.381 euros annuels, qui se pose comme l'héritage de plusieurs décennies. (Crédits : POMA - Lucas Frangella)

Après un an et demi de crise sanitaire, les Français ont démontré leur volonté de devenir propriétaires. Aux quatre coins de l'Hexagone, les professionnels de l'immobilier ont noté un vif regain d'intérêt pour le marché immobilier, à la suite des deux premiers confinements, et qui se vérifie encore aujourd'hui, en particulier sur certains types de biens (maisons, appartements plus spacieux ou possédant un espace extérieur).

Mais alors que les taux des crédits immobiliers demeurent bas, et que la taxe d'habitation est amenée à disparaître, un autre impôt a cependant continué de peser dans le porte-monnaie des propriétaires et des futurs acquéreurs : la taxe foncière.

Il a même eu plutôt tendance à augmenter, comme le dévoile le récent baromètre de la plateforme Meilleur taux.com : car pour un logement d'une surface moyenne de 70, son coût serait ainsi passé à 101 euros par mois, contre 98 euros en 2020 et 92 euros en 2018.

Plusieurs sources estiment même que ce montant serait encore appelé à grimper dès cette année, puisque, selon l'Association des Maires de France, une commune sur trois prévoyait de réhausser le niveau de sa taxe foncière en 2021 (contre seulement 7 % l'année dernière). Avec, en cause, un faisceau de dépenses non prévues engendrées par la crise sanitaire, mais aussi la baisse d'une autre série de recettes liées à la chute de l'activité économique durant les confinements.

« La réforme des valeurs locatives cadastrales (applicable en 2026), qui prévoit la révision du calcul des impôts locaux risque de faire augmenter significativement les impôts fonciers et réserver de mauvaises surprises aux propriétaires. Mais cela ne concernera pas tout le monde », se projette déjà Meilleurtaux.com.

Une taxe dont le poids est moins élevé dans les grandes villes

Avec, comme autre caractéristique, celle que toutes les communes sont loin d'être égales à ce sujet : ainsi, sur les 20 plus grandes villes de France étudiées par Meilleurtaux.com, c'est Saint-Etienne qui décroche la 2e place de la ville où le poids de cette taxe demeure le plus élevé (1.065 euros par année, soit l'équivalent de 2,1 mensualités de prêts supplémentaires) juste derrière la ville de Nîmes (1.500 euros annuels, soit 2,2 mensualités de prêt).

Grenoble n'est pas très loin, en 8e place, avec une taxe foncière à 1.381 euros annuels, tandis que la ville de Lyon boucle le classement, juste devant Paris, à respectivement 892 et 745 euros annuels (soit 0,5 et 0,2 mensualités des prêts nécessaires à financer une surface de 70m2).

Car l'un des premiers enseignements de ce classement est bien que les grandes villes ne sont pas les plus chères en matière de taxe foncière, même si leurs prix au m2 sont inversement proportionnels (10.614 euros du  pour Paris, 5.623 euros pour Lyon, ou encore 4.498 euros pour Nice...)

"Alors que les multiples confinements et la généralisation du télétravail ont poussé de nombreux Français à quitter les grandes métropoles pour privilégier les villes moyennes, ce sont ces dernières qui enregistrent aujourd'hui, en majorité, les taxes foncières les plus élevées", note la plateforme Meilleurtaux.com.

A titre d'exemple, Lyon figure, au même titre que Lille ou Strasbourg, parmi les grandes villes où l'impôt local est le moins élevé, avec un montant qui ne dépasse pas 75 euros par mois lorsqu'il est mensualisé. « Depuis 2018, ces villes n'ont quasiment pas connu de hausse de la taxe foncière, un quasi statuquo à interpréter comme positif, pour tous ceux qui souhaitent y investirmais qui n'a pas forcément là encore vocation à perdurer », explique Maël Bernier, directrice de la communication et porte-parole de Meilleur Taux.com.

Car en étant calculée sur plusieurs variables, telles que la valeur cadastrale d'un bien (assise notamment sur le montant qu'atteindrait la somme des loyers annuels, si le bien était mis en location) mais aussi la somme des taux fixés à la fois par la commune, l'établissement public de coopération (EPCI) ainsi que le département, le montant de la taxe foncière évolue dans les faits tous les ans, chaque échelon ayant une influence sur le montant de la taxe finale.

Et dans le cas des villes plus précisément, la taxe foncière représente désormais l'un des seuls moyens, pour ces collectivités qui ont perdu d'autres leviers fiscaux au profit des métropoles (comme la fiscalité des entreprises par exemple), de financer des infrastructures lourdes, au premier rang desquelles, les mobilités par exemple.

« Bien souvent, on observe un boom de la taxe foncière dans les villes qui ont dû accélérer leur construction immobilière d'un coup, et notamment opérer de grands projets de tramways, mobilité, etc. Dès qu'un grand chantier se profile, les impôts locaux augmentent », illustre Maël Bernier.

Un questionnement de longue date à Saint-Etienne

C'est d'ailleurs l'une des raisons pour laquelle les villes moyennes, qui attirent aujourd'hui les citadins grâce leur qualité et coût de la vie, sont loin d'être les moins chères en matière de taxe foncière.

Un constat qui se vérifie, en région Auvergne Rhône-Alpes, avec la ville de Saint-Etienne, qui dispose d'un niveau historiquement élevé s'expliquant notamment par les faibles revenus engrangés par la taxe d'habitation, basée, elle, sur les revenus. Cette taxe foncière alourdit fortement la facture des acquéreurs.

Comme l'explique Meilleurtaux.com, « s'ils veulent pouvoir financer une surface de 70m2, les futurs acheteurs peuvent jusqu'ici emprunter sur 20 ans, à un taux hors assurance à 1,10%, et payer respectivement une mensualité de 499 euros. Mais lorsque l'on ajoute le poids de la taxe foncière sur le crédit immobilier cela change complètement la donne : c'est comme si le Stéphanois empruntait en fait à 2,90% et au lieu de 12 mois de crédit, il en paiera l'équivalent de 14 ». La tendance ne devrait pas s'inverser dans l'immédiat.

Le maire LR de Saint-Etienne Gaël Perdriau, qui défendait une politique exempte de nouvelles hausses, a dû se résoudre à annoncer récemment, pour la première fois une hausse, des impôts locaux à la métropole, afin d'être en mesure de doubler son niveau d'investissement sur le mandat à venir de 400 à 800 millions d'euros, sur un périmètre de 53 communes.

L'ensemble des propriétaires de ces 53 communes subiront ainsi, dès l'année prochaine, un doublement du taux métropolitain de leur taxe foncière. Celui-ci passera de 1,37% à 2.60%. Rappelons que le taux communal, à Saint-Etienne par exemple, est de 23,55% et la taxe revenant au Département de 15,30%.

Les 2/3 de cette nouvelle hausse seront supportés par les entreprises, contre un tiers par les ménages, à travers la naissance d'un "Pacte financier et fiscal", qui doit être voté avant le 1er octobre. Objectif : imaginer les 10 à 15 années à venir et soutenir le transfert de nouvelles compétences coûteuses, comme celles de la voirie (passée de 100 km à 3.000 km en gestion métropolitaine).

... A Grenoble, la piste des charges de centralité

A Grenoble, autre métropole de l'arc alpin, le maire écologiste Eric Piolle demeure aux commandes, pour son second mandat, d'une ville où cet indice explose, puisqu'un logement de 70m2 à Grenoble ville coûtait déjà 1.278 euros de taxe foncière annuelle en 2019, et même 1.380 euros annuels aujourd'hui... Soit deux fois plus que son homologue Lyon.

Pour Maël Bernier, Grenoble est l'exemple d'une ville où, pour des mensualités de crédit fixée à 900 euros par mois, un couple ou un célibataire peut être éligible à un crédit immobilier, à condition qu'il gagne par exemple 2.700 euros de revenus mensuels.

« Mais en ajoutant la taxe foncière, qui est à 1.380 euros à l'année, on arrive à un point où celle-ci représente un mois et demi de crédit en plus ». Si une telle mesure impacte en bout de ligne peu les profils investisseurs, qui pourront ensuite déduire la charge que représente la taxe foncière de leurs revenus locatifs annuels -même s'ils devront bien entendu la régler-, ce n'est pas le cas pour les ménages, qui seront les plus pénalisés en bout de ligne, rappelle Maël Bernier.

Le quatrième adjoint aux finances et à la comptabilité écologique de la ville de Grenoble, Hakim Sabri, rappelle que la nouvelle majorité héritée, à son arrivée, d'un très fort niveau d'endettement qui prend sa source... lors des jeux olympiques de 1968. « A cette époque, la dette avait été portée à près de 100 millions d'euros, puis n'a fait que grimper lors du mandat d'Alain Carignon pour atteindre 300 millions d'euros en 1995. Depuis, cette somme a peu bougé, pour atteindre les 270 millions d'euros pour un budget annuel de fonctionnement de 250 millions d'euros par an ».

Une somme particulièrement difficile à rembourser selon lui, puisque la municipalité ne parvient à dégager qu'une épargne brute de gestion d'environ 20 millions d'euros par année. « Pour la rembourser, il ne faudrait plus rien investir durant 10 ans », note-t-il. Et l'augmentation ne devrait pas être pour 2022 : alors que l'écologiste Eric Piolle a pris l'engagement de ne pas augmenter les impôts locaux, son adjoint précise que toute hausse devrait faire l'objet, au préalable, d'une consultation citoyenne.

Un Pacte financier et fiscal, mais des hausses quand même

La seule piste que possède la ville iséroise pour infléchir sa trajectoire serait donc de négocier avec sa métropole, présidée par le PS Christophe Ferrari, un Pacte financier et fiscal permettant de rediscuter des charges de centralité, composées notamment de la gestion des grands équipements, qui pèsent encore actuellement sur la ville centre. Une équation particulièrement délicate.

Sans compter que pour la plupart des communes, la hausse suit mécaniquement sa course, de par la révision des indices de calcul sur lesquels sont basés la taxe foncière.

C'est par exemple le cas à Lyon, où l'association des contribuables lyonnais Canol remarquait ainsi cette semaine que, dans le cadre des taux 2021 commune et intercommunalité, si "les nouveaux taux ne provoquent pas d'augmentation par rapport à 2020", "des majorations sont provoquées par la hausse des bases (valeurs locatives), qui ont été augmentées de 0.3% en 2021".

Concernant la taxe des ordures ménagères, "la Métropole de Lyon a décidé d'un taux unique pour tous de 4.93% en 2021, quelque soit la fréquence des ramassages. Les foyers dont les ordures étaient ramassées 6 fois par semaine (Lyon, Villeurbanne, Tassin,...) voient ainsi leur taux diminuer, les autres subissant une augmentation pour le même service qu'auparavant".

Une tendance pointée également par l'Union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI) qui, dans le cadre de son Observatoire des taxes foncières sur les propriétés non bâties, remarquait qu'en l'espace de cinq années (2014 à 2019), "la taxe foncière des locaux d'habitation a augmenté en moyenne de + 12,1 % sur le territoire français", cumulant non seulement le bloc communal et département, mais aussi la part attribuée à la majoration légale de 5,8 % des valeurs locatives, observée entre 2014 et 2019.

Dans le Rhône, cette hausse mécanique s'est ainsi traduite notamment par une augmentation de +6,47% pour la facture des propriétaires de biens immobiliers en l'espace de cinq ans, et même de +11,8% pour le périmètre de Lyon ou de +18,5% pour celui de Villeurbanne. Celle-ci est encore plus prononcée dans la Loire (+9,7%), mais aussi en Isère (+9,9%), en Haute-Savoie (+10,30%) ou encore en Savoie (+12,27%).

 Et l'UNPI de conclure : "Ni la Métropole de Lyon, ni aucune commune du Rhône n'avaient, à l'approche des élections municipales, relevé leur taux de taxe foncière 2020. Le département du Rhône non plus, car 2020 est la dernière année où les départements bénéficient encore de la taxe foncière. Pour autant, la taxe foncière augmente cette année néanmoins de + 1,2 %, selon le coefficient de majoration légale 2020, et à Villeurbanne de + 1,34 %, avec une très légère hausse du taux du syndicat de communes".

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