Stations de ski : l'heure d'un premier bilan, les congés de février dans le viseur

Premier temps fort de la saison d’hiver après une année blanche, les stations de ski ont-elles pu refaire le plein durant les fêtes ? Alors même que le variant Omicron explosait et que les restrictions d’entrée destinées aux voyageurs britanniques ont surpris à la veille des vacances scolaires, les professionnels des Alpes tirent le premier bilan du coup d’envoi de la saison. Avec des chiffres encore en dessous du niveau d'avant-crise, et un prochain rendez-vous dans le viseur, celui des vacances de février, qui pourrait s'avérer déterminant. En Pays de Savoie, c'est même une enveloppe d'un demi million d'euros qui vient d'être réinvestie pour "déclencher" des réservations.
(Crédits : B Jorgenson)

Ils attendaient beaucoup de cette nouvelle saison, après une année blanche ou presque enregistrée à l'échelle des stations de ski, à la suite de la fermeture des remontées mécaniques à l'hiver dernier, qui ont pesé pour 5,8 milliards d'euros selon le dernier décompte, rien qu'à l'échelle des 112 stations des deux Savoie.

Au lendemain des vacances de Noël et des fêtes de fin d'année, les acteurs de la montagne ont dévoilé les premiers chiffres : ce sera finalement un bon niveau de réservations qui a pu se maintenir durant cette période charnière des fêtes -qui peut représenter jusqu'à 20 % de leur chiffre d'affaires annuel-.

Pour autant, la fréquentation enregistrée cette année n'a pas encore retrouvé son niveau d'avant-crise. Selon le dernier décompte publié ce lundi par l'Association nationale des maires des stations de montagne (ANMSM) s'appuyant sur le cabinet G2A, les derniers chiffres font état d'un taux d'occupation moyen de 74% pour les deux semaines de Noël et du jour de l'an, contre 84% pour l'hiver 2019/2020.

Et pour l'agence Savoie Mont Blanc également, qui représente les 112 stations présentes en Savoie et Haute-Savoie, les derniers chiffres font état d'une baisse de -14% par rapport à l'hiver de référence (2018/2019), qui était cependant considéré par l'ensemble des professionnels comme une année de fréquentation « exceptionnelle ». Avec, dans le détail, un taux de remplissage atteignant 64% à Noël, et 83% au Nouvel An.

« Il faut rappeler que certains segments comme les villages-vacances ont perdu jusqu'à 35% de leur activité depuis la crise sanitaire, ce qui est énorme. Lorsque l'on sait également que l'on dénombre 1,4 million de lits touristiques à l'échelle des deux Savoie, un taux d'occupation moyen de 64% demeure considérable », nuance le directeur général de l'Agence, Michaël Ruysschaert.

Le sentiment est donc mitigé, sur le terrain : car si les vacances de fin d'année n'ont pas été, dans l'ensemble « à la hauteur des espérances », comme le note l'organisme de promotion territoriale de la Savoie et Haute-Savoie Savoie Mont Blanc, « il faut surtout relativiser ce constat et le comparer à la période que nous venons de traverser : on sort de trois saisons qui auront été impactées par cette crise, les stations attendaient une vraie relance économique mais tout le monde est en effet ravi de pouvoir travailler et ouvrir les remontées mécaniques. ».

Et le président de l'ANMSSM et de France Montagnes, Jean-Luc Boch, de souligner que la fréquentation est jugée « satisfaisante même si l'on constate un léger décalage par rapport à l'hiver 2019-2020, dans un contexte sanitaire toujours compliqué ».

Des britanniques absents, et pas complètement remplacés

Premier facteur évoqué : l'absence de la clientèle britannique, qui représente habituellement 12% de la clientèle des Deux Savoie par exemple, mais dont la proportion  peut facilement grimper jusqu'à 59% dans des stations-villages comme Sainte-Foy en Tarentaise, ou encore 35% à Val d'Isère.

Pour Jean-Luc Boch, « l'absence des vacanciers anglais et plus globalement internationaux présente une perte importante, notamment pour les stations d'altitude ».

La Compagnie des Alpes en sait également quelque chose puisque, après avoir misé sur la relance d'une ligne Eurostar directe entre Londres et la vallée de la Tarentaise à ses frais dès cet hiver, le groupe a été contraint de suspendre ces dessertes avant même leur lancement en raison du resserrement des conditions d'entrées en provenance du Royaume-Uni. A ce stade, la liaison qui amenait jusqu'ici 29.000 voyageurs annuels n'a toujours pas pu reprendre.

« Heureusement, nous avons eu également une clientèle d'excursionnistes locaux et de propriétaires de résidences secondaires qui ont été au rendez-vous sur les périodes de Noël et du Jour de l'an, et qui avaient auparavant l'habitude de venir plutôt une année sur deux. Cette année, ils ont eu tendance à venir plus souvent et à utiliser leur bien comme une valeur refuge », estime Michaël Ruysschaert.

Celui-ci note également que les conditions sanitaires ont cette fois joué en faveur de la montagne pour un segment de clientèle des plus de 60 ans, qui avaient tendance à partir à l'étranger durant les fêtes, et notamment dans les pays du Magreb, dont les conditions d'entrées se sont depuis complexifiées. « Mais l'on ne peut pas vraiment compenser une clientèle par une autre, puisque ces quinquas et quadragénaires ne remplacent pas vraiment la perte des 12% des clients anglais, qui sont par ailleurs de grands consommateurs de ski », ajoute-il.

Une première semaine de janvier à comptabiliser

Pour Alexandre Maulin, président de Domaines Skiables de France (DSF), ce premier bilan reste toutefois à nuancer et à consolider avec la semaine qui vient de démarrer, et qui est encore marquée par la fin des vacances des touristes étrangers, notamment Belges et Hollandais, arrivés encore en nombre sur les routes ce week-end.

« Il est difficile d'avoir une vision à ce stade, car si les données de cette troisième semaine pourraient encore faire pencher la balance ». Et ce, tout en sachant d'ores et déjà que le tableau sera très hétérogène puisque certaines stations ont été beaucoup plus impactées que d'autres par l'absence des touristes britanniques, dont les conditions d'entrées ont été durcies « jusqu'à nouvel ordre ».

« Cette situation se traduit également du côté des écoles de ski, puisque celles qui fonctionnaient habituellement beaucoup avec la clientèle anglaise sont très impactées à l'heure actuelle, alors que d'autres se portent mieux », explique Michaël Ruysschaert.

Du côté des contraintes sanitaires, Alexandre Maulin remarque que l'exigence du pass sanitaire sur les remontées mécaniques n'a pas été un frein. « Les clients ont parfois eu moins de mal avec la demande du pass sanitaire qu'avec celle de porter un masque en plein air », tout en soulignant que du côté des clusters détectés sur certains sites comme au Club Med de Val Thorens, où une trentaine de cas de Covid-19 ont été détectés à la mi-décembre. « On est dans la même situation que sur l'ensemble du territoire, ni plus ni moins », estime le président de DSF.

Février, le second rendez-vous à ne pas manquer

Si aucun horizon n'est fixé pour l'instant quant à l'assouplissement des conditions de voyage en provenance du Royaume-Uni, les professionnels de la montagne s'attendent encore à un mois de janvier, traditionnellement occupé en partie par cette clientèle britannique, particulièrement incertain.

Le spectre de la troisième dose, qui devrait être requise à compter de la mi-janvier selon le pass vaccinal actuellement en cours de discussions au sommet de l'Etat, pourrait avoir un double effet "kiss cool" : assouplir à nouveau l'entrée de certains pays dont les campagnes de rappels sont avancées, comme le Royaume-Uni, mais au contraire restreindre celle d'autres nations comme les Belges ou les Pays-Bas, qui n'en sont pas encore au même stade.

Les professionnels ont déjà les yeux rivés sur les cinq semaines de janvier, traditionnellement occupées par les touristes britanniques, mais surtout vers les vacances de février, leur second grand rendez-vous de la saison qui représente jusqu'à 40% de leur chiffre d'affaires.

« Ce sera une échéance à ne pas manquer » rappelle l'agence Savoie Mont Blanc, qui a choisi pour cela d'investir une enveloppe d'un demi millions d'euros (apportée par les départements de la Savoie et Haute-Savoie) « afin de cibler les 70% de français qui s'avèrent encore indécis et se décident généralement quatre semaines seulement avant leur départ ». Et cela, en plus des 2 millions d'euros qui avaient déjà été investis courant 2021 en partie dans la saison d'hiver à venir.

« Cela représente environ le double de ce que nous engageons habituellement, puisque notre budget se situe plutôt autour de 1,1 million d'euros à ce sujet », souligne le directeur général de l'Agence Savoie Mont Blanc. Objectif : marteler les propositions de la destination Deux Savoie en utilisant tous les leviers, et notamment celui de la radio, auprès de la clientèle de proximité afin de « déclencher à la fois de courts séjours en janvier et de renforcer également l'offre de février ».

Des discussions seraient également en cours entre les acteurs du monde de l'hébergement concernant la possibilité de proposer des tarifs préférentiels durant les vacances de février également. « A ce sujet, il y a deux écoles, car certains estiment qu'il ne faut pas dégrader l'image de qualité que représente la destination ski tandis que d'autres estiment que ce qui est pris aujourd'hui n'est plus à prendre... ».

En tous les cas, Michaël Ruysschaert le rappelle : « C'est une saison que l'on ne peut pas manquer car nous savons déjà que certains acteurs ne se relèveront pas d'un énième PGE ».

Eric Adamkiewicz, maître de conférences en développement territorial à l'Université de Toulouse III Paul Sabatier, qui questionne régulièrement le modèle du tourisme d'hiver, regrette pour sa part cette reprise ne soit pas placée sous le signe d'une « véritable » diversification du modèle de la montagne :

« A ne communiquer que sur les chiffres des lits commercialisés, on continue de donner une image tronquée de la réalité de leur fréquentation. Car ces lits, sur lesquels on a pris l'habitude de communiquer, ne représentent que 50% des lits réels et ne donnent aucune visibilité sur les tendances des lits gérés par les propriétaires. Cela a pour effet trompeur de surévaluer la fréquentation d'une part, alors qu'en réalité, aucune station ne peut produire un remplissage de 100% de ses lits, qui sont beaucoup trop nombreux ».

(publié le 04/01/2021 à 9:30, actualisé à 15:46)

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