« Je ne peux être plus clair : on skiera en France cet hiver », affirmait lui-même le secrétaire d'Etat chargé du Tourisme, Jean-Baptiste Lemoyne, quelques heures avant de se rendre à Chambéry. Et c'est le même message qu'il a souhaité porter personnellement, auprès des acteurs de la filière des remontées mécaniques, fortement éprouvés par les impacts économiques d'une saison blanche, désormais estimés à 120% de leur CA annuel.
Lors de son congrès annuel, qui déroulait ce jeudi en Savoie, le syndicat professionnel Domaines skiables de France (DSF), qui s'était posé comme un porte-voix des revendications de la montagne française auprès des services de l'Etat, a évoqué les enjeux clés pour une reprise forte et très attendue par le secteur.
A savoir la question de la diversification nécessaire du modèle des stations, « sans jamais renier le pilier que demeure le ski », ainsi que les conditions d'une relance attendue de pied ferme, dès la saison prochaine, en s'appuyant sur l'outil que représente le pass sanitaire.
Car les acteurs de la montagne l'ont déjà affirmé : il était pour eux inenvisageable de se heurter une nouvelle fois, et en dernière minute, à une fin de non-recevoir de la part de l'Etat français. On se souvient à quel point l'annonce brutale d'une fermeture des remontées mécaniques, annoncée par le président de la République puis confirmée par Jean Castex, avait mis à mal les acteurs de la filière.
Désormais, tout l'enjeu de ces dernières semaines a été, après le renouement du dialogue acté par l'annonce du plan Avenir Montagnes en mai dernier, de bâtir un protocole conjoint de réouverture.
Pour le président de DSF, Alexandre Maulin, l'heure est donc à ce sujet à un climat "optimiste mais prudent" : "nous parlons de réouverture et les conditions doivent être précisées au cours des prochains jours (...) La question est aujourd'hui davantage sur la manière dont on ouvre, et sous quels protocoles".
Car à l'heure où le gouvernement travaille sur un possible assouplissement du pass sanitaire, les stations entrevoient désormais une ouverture certes encadrée, mais plus nécessairement placée sous le pass sanitaire concernant leurs remontées mécaniques.
Jean Baptiste Lemoyne l'a lui-même évoqué : si la situation sanitaire le permet, le pass sanitaire ne sera pas nécessaire. Le projet de loi de vigilance sanitaire, qui sera présenté en Conseil des ministres le 13 octobre prochain, doit donner le ton de la saison.
Soutenir les investissements (ski et hors ski)
Le second sujet d'actualité aura été la poursuite des investissements, au sein d'une industrie où ces derniers demeurent importants (soit environ 400 millions d'euros par année). Et plus particulièrement au sein l'activité ski, directement menacée par le changement climatique, mais dont les associations environnementales remettent de plus en plus souvent en cause la durabilité.
Mais s'ils s'accordent qu'il faut « élargir le modèle » et « développer les activités hors ski », les acteurs des remontées mécaniques s'inquiétaient notamment du fléchage des aides accordées par l'Etat au sein du plan Avenir Montagnes à venir.
Car en visant avant tout à investir dans la montagne de demain et dans sa diversification, ce plan de 650 millions d'euros n'appuierait pas suffisamment, à leurs yeux, la nécessité de soutenir cette activité qui représente encore le « moteur » du tourisme en montagne.
Mais la venue du secrétaire d'Etat à la Ruralité, Joël Giraud, qui avait fait le déplacement à Chambéry, aura eu pour effet de les rassurer à ce titre, puisque celui-ci a confirmé que "les aménagements des domaines skiables sont éligibles au plan Avenir Montagnes s'ils en remplissent les critères". Un gage de réassurance pour DSF, qui sait néanmoins que ce plan se placera sur du temps long, et engagera davantage les ressources à compter de la saison 2022-23.
Conjuguer développement durable et économique
A ce sujet, il faut noter la présence, pour la première année à l'occasion de ce Congrès, du vice-président de l'association Mountain Wilderness (MW), Fredi Meignan, dont la principale mission demeure de « sauvegarder la montagne, sous tous ses aspects ».
Signe que la filière de la montagne a pu, à travers cette crise, se rassembler pour adresser des questionnements communs ?
"Historiquement, il existait des conceptions différentes, entre une montagne lourdement aménagée et une montagne préservée : des divergences demeurent, mais face aux crises qui s'accélèrent, il existait aussi un vrai enjeu de confronter nos points de vue, et de cheminer ensemble pour trouver une route", explique Fredi Meignan à La Tribune.
D'ailleurs il ne s'en cache pas : à ce titre, le congrès de DSF se posait un peu comme le "match retour" d'un dialogue amorcé entre aménageurs et associations environnementales, dont on commence à percevoir les premiers jalons. Car quelques jours plus tôt, Moutain Wildness avait justement co-organisé les Etats Généraux de la transition du tourisme en montagne, qui avaient accueilli 2.000 participants en digital (dont DSF), en partenariat avec l'association 2TM (Transitions des territoires de montagne).
« Ces États généraux arrivent à point nommé pour montrer qu'il est possible de se fédérer et de discuter, même en étant en désaccord », affirmait lui-même Fredi Meignan, rappelant que « même s'il y aura des débats, nous ne sommes plus aujourd'hui dans cette opposition entre aménageurs de la montagne et associations écolos. Il existe désormais une vraie volonté et un travail collectif qui s'amorce ».
A cette occasion, le président de DSF Alexandre Maulin avait lui-même souligné la nécessité que tous les acteurs « s'engagent vers un mieux vivre en montagne qui coordonne les besoins économiques, les besoins des habitants et les besoins de protection de ce magnifique territoire ».
Rappelant, du même temps, les 16 éco-engagements pris par la filière il y a quelques mois, afin de démontrer que le ski peut aussi contribuer à limiter ses émissions de GES ou encore participer à la protection de la biodiversité. Avec notamment l'objectif d'atteindre la neutralité carbone de notre secteur, dès 2037 avec zéro émission de CO2.
De nouveaux engagements pour le climat et l'emploi
A noter également que lors de ce congrès, les acteurs des remontées mécaniques en ont profité pour faire un pas de plus et marquer leur engagement en matière climatique : avec la signature du French Business Climate Pledge par la totalité des domaines skiables français adhérents (soit 230 opérateurs de domaines skiables), en présence de Joël Giraud.
Et DSF de souligner à cette occasion : "Pour la première fois, une branche tout entière s'engage d'un seul bloc dans la convention pour le climat initiée par Mouvement des Entreprises de France".
"Initié par le Mouvement des Entreprises de France (MEDEF), le French Business Climate Pledge est un engagement volontaire d'entreprises implantées en France qui agissent concrètement pour réussir la transition vers une économie bas carbone, l'innovation et le développement de solutions, technologies, produits et services", rappelle à cette occasion DSF.
Sur le volet emploi également, la branche des remontées mécaniques, qui regroupe 412 adhérents (et notamment des opérateurs de remontées mécaniques ou de domaines skiables) en a profité pour signer une nouvelle convention collective avec les syndicats des salariés FO et CGT. "Ce n'est pas tous les jours qu'une branche signe une nouvelle convention collective, mais la nôtre datait de 1968 et comportait 90 avenants. Il existait une volonté de la rendre lisible et claire", évoque le président de DSF.
Alexandre Maulin, qui exploite lui-même les domaines skiables des Sybelles et de SuperDevoluy, a également été reconduit à l'occasion de ce Congrès pour un nouveau mandat.
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