Auvergne Rhône-Alpes, cette "petite France" qui résiste à la crise... avec vigilance

ZOOM MACRO. Grâce à des moteurs constitués à la fois par son économie, son tissu académique, ainsi que ses atouts géographiques, la région Auvergne Rhône-Alpes et ses quatre métropoles tutoient (toujours) les sommets des classements à l’échelle nationale. En temps de crise, elle a réussi à tirer ses indicateurs vers le haut, même si la région fait aussi parfois face au revers de la médaille.
Première région industrielle de France, Auvergne Rhône-Alpes est également marquée par la diversité de son industrie, qui fait elle-même écho plus largement à la diversité de son économie, multi-sectorielle, qui lui a permis de mieux résister à lal crise.
Première région industrielle de France, Auvergne Rhône-Alpes est également marquée par la diversité de son industrie, qui fait elle-même écho plus largement à la diversité de son économie, multi-sectorielle, qui lui a permis de mieux résister à lal crise. (Crédits : DR/Sanofi)

« On a coutume de dire que la région AURA est une petite France car il existe, au sein de notre région, tous les éléments que l'on peut retrouver sur le territoire national, sauf le littoral », introduit Stéphan Challier, directeur adjoint de l'INSEE Auvergne Rhône-Alpes.

Car avec ses quatre métropoles de Lyon, Grenoble, Saint-Étienne et Clermont-Ferrand, auxquelles on peut rajouter la zone du Genevois, la région fait preuve d'une forme de diversité qui fait que les indicateurs régionaux sont proches des indicateurs nationaux.

« Nous disposons d'une économie diversifiée, à forte saveur touristique qui est bien évidemment due à la montagne, mais également d'indicateurs comme le taux de chômage, de pauvreté, ou encore le niveau de vie qui s'avèrent non seulement proches du national, mais qui tirent les indicateurs vers le haut comme on le voit en Ile-de-France », constate Stéphan Challier.

Résultat ? La grande région, résultat d'une fusion entre deux anciennes entités (Auvergne et Rhône-Alpes) en 2016, se positionne sur la première marche des régions de province sur un certain nombre d'indicateurs clés, comme le niveau de vie et de PIB par habitant. « Ce qui est un positionnement assez atypique par rapport à d'autres régions », glisse l'institut de statistiques.

Car on l'oublie souvent, mais AURA dispose d'une taille comparable à celle de l'Irlande, d'une population de 8 millions d'habitants (bientôt 9,5 millions d'ici 2050 selon les prévisions) qui n'a rien à envier à d'autres régions européennes comme la Basse-Saxe, la Catalogne et l'Andalousie (voire de pays comme la Suisse ou la Bulgarie).

Elle fait partie des régions les plus productives d'Europe, avec un produit intérieur brut qui s'élevait à 233 milliards d'euros en 2015. Soit un montant qui la plaçait directement, à cette période, comme un challenger de la production de richesse produite par certains pays comme Portugal ou l'Irlande, ou de régions comme la Catalogne, la Communauté de Madrid ou la Région flamande.

Elle dispose également d'un solide rayonnement international qui se traduit par la présence d'une forte proportion de multinationales et sièges de grands groupes : quatrième région de France à accueillir le plus d'emplois portés par des entreprises étrangères, 226.100 salariés travaillent en AURA pour le compte de multinationales, soit 13,6 % de l'emploi salarié.

Une position inédite face à ses voisins

Face à d'autres grandes régions comme l'Occitanie, elle aussi fusionnée depuis la loi portant sur la nouvelle organisation territoriale de la République du 7 août 2015, la région Auvergne Rhône-Alpes dispose d'une population supérieure (8 millions d'habitants), ainsi que d'une croissance démographique de +0,6% par année en moyenne.

« Soit juste derrière les Pays de la Loire, et sur le même niveau que l'Occitanie », observe Stéphan Challier, qui rappelle cependant que la région auralpine est la seule région, aux côtés des Pays de la Loire, où les évolutions de population reposent, de manière équilibrée, à la fois sur un excédent des naissances sur les décès et sur un solde migratoire positif.

Du côté de son taux de pauvreté, AuRA s'en sort également mieux que sa voisine occitane, avec le 3e niveau le plus faible (à 12,7%) en France, derrière les Pays de la Loire et la Bretagne. Son niveau de vie est en même temps 5% plus élevé en valeur que le reste des régions françaises (à 21.500 euros en 2016).

Elle est également une bonne élève sur le plan des chiffres du chômage, puisqu'elle affiche aussi le 3e taux le plus faible à l'échelle de l'Hexagone, notamment sur des tranches d'âge à forts enjeux comme les 15-24 ans, ou les plus de 50 ans, où AuRA arrive là aussi tout juste derrière les Pays de la Loire et la Bretagne.

En 2019, la proportion de personnes sans emploi s'élevait ainsi à 7,3 % de la population active régionale, soit 1,1 point de moins que la moyenne nationale.

C'est également dans cette région que l'on enregistrait l'an dernier, en pleine pandémie, le taux le plus élevé de créations d'entreprises de province, avec un indicateur qui représentait 12,2% des créations nationales, une donnée conforme par ailleurs à son poids démographique.

Autre force ? L'échiquier régional héberge également l'un des taux les plus élevés concernant le nombre de personnes diplômées de l'enseignement supérieur (31%). Un phénomène qui serait lié, selon l'INSEE, un bassin académique très dense qui regroupe près de 350.000 étudiants à l'échelle régionale, avec une large diversité d'offres et de parcours de formation, et qui débouche souvent sur une plus forte rétention des jeunes diplômés qu'ailleurs, qui choisissent de s'installer ensuite sur place.

Entre industrialisation et compétition européenne

Et même en 2020, où les impacts de la pandémie ont été vécus différemment entre les régions, AuRA a plutôt bien tiré son épingle du jeu, en s'appuyant sur la diversité de son économie.

Malgré un caractère touristique qui la place comme la 5e région de France dans ce domaine -notamment grâce à ses stations de ski dont l'équilibre a été fortement ébranlé cet hiver-, AuRA a pu compter néanmoins l'an dernier sur la solidité d'un certain nombre de secteurs.

« L'économie est portée par des secteurs où l'enseignement supérieur et un niveau de diplômes importants, comme la pharmacie, la chimie, l'informatique, l'électronique, la recherche et développement, l'industrie, etc et qui ont besoin de matières grises et de diplômés», rappelle Stéphan Challier.

La part du PIB investie en R&D atteint d'ailleurs en AURA les 2,7% (soit 6,6 milliards d'euros, dont les deux tiers sont assurés par les acteurs privés), soit non loin de la cible des 3%. Son tissu industriel, la place tout droit comme la première région industrielle de France en termes de poids occupé par ce secteur au sein de son économie (15% des richesses générées et près de 490.000 emplois).

De là à entrer en compétition directe avec d'autres grandes régions européennes ?

Symbole de la désindustrialisation de la France, AuRA est certes, forte à l'échelle du pays, mais seulement dans la moyenne des villes industrielles européennes, nuance l'INSEE, face à des régions d'Allemagne, la Tchéquie, ou la Pologne -et plus largement des pays de l'Est- qui ont aujourd'hui su profiter de la redistribution des cartes au niveau industriel, au cours des dernières années.

« Auvergne Rhône-Alpes bénéficie néanmoins d'une forte diversité de son tissu industriel, constitué à la fois par la santé, la fabrication de machines, l'usinage de pièces, l'industrie chimique, le caoutchouc, etc. On y retrouve également des secteurs comme l'automobile ou l'aéronautique, mais dans une bien moindre mesure par rapport à d'autres territoires plus marqués, comme l'Occitanie », indique le directeur adjoint de l'INSEE Auvergne Rhône-Alpes.

De l'hétérogénéité des bassins de vie, aux enjeux de développement durable

Cependant, ce territoire présente aussi certains points de vigilance, à commencer par une forte hétérogénéité entre les différents bassins de vie.

Ce phénomène se traduit par des zones à dynamique de population très dense comme la ville de Lyon, ou certains territoires où le rebond économique demeure fort comme les Deux Savoie, et d'autres, en perte de vitesse, avec une dynamique où la population qui a tendance à chuter, comme dans le Cantal ou le Sud Ardèche.

Son attractivité, avec une hausse marquée de la population dans certains territoires -avec les quatre métropoles de Lyon, Grenoble, Saint-Étienne et Clermont-Ferrand qui continuent de tirer l'emploi qualifié- pourrait donc également constituer l'une de ses faiblesses.

Car en encourageant le phénomène de l'étalement urbain, le dynamisme régional connait aussi le revers de la médaille, avec la multiplication des déplacements domicile-travail, qui pose de nouveaux défis en matière de mobilité et d'empreinte carbone.

Dans sa dernière enquête publiée en février dernier, l'INSEE Auvergne Rhône-Alpes posait justement la nature des enjeux qui se dressent désormais face à des municipalités et métropoles, qui ont connu en juillet dernier une forte vague verte : « l'économie compétitive (de la région) pose la question d'un aménagement du territoire qui puisse répondre aux besoins du présent, sans compromettre l'avenir des prochaines générations ».

Et l'INSEE d'ajouter : « Cette grande région présente des enjeux de cohérence et de cohésion importants, avec des composantes physiques, humaines et économiques très variées selon ses territoires ».

Car en dépit de son dynamisme, Auvergne Rhône-Alpes compte tout de même la présence de poches de pauvreté, avec près de 400.000 habitants vivant notamment au sein des 140 quartiers classés politique prioritaire de la ville.

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