Semi-conducteurs : face aux surstocks, Agiga mise sur l'économie circulaire

La startup Agiga, fondée à Villefranche-sur-Saône (Rhône) en 2020, travaille à l'achat et à la revente de semi-conducteurs et composants électroniques, dans une logique d'économie circulaire. Après avoir confirmé la traction de son marché, elle se déploie désormais à l'international, là où ses grands clients sont aussi à la recherche d'un gage environnemental et de souveraineté. Présente au Consumer Electronics Show (CES) de Las Vegas du 9 au 12 janvier 2024, elle adresse exclusivement le « Business to Industry » au sein de la délégation Auvergne-Rhône-Alpes.
(Crédits : Agiga)

Pour sa première participation au Consumer Electronics Show (CES) de Las Vegas, la jeune Agiga aurait pu se sentir bien seule : non qu'elle ne soit pas entourée, au sein du pavillon Auvergne-Rhône-Alpes - au contraire - mais plutôt qu'elle fasse partie du petit écosystème « B to B » de la délégation au sein de cet événement consacré, depuis son origine, à la consommation.

Et pourtant : la jeune entreprise y trouve sa place. Son cofondateur, Michel Loriot, vingt ans de carrière auprès de distributeurs de composants électroniques, préfère d'ailleurs le terme de « Business to Industry » à son activité. « Plus révélateur », souligne son associé, Clément Pequay, resté en France pour veiller sur l'affaire en plein développement - et déjà rentable - depuis sa création en 2020 dans le Rhône.

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Composants électroniques : des surstocks en constante augmentation

L'idée de ces connaisseurs : tirer les ficelles du marché en mettant en relation des sous-traitants revendeurs et des acheteurs, petites et grandes entreprises, via une plateforme développée en interne, proposant aujourd'hui 500.000 références dont 30.000 en économie circulaire. Car, si les besoins de composants électroniques sont immenses - avec un volume distribué de l'ordre de 2,5 milliards de dollars en France - les excédents le sont aussi : les surstocks sont même estimés à plus de 200 millions d'euros dans l'Hexagone, et coûtent 1 % du chiffre d'affaires des entreprises du secteur selon le Syndicat des sous-traitants de l'électronique (SNESE).

« Beaucoup d'entreprises achètent plus de composants électroniques que leurs besoins, notamment en raison de la pénurie de semi-conducteurs, remarque Clément Pequay. Elles créent des stocks de sécurité, et une fois que la production est terminée, elles ne savent pas quoi en faire. La seule solution leur étant offerte est in fine la destruction ».

Répondre au besoin de l'économie circulaire

C'est avant même ce contexte de tension du marché qu'est née la société à mission Agiga - statut issu de la loi PACTE. Cette startup familiale comptant aujourd'hui six salariés, a son siège social à Villefranche-sur-Saône, dans le Rhône et dispose de bureaux situés à Lyon Jean Macé. Agiga entend se placer sur un marché d'économie circulaire, dans un secteur très concurrentiel :

Il s'agit en effet de proposer des composants électroniques déjà achetés, à prix réduits, là où de vives tensions politiques se font de plus en plus ressentir sur le marché du neuf, notamment entre l'Europe, les Etats-Unis, la Chine et Taïwan : ce dernier fabriquait d'ailleurs, en 2021, près de 63 % de l'ensemble des semi-conducteurs inférieurs à 10 nanomètres dans le monde, dont la quasi-totalité viennent des fonderies du géant mondial TSMC, d'après un rapport du gouvernement américain publié en juin 2021. 18 % étaient également fabriqués en Corée du Sud, ainsi que 6 % en Chine. La société Globalfoundries, basée aux Etats-Unis, mais détenue par ATIC, un fonds souverain des Emirats Arabes Unis, représentait quant à elle 7 % du marché.

Dans ce contexte, la réutilisation de composants non utilisés, voués à la destruction, séduit de plus en plus d'entreprises françaises et européennes. Mais toute la question concerne l'équilibre entre achat et vente. Si les revendeurs s'avèrent nombreux, notamment depuis la fin de crise sanitaire, il reste encore à trouver davantage de clients récurrents et stables, là où le facteur prix reste le premier déterminant à l'achat. Et à ce sujet, Clément Pequay tient à clarifier : « On se distingue totalement des distributeurs indépendants, dits « brokers », qui restent sur un modèle court terme et souvent opportuniste. Agiga propose, pour sa part, un modèle « push », en affichant les prix en ligne et en assurant la transaction en ligne », le tout avec la marge réduite d'une place de marché.

« Au départ, les acheteurs passaient plutôt commande sur des références tendues. Notre objectif et notre plus gros challenge sont cependant de vendre tous les excédents de stocks, tendus ou pas. Nous comptons nous développer en ce sens grâce au soutien de Business France à son accompagnement à l'international et au renforcement de notre visibilité sur des sites tels Alibaba, la plateforme BtoB d'Alixpress », poursuit Clément Pequay.

Fournir des gages

Pour autant, Agiga compte déjà de beaux clients dans l'électronique industrielle, les transports, le médical ou encore l'impression. Il s'agit notamment de sous-traitants, mais aussi de grands groupes. Ainsi, l'entreprise entend notamment multiplier son chiffre d'affaires par cinq l'année prochaine :

« La plupart de nos clients privilégient le local, en s'approvisionnant auprès d'une entreprise française ou européenne, plutôt qu'auprès de fournisseurs américains ou asiatiques. Pour les grands groupes, le point de bascule a été l'économie circulaire : ces sociétés veulent d'un côté répondre aux exigences RSE, et de l'autre porter un raisonnement économique pour acheter des composants peu chers », ajoute Clément Pequay.

Mais encore faut-il présenter des gages : « Un groupe nous a par exemple dit qu'ils étaient intéressés par nos services, à la condition qu'on lui fournisse un document démontrant que les pièces proviennent bien de l'économie circulaire. Nous avons pour cela développé notre propre label appelé « ECCESS », pour Electronic Components Circular Economy Sustainability Standard ». Envoyée annuellement aux acheteurs et aux vendeurs, elle pourrait bientôt être complétée par une accréditation sur l'économie circulaire, développée avec le Bureau Veritas.

Toucher l'international

De même, sa présence au CES lui « ouvre des opportunités » de nouveaux marchés, notamment aux Etats-Unis. D'ailleurs, Agiga se voit déjà portée par l'international, notamment auprès des marchés en Espagne, en Allemagne ou encore aux Pays-Bas. La CCI du Beaujolais a en effet aiguillé l'entreprise vers Business France. « Nous avons commencé par nous diriger vers le marché français, mais très tôt nous avons compris que notre modèle pouvait intéresser l'international », poursuit le directeur commercial, qui a accompagné le ministre délégué au commerce extérieur, Olivier Becht, à Oslo (Norvège) l'année dernière, mais aussi participé au salon CEATEC de Tokyo (Japon) en 2023.

En ce sens, Agiga vise la consolidation de son hub logistique grâce à un prêt de la Banque publique d'investissement (BPI). Il permettra l'adoption d'un équipement de mise en étuve et sous vide des composants, pour les protéger de l'humidité, et donc un meilleur conditionnement des pièces. De même, l'équipe espère travailler dans la foulée, à horizon 2026, à l'ouverture d'un site d'entreposage qui favorisera le dépôt vente, consignation, là où les pièces des vendeurs doivent pour l'instant patienter dans les stocks des entreprises, dans l'attente d'une vente. Cela permettra « d'affirmer clairement le modèle », ajoute Clément Pequay, positif quant aux opportunités à venir.

CES Las Vegas : la composition de la délégation Auvergne-Rhône-Alpes 2024

Ain : AXL technologies - Sisyf bots

Drôme : Dracula technologies, DTA (Vhichar), Idyllic, Marylink, Socialdream.

Isère : BeFC (Empower IoT), Dolphin (Raptor), Elioz (IVES), Hydrogène refueling station (HRS), IoTize, Isorg, Lancey Energy (PACABAT), Orioma - ECB Sensors.

Isère, délégation CEA : Eclypia, Wimagine, Inoocq, Barosense, Heliup (Chambéry).

Loire : AI Tenders, CHAT3D.

Puy-de-Dôme : Effidence (effibot), Perfect Memory, Reflexe Accident, Synegram.

Rhône : Agiga, Capsix, Exanodia, Gyd tech, Iten, Leobiotics, Manitty, Mimo Detect, Okeenea, Oorion, Revcoo, Safee, Superwyze, Supraways, Ultima Mobility, Unik Technology (TAUR).

Haute-Savoie : Obo World, Skezi.

Mais aussi... Y-Brush, Galeon, Elichens, Discuss & care, Greenwaves technologies et Prophesee.

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