Semi-conducteurs : Soitec se lance dans la course des véhicules électriques

Le fabricant de semi-conducteurs Soitec, implanté à Bernin (Isère), a inauguré jeudi 28 septembre une nouvelle usine de production dédiée à son innovation Smart SIC, dédiée au marché des véhicules électriques. Promettant un gain de 15 % d’autonomie, pour un temps de recharge très court, cette nouvelle technologie s’inscrit dans le European Chips Act entré en vigueur le 21 septembre, visant à doubler la production de substrats sur le vieux continent d’ici à 2030, pour atteindre 20 % du marché mondial. Si des sujets liés à la chaîne d’approvisionnement subsistent, cette inauguration marque l’une des concrétisations des différents mouvements vers une souveraineté industrielle et électronique. Et pour Soitec, un rééquilibrage de ses marchés, à l'heure où le Smartphone perd en vitesse.
Avec sa nouvelle usine de production de substrats Smart Sic, Soitec compte diversifier ses activités vers le marché des véhicules électriques.
Avec sa nouvelle usine de production de substrats Smart Sic, Soitec compte diversifier ses activités vers le marché des véhicules électriques. (Crédits : Soitec)

Lorsque Pierre Barnabé prenait ses fonctions de nouveau président directeur général de Soitec, en juillet 2022, succédant à Paul Boudre, il assurait « prendre la fusée en marche ». En moins de deux ans, voilà le quatrième étage presque en orbite. Le fabricant isérois de substrats aux 1,1 milliard d'euros de chiffre d'affaires vient en effet d'inaugurer sa nouvelle unité de production, Bernin 4, dédiée à son innovation Smart SIC, dirigée vers le marché des véhicules électriques. Financé à hauteur de 380 millions d'euros, dont 30 % d'aides publiques de l'Union européenne, de l'Etat et des collectivités territoriales, le site pourrait être la clé de l'entreprise pour conquérir, après le marché des Smartphones (67% de son activité), un nouveau secteur à l'international.

Lire aussiSemi-conducteurs : l'envolée se poursuit pour STMicroelectronics et Soitec, avant un ralentissement du marché en 2023 ?

Gagner 30 % du marché des wafers pour les véhicules électriques d'ici à 2030

Avec sa nouvelle unité de production de 2.500 m2 située dans le prolongement de ses deux premiers sites existants, en plein cœur de la « Silicon Valley à la française », dans le Grésivaudan (Isère), Soitec compte bien faire partie des grands des batteries de véhicules électriques. Et ses projections donnent le tournis : 500.000 « wafers » (ces « galettes » sur lesquelles sont fondus des circuits électroniques) de type Smart Sic pourraient sortir chaque année de sa nouvelle usine, sur un total de 5 millions d'unités, toutes gammes confondues. D'ores et déjà, l'entreprise fait la promotion de ses produits auprès de 30 prospects, dans l'attente du lancement de sa production qu'elle annonce fin octobre 2023. Pour l'heure, seul un client est déjà confirmé : il s'agit de son voisin franco-italien STMicroelectronics, pour son site de Catane (Sicile).

« Le marché des véhicules électriques gagne 30 % par an, ce qui représente 20 millions de véhicules électriques en 2025 en Europe, et 45 millions en 2030. Cette révolution arrive une fois tous les cent ans. Soitec ne voudrait pas la rater », détaille Emmanuel Sabonnadière, directeur du programme carbure de silicium, ancien directeur du centre de recherche CEA-Leti

Smart SIC : une « météorite » sur laquelle Soitec mise gros

Produite à partir de carbure de silicium (SIC) acheté à trois fournisseurs majeurs « sur trois continents », ne s'avance guère l'entreprise, l'innovation de Smart Sic vient de son assemblage, permettant de multiplier par dix les unités produites par rapport aux plaques de SIC classiques. L'opération permet également de réduire de 70 % les émissions de gaz à effet de serre par unité produite, assure l'entreprise, qui optimise par ailleurs ses coûts. De même, la performance et la conduction sont améliorées, en plus d'une augmentation de l'autonomie ou d'une réduction de la surface des batteries de 15 % (en fonction de l'option choisie : 150 mm ou 200 mm). Les composants sont également plus nombreux de 25 %, ce qui participe au « joyau » de l'entreprise, dans l'objectif de sa diversification. Grâce à lui, Soitec entend bien gagner 30 % du marché mondial du carbure de silicium (du nom de la matière première utilisée) en direction des véhicules électriques d'ici à 2028. En ligne de mire : l'objectif d'un chiffre d'affaires global de 2,2 milliards de dollars par an dès 2026.

Lire aussi« Soitec poursuivra sa croissance, tout en réduisant sa consommation de ressources naturelles » (Cyril Menon, Directeur général adjoint en charge des opérations)

En effet, si la société, créée en 1992, rappelle régulièrement que « tous les téléphones 5G du monde » sont dotés d'un élément Soitec, le marché du Smartphone (67% des activités de la société) observe un léger ralentissement depuis quelques années. En cause, la multiplication des acteurs. D'où le sujet de diversification vers l'automobile (13 % de ses activités), mais aussi vers les objets connectés à l'intelligence artificielle, ou encore l'électronique de fréquence.

Le « Chips Act » européen en vigueur pour booster les semi-conducteurs

Cette inauguration intervient au lendemain de l'entrée en vigueur du « Chips Act » européen sur les semi-conducteurs, visant à doubler la production de wafers d'ici à 2030, pour passer de 9 à 20 % de la production mondiale. Ce programme, doté d'une enveloppe de 43 milliards d'euros, est fléché en direction de la recherche & développement, mais aussi de l'implantation d'usines de production. Thierry Breton, commissaire européen au marché intérieur, s'est déplacé à Bernin, sur le site de Soitec, jeudi 28 septembre 2023, aux côtés de Roland Lescure, ministre de l'industrie.

« Il n'y a pas de politique industrielle sans usine. Le mythe d'une entreprise sans industrie n'existe pas. Nous accompagnons cette réindustrialisation avec le concept de chaîne de valeur. Le monde passe d'une géopolitique de bloc à une géopolitique de chaînes de valeur. La vie politique, industrielle, économique, consiste aussi à exercer des rapports de force au sens noble. J'utilise la force du marché intérieur, lorsque c'est nécessaire, pour que cela fonctionne. »

Thierry Breton, commissaire européen au marché intérieur, lors de l'inauguration du site Bernin 4.

Lire aussiSoitec et STMicroelectronics : une croissance ininterrompue, mais soumise à l'enjeu de la production (et des chaînes logistiques)

A l'heure où le marché de la microélectronique européen souffre d'une décomposition de ses activités (matières premières, création de wafer, enrichissement, ajout des composants), la question des approvisionnements et de la souveraineté de sa production reste un enjeu auquel l'Union européenne annonce aujourd'hui vouloir répondre. D'autant que les entreprises européennes sont encore largement liées aux géants de la microélectronique en Asie, notamment chinoises et taïwanaises. Si Soitec ne souhaite pas s'avancer sur le sujet, la question soulève de grands enjeux de production, à une heure de forte tension avec la Chine.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.