Stations hydrogène : cette usine XXL qui permettra au grenoblois HRS de produire près de 200 stations par an

Alors que le marché de la mobilité hydrogène peine toujours à rattraper celui de la mobilité électrique, le fabricant de stations isérois HRS (Hydrogen Refueling Solutions) inaugure ce jeudi à proximité de Grenoble son nouveau site de production XXL de 14.300 m2. Avec un objectif : produire jusqu’à 180 stations par année. Car de son côté, le carnet de commandes est toujours au beau fixe, avec près de 97 millions d’euros en cours, et un pipeline potentiel estimé à 350 millions d’euros, drivé par le marché de la mobilité lourde.
Avec ce nouveau site de plus de 10.000 m2 en région grenobloise, HRS compte passer de 60 à 180 stations produites chaque année. Un chiffre à remettre en perspective à l'aune des « quelques 200 stations qui sont installées à ce stade à l'échelle européenne ».
Avec ce nouveau site de plus de 10.000 m2 en région grenobloise, HRS compte passer de 60 à 180 stations produites chaque année. Un chiffre à remettre en perspective à l'aune des « quelques 200 stations qui sont installées à ce stade à l'échelle européenne ». (Crédits : DR/Jguillou-CBL)

Pour l'isérois HRS (Hydrogen Refueling Solutions), l'année 2024 se poursuit sous les meilleurs auspices : après avoir annoncé un chiffre d'affaires de 30,1 millions d'euros sur son exercice 2022-2023, clôturé en juin dernier, le fabricant isérois de stations hydrogène poursuit sur sa lancée : avec 12,8 millions d'euros réalisés au premier semestre, l'ancien tuyauteur industriel, désormais dédié à la mobilité « H2 », table toujours sur un chiffre d'affaires de 31 à 40 millions d'euros d'ici la clôture de son exercice 2023 en juin prochain.

Seule (et légère) ombre au tableau à ce stade : « nous avons décalé d'une année notre objectif de 85 millions d'euros, qui devait être atteint en 2025, car certains projets accusent un léger retard aujourd'hui pour des raisons de permitting ou de financements qui tardent à se débloquer », précise Olivier Dhez. Mais ce n'est pas de nature à inquiéter le directeur général délégué d'HRS, qui inaugure ce jeudi son tout nouveau site de production et siège social du groupe, situé à une dizaine de kilomètres au sud de Grenoble.

Un carnet de commandes toujours rempli

Car désormais, le carnet de commandes de l'ETI grenobloise - qui conçoit des stations ressemblant à de mini-usines stockant l'hydrogène sous forme de gaz compressé à haute pression, sans pour autant les exploiter ni gérer leur approvisionnement en hydrogène - atteint 97 millions d'euros, pour un total estimé à 84 stations passées en commande ferme. Soit le même montant que l'enveloppe qu'elle était parvenue à récolter en juillet 2021 lors de son introduction en Bourse, poussée par la vague de l'hydrogène.

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Car les contrats se multiplient : après avoir annoncé en mars 2023 deux grosses commandes de stations d'hydrogène vert de grande capacité passées par le consortium Hympulsion, HRS a également contractualisé plusieurs contrats avec Plug Power (2 premières stations sur un total de 10 stations négociées), l'auvergnat GCK (une station) ou encore Engie ou Phynix.

« Aujourd'hui, nous en sommes à 15 stations déjà fabriquées et installées, ce qui représente une installation tous les deux mois au cours des trente derniers mois : c'est une performance que peu d'acteurs sont capables de faire », résume Olivier Dhez. Avec, sur les 84 stations déjà annoncées, 12 stations déjà en opération, et 40 autres en cours de traitement (soit déjà produites ou en cours de production).

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Et l'étude Sisyphe, rendue publique ce mercredi 13 mars par le CEA, qui pointe notamment des freins ainsi qu'une demande en hydrogène bas carbone qui ne s'élèverait qu'à 2,5 millions de tonnes en 2030 (tous usages confondus) ne l'alarme pas à ce stade :

« Aujourd'hui l'hydrogène bas carbone n'est pas un enjeu dans la mobilité, même s'il pourrait le devenir davantage à l'avenir avec la massification des usages. Pour l'instant, des projets comme Lyfe suffisent à produire l'hydrogène nécessaire à la mobilité lourde, et demain, des projets comme celui de Fos-sur-Mer devraient contribuer à cet approvisionnement ».

Une évolution de la demande vers de la grande capacité

« Notre pipeline commercial a encore fortement évolué au cours du dernier semestre, car nous sommes passés de 133 millions d'euros à près de 350 millions d'euros de contrats potentiels où nous sommes soit shortlistés, soit en discussions commerciales », affirme Olivier Dhez.

Selon lui, le plus intéressant restant la typologie de stations demandées par ses clients, qui a elle aussi fortement évolué : « Jusqu'ici, on nous commandait surtout des stations une par une, et nous commençons désormais à voir de grands donneurs d'ordre de type TotalEnergies ou Rise, qui commencent à émettre des appels d'offres pour un lot de plusieurs stations. La demande s'accroît aussi en provenance des pays de l'Europe de l'Est, comme le Pologne ou la Hongrie, qui ne disposent pas encore d'infrastructures très développées dans le domaine des batteries et qui pourraient tout de suite faire le saut de l'hydrogène », ajoute-t-il.

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Autre évolution clé : sur le marché des mobilités, la demande serait désormais orientée vers des stations de plus grande capacité. Car à l'heure où l'hydrogène reste vu comme le circuit d'approvisionnement numéro un pour la mobilité lourde, les stations devront trouver et répondre à un équilibre à la fois financier et capacitaire. Alors que la capacité moyenne d'un réservoir de bus ou poids lourd représente 30 à 40 kilogrammes d'hydrogène, les deux derniers contrats signés par HRS avec Hympulsion prévoient en effet déjà une station d'une capacité équivalente à une tonne d'hydrogène par jour (soit 40 kilogrammes par heure), contre 14 kg par heure habituellement.

Et l'isérois travaille même sur des formats allant jusqu'à 80, voire même 160 kilogrammes d'hydrogène par heure. « Aujourd'hui, les clients sont drivés par des stratégies européennes, avec la réglementation européenne Afir (Alternative Fuel Infrastructure Regulation) qui prévoit qu'il faudrait une station tous les 200 kilomètres sur les grands axes (d'ici 31 décembre 2030, ndlr), qui corresponde à minima à une capacité de 40 kilogrammes par heure. Les fabricants de poids lourds sont aussi en train de bouger et de proposer des réservoirs allant jusqu'à 80 kilogrammes », ajoute le directeur général délégué d'HRS.

Une capacité de production décuplée de 60 à 180 stations

C'est la raison pour laquelle le grenoblois a recentré son offre sur deux modèles de stations, qu'il conçoit désormais comme « modulaires » : un petit (HRS 14) et moyen format (HRS 40) de stations hydrogène, qui peut quant à lui monter jusqu'à une capacité de 160 kilogrammes par heure (soit 4 tonnes par jour).

« La vraie question derrière tout cela se résume en termes d'usages pour nos clients : elle reste de savoir combien ils investissent dès le départ pour anticiper les besoins et l'évolution du marché. Car l'hydrogène reste un nouveau marché dont on ne sait pas jusqu'où il va se développer », admet Olivier Dhez.

Pointant le « retard » pris par l'hydrogène sur l'électrification des véhicules, le directeur général délégué d'HRS rappelle que l'H2 aura eu « deux vies » : « l'une à la fin des années 1990, où beaucoup de constructeurs y croyaient mais ont été rattrapés par l'arrivée des batteries. Et l'autre depuis peu, où l'on se rend compte que l'on reste limité dans l'usage des batteries et que l'hydrogène demeure une solution pour décarboner les mobilités lourdes ». Il cite en exemple le nouveau virage pris par les constructeurs de poids lourds notamment, qui sont venus renforcer leurs développements autour de nouvelles offres de véhicules : Iveco, Volvo Trucks, etc... « On voit que même des acteurs comme Renault, Honda et Stellantis sont en train d'arriver avec des solutions sur ce marché ».

A ce sujet, une récente étude du cabinet français Roland Berger estimait que le marché du stockage de l'hydrogène représentait un potentiel de 6,7 milliards dans le domaine des mobilités (dont près de 3,1 milliards sur la mobilité lourde).

Côté production, HRS vient quant à lui d'assurer ses arrières avec l'inauguration de son nouveau site industriel XXL.

Avec ses 14.300 m2 (dont 10.000 dédiés à la production), cette nouvelle usine de Champagnier, situé à une dizaine de kilomètres au sud de Grenoble, a en réalité déjà débuté ses activités de production. De stations HRS 40 d'une tonne sont déjà en cours de fabrication, pour de premières installations prévues cet été. Elle vise à permettre à HRS de passer de 60 à 180 stations fabriquées chaque année dès 2024. Un chiffre à remettre en perspective à l'aune des « quelques 200 stations qui sont installées à ce stade à l'échelle européenne », précise son délégué général.

En effet, selon la base de données conduite par le site spécialisé du secteur, H2stations.org, on dénombrait début février 2022 près de 265 stations de ravitaillement hydrogène en Europe, dont 51 en France, ce qui plaçait l'Hexagone en seconde position après l'Allemagne (105 stations).

Avec son banc d'essais de 2.000 m2 qui va lui servir à tester de nouveaux composants, l'isérois HRS compte également contribuer à deux projets européens visant à développer un ravitaillement plus rapide des véhicules, mais aussi un système de compression innovant.

30 millions d'euros d'investissements

Côté investissement, HRS aura mobilisé une enveloppe de 30 millions d'euros (dont 20 millions d'euros pour le bâtiment), avec un financement réalisé à la fois sur fonds propres (pour 5 millions) et sur de l'emprunt. Il aura également bénéficié d'une aide de la Région de 800.000 euros au titre de son installation en Auvergne Rhône-Alpes, et n'a finalement pas attendu les autres contributions de l'Etat auxquelles il comptait prétendre pour démarrer son projet. Avec raison, selon son directeur général délégué :

« Cela nous aura finalement permis de bénéficier de meilleurs taux et surtout de sécuriser nos matières premières : car si nous avions attendu l'arrivée de nouvelles aides, notre bâtiment nous aurait au final coûté 15 à 20% plus cher », admet Olivier Dhez.

Sa masse salariale ne cesse de grossir également : l'ETI grenobloise comptait 140 salariés fin juin dernier, et vise les 160 collaborateurs à horizon 2025-2026. Avec un fort enjeu de recrutement et de formation, dans une filière en pleine émergence, où les formations à la fois sur la tuyauterie et l'hydrogène demeurent très rares.

« Nous avons mis en place une école en interne, en collaboration avec l'Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM) et un institut de formation de la Région, afin de transmettre les compétences et les valeurs de notre entreprise à nos nouveaux arrivants. C'est aussi une manière d'accompagner le recrutement de profils divers ». Si la formation occupe à ce stade un cycle de trois semaines en interne, HRS vise à en faire, à terme, un module certifié au sein de la filière.

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Commentaire 1
à écrit le 14/03/2024 à 18:55
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"le marché de la mobilité hydrogène peine toujours à rattraper celui de la mobilité électrique" on peut trouver combien de modèles de voitures à pile à combustible (donc à moteur électrique) sur le marché ? Y a qq taxis à Paris, je crois. J'avais vu ...

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