Emplois menacés à la Chambre de Métiers Aura : la CFDT dénonce une procédure illégale et injustifiée

Suite à la baisse de ses recettes, notamment de la taxe des frais de chambre imposée par le gouvernement, les comptes de la Chambre de Métiers Auvergne Rhône-Alpes sont dans le rouge. Pour y remédier, elle compte supprimer 19 postes. Un plan dénoncé, sur la forme et sur le fond par la CFDT, syndicat majoritaire.
19 suppressions de postes sont envisagées.
19 suppressions de postes sont envisagées. (Crédits : DR)

Article publié le 14/12/2023 à 18h25 mis à jour le 15/12/2023 à 10h38

Dix-neuf. C'est le nombre de suppressions de postes prévues en 2024 par la nouvelle grille des emplois de la Chambre de Métiers Auvergne-Rhône-Alpes, adoptée le 28 novembre dernier en assemblée générale. L'organisation, représentant les douze CMA du territoire après leur fusion 2021 dans le cadre de la loi PACTE, emploie quelque 650 collaborateurs répartis entre le siège de Confluence, à Lyon (Rhône), et 25 agences territoriales. Elle accompagne près de 228.000 entreprises artisanales, représentant 321.700 salariés, auxquels s'ajoutent 22.900 apprentis.

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Contrairement au réseau des Chambre de commerce et d'industrie (CCI) de la région, qui a déjà dû réaliser des économies ces dernières années via différentes vagues de suppressions de postes (notamment la CCI Lyon Métropole Saint-Etienne Roanne), un tel plan de restructuration est inédit du côté de la Chambre de Métiers régionale. Il serait néanmoins dicté par les mêmes contraintes : une baisse de ses recettes.

Un trou de cinq millions d'euros dans les recettes

Sollicité par La Tribune, le président de la Chambre de Métiers Auvergne Rhône-Alpes, Vincent Gaud, n'a pas souhaité s'exprimer tant que son autorité de tutelle, la Préfecture, n'aura pas validé cette nouvelle grille. L'entité régionale nous a toutefois transmis un communiqué de presse égrenant les motifs justifiant ces suppressions de postes. Une baisse de recettes de l'ordre de cinq millions d'euros sur l'année 2023 est ainsi mise en avant, sur un budget global annuel de l'ordre de 55 millions d'euros.

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Selon un document interne que nous avons pu consulter, ces cinq millions se répartiraient peu ou prou ainsi cette année : -2,1 millions d'euros liés à la taxe de frais de chambre, -1 million d'euros lié à la disparition de la mission de service public de tenue du Répertoire des Métiers et -1,1 million concernant la fin du « Contrat Artisanat » et du programme « Je Lance mon projet ». Toujours selon ce même document, la hausse du prix de l'énergie (+800.000 euros) et l'augmentation du point d'indice (base permettant le calcul de la rémunération des salariés) viennent s'ajouter. La masse salariale augmente ainsi de 1,9 million d'euros. Le tout parvient à un déficit financier global de l'ordre de trois millions d'euros en 2023.

« Les perspectives d'évolution pour 2024 ne sont pas favorables, puisque la réduction de la taxe pour frais de CMA au niveau national est confirmée et impactera également les budgets à venir. Au regard de la dégradation financière de la CMA, il a été décidé d'étudier les possibilités de réduire toutes les charges, y compris la masse salariale représentant en 2023 près de 67% du budget », explique ainsi la direction de la Chambre de métiers régionale dans un communiqué.

Un contexte national tendu

Cette restructuration s'inscrit dans un contexte financier tendu pour le réseau national des Chambres de Métiers à qui le gouvernement impose une baisse des frais de chambre de l'ordre de 60 millions d'euros. Elle sera effective, par pallier, d'ici à 2027, en lien avec les transferts de compétence engagés. Dans le Projet de Loi de Finances 2024, une coupe de 25 millions d'euros était initialement envisagée, ramenée finalement à 13 millions d'euros. La baisse des coûts contrat dans la formation des apprentis, validée cet été par France Compétences, vient également déstabiliser les CFA (Centre de Formation des Apprentis) et donc l'ensemble du réseau consulaire.

Malgré nos sollicitations, la direction de CMA France n'a pas pu répondre à nos questions sur la situation actuelle et les perspectives envisagée. Mais cette baisse de ressources affecte fortement plusieurs autres organisations à travers la France. Déjà, les Chambres de Métiers des régions Centre-Val-de-Loire, Bourgogne Franche-Comté, Hauts-de-France ont annoncé des mesures de resserrement de leur masse salariale. Liste à laquelle s'ajoute donc désormais la CMA AuRA.

D'autres leviers d'économies selon les syndicats

Pour la CFDT, syndicat largement majoritaire à la chambre régionale, cette nouvelle grille des emplois n'est pas justifiée. Selon le syndicat, les suppressions de postes pourraient être évitées. Il propose d'ailleurs un plan alternatif auquel la présidence de la CMA n'aurait pas donné suite, depuis sa soumission fin octobre.

« Nous ne contestons pas la situation financière difficile de notre Chambre, nous nous battons d'ailleurs pour en combattre les raisons, notamment sur le sujet de l'échec du Guichet Unique. En revanche, cette annonce soudaine de 19 suppressions de postes nous parait totalement injustifiée, et complètement incohérente. Pourquoi faire partir des titulaires lorsque, dans le même temps, 19 offres d'emplois, en CDD, ont été publiées en octobre/novembre ? », pointe Vincent Hervier, délégué syndical de la CMA AuRA.

Le plan « alternatif » proposé par la CDFT s'appuie sur la mise en place d'une « véritable politique GPEC » (Gestion Prévisionnelle des Emplois et Compétences) avec utilisation des différents outils existants comme la cessation progressive d'activité, la retraite progressive, le temps partiel choisi, la rupture conventionnelle et la mise en disponibilité.

Le syndicat demande aussi d'autres économies, sans toucher à la masse salariale. Notamment avec « l'optimisation du site de Confluence », jugé disproportionné par rapport aux besoins, « pour en diminuer les coûts de fonctionnement », voire avec une relocalisation dans des espaces plus adaptés. La CFDT demande aussi l'adaptation des indemnités des élus et pointe notamment l'augmentation jugée « inacceptable » de celles du président Vincent Gaud, qui s'établissent en 2023 à 6.765 euros par mois contre 4.428 euros en 2021. Augmentation due en partie à la hausse de la valeur du point d'indice (qui est passé de 5,21 à 5,50 euros), mais surtout à la hausse du nombre de ces points (850 en 2021, 1.230 en 2022).

Vincent Hervier rappelle par ailleurs qu'en cas de licenciement, l'impact financier pour la CMA AuRA ne serait pas neutre puisqu'elle devrait verser des indemnités de licenciement à hauteur de 75 % du salaire brut par année d'ancienneté des agents concernés, auxquelles s'ajouteraient les indemnités d'Aides au retour à l'emploi fixées par Convention avec Pôle Emploi puisque la CMA est son propre assureur chômage.

La CFDT dénonce une procédure irrégulière

Au-delà des leviers que veut actionner la CMA pour remettre les voyants au vert, la CFDT conteste la méthode et la légalité de l'ensemble de la procédure, en s'appuyant sur un mail qui lui a été transmis anonymement (assure le syndicat) et dont nous avons pu prendre connaissance. Il date du printemps dernier. Il y est demandé aux cadres de transmettre une liste de noms de collaborateurs pressentis pour permettre « l'adaptation de la masse salariale ».

« C'est illégal. Dans un plan tel que celui-là, la direction doit proposer des suppressions de postes, mais certainement pas les associer à des salariés précisément. Elle est censée donner une liste de critères et les motifs. Lorsque nous lui avons présenté ce mail illégal, elle a reconnu une maladresse, mais ne l'a pas remis en cause. C'est complètement inacceptable. Jusqu'ici les relations avec le président Gaud étaient bonnes, nous ne comprenons pas cette manière de faire », ajoute le représentant syndical.

La CFDT en appelle au président de la CMA AuRA de s'inscrire dans une stratégie nationale de préservation du réseau des CMA en évitant les initiatives individuelles et irrégulières.

« Nous sommes dans le viseur d'Olivia Grégoire, nous le savons, il est malvenu de sortir du cadre aujourd'hui et de s'attirer les foudres du gouvernement. Les CMA doivent travailler de concert, au niveau national, pour amortir la baisse des recettes et préparer une stratégie globale », conclut le délégué syndical CFDT.

L'organisation syndicale a d'ores et déjà déposé un recours auprès de la Préfecture et lui demande d'arbitrer la situation. Concernant la nouvelle grille des emplois, la Préfecture de Région dispose de deux mois pour se prononcer à compter de la réception de la délibération adoptée en Assemblée Générale. Délibération qu'elle a reçu ce 14 décembre.

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Commentaire 1
à écrit le 16/12/2023 à 12:19
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Les CMA et les CCI vivent de taxes prélevées sur les entreprises. Et comme elles sont incapables de créer leurs propres ressources, faute de compétences, elles suppriment des postes à mesure que l'état réduit leurs ressources. Comme la CCI Lyon qui a...

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