A Lyon, les commerces toujours plus nombreux à manifester pour la réouverture

REPORTAGE. Pour la troisième fois ce lundi, les commerces indépendants de la région lyonnaise ont chaussé à nouveau leurs habits noirs pour demander la réouverture de leurs établissements et la mise en place de nouvelles mesures qui les aideraient à traverser la crise sanitaire. Ils étaient près d'un millier à se réunir cette fois sur la place Bellecour avec, toujours, la volonté de faire entendre leur voix à quelques semaines des fêtes de fin d'année.
A l'approche de la période des courses de Noël et du Black Friday, les petits commerces demandent le droit de rouvrir. Ils craignent notamment la concurrence de la grande distribution lors de cette période.
A l'approche de la période des courses de Noël et du Black Friday, les petits commerces demandent le droit de rouvrir. Ils craignent notamment la concurrence de la grande distribution lors de cette période. (Crédits : DR/ZFA)

"Laissez-nous travailler !", scande le millier d'indépendants vêtu de noir, venu manifester ce lundi, de la place Bellecour à la préfecture du Rhône. "Nous étions trente il y a quinze jours, 300 la semaine dernière, et nous sommes encore plus aujourd'hui", annonce au micro Anne Delaigle.

Elle est à la tête du collectif Au Nom des indépendants, l'un des organisateurs de ce rassemblement avec l'UMIH (Union des métiers et des industries de l'hôtellerie), les Toques blanches, l'union des professionnels solidaires de l'évènementiel, la CPME, et les fédérations de l'habillement.

Les indépendants présents font partie des établissements dits non-essentiels (petits commerces, salle de sport, restauration, évènementiel...) et tous ont été touchés par les confinements et les restrictions sanitaires. Financièrement, ils ne s'en sortent plus et demandent des actions de l'État. "On va tous mourir. Aujourd'hui, on nous prête de l'argent, mais on ne nous aide pas", déclare Laurent Duc, président de l'UMIH.

Manifestation Lyon Indépendants 2

"A 54 ans, c'est la première fois que je manifeste"

A l'échelle locale et nationale, plusieurs leviers d'aides ont déjà été mis en place : aides mensuelles, chômage partiel pour les salariés, crédit d'impôt pour les bailleurs qui exonèrent les commerçants de loyer, prêts garantis par l'État, aide à la transition numérique et au développement du commerce en ligne, fonds accordés aux chambres consulaires, appels à consommer local, exonération ou reports de certaines taxes, etc. Mais selon les principaux intéressés, toutes ces mesures ne compenseront jamais la reprise de leurs activités.

Jocelyn Farel est par exemple un commerçant non-sédentaire spécialisé dans le linge de maison, qui ne peut plus être sur les marchés durant ce nouveau confinement, car il ne vend pas de produits alimentaires.

"Le premier confinement nous a foutu un coup, le deuxième, c'est la mise à mort. En plus, on vend à l'air libre et on sait appliquer les gestes barrières", souligne-t-il.

Jocelyn Farel a certes touché des aides mais "c'est compliqué et on a un crédit, un stock, un fonds de commerce. Il peuvent garder leurs aident, on veut travailler !" En 2020, il fera 70 % de chiffre d'affaires en moins que l'année passée. Son salarié est au chômage partiel, mais pas lui. En tant que commerçant non-sédentaire, "on ne peut même pas faire de click and collect", déplore-t-il.

L'impression d'avoir déjà coulé

Mais même pour ceux qui peuvent le faire, le "click and collect" n'est pas une solution idéale. Les commerçants revendiquent une mission de conseil par rapport à leurs clients ainsi qu'un rapport au produit, qui n'opère pas via un écran.

Amalle Dupuis, fondatrice du art concept store Amal Galerie rappelle : "Il y a des gens qui venaient plusieurs fois avant d'acheter une œuvre, ou avec des amis. Ce sont des ventes particulières, soit autant de possibilités avortées."

Plus loin dans le cortège, Éric Paul, membre de l'UMIH et gérant du bar à tapas La Luz, souffle : "A 54 ans, c'est la première fois que je manifeste." Suite aux différentes annonces, il s'est plié au protocole sanitaire. "On a acheté toute ce qu'il faut, le gel, les masques... On est passé de 120 à 50 couverts, on ne faisait pas de service au bar." Il a aussi tenté la vente à emporter en période de couvre-feu : "J'ai essayé deux fois, un jour, j'ai fait 13 euros, et l'autre 24 euros. On a vite compris que cela ne marchait pas."

Mais, aujourd'hui, le reconfinement ruine ses efforts. "J'ai été obligé de reprendre un crédit pour tenir le coup, et d'emprunter la même somme qu'il y a 17 ans, quand j'ai acheté mon affaire."

Entre mars et juin, Éric Paul a perdu 30 % de son chiffre. Les aides lui ont permis de payer son loyer, mais si la situation ne s'améliore pas, il ne sait pas de quoi sera fait son avenir. "On veut rouvrir. Lorsqu'il y avait les restrictions, on perdait déjà de l'argent, mais on en gagnait un peu. Et puis pour le moral aussi, travailler me manque. J'ai l'impression d'avoir coulé, d'avoir perdu mon entreprise."

Des catégories toujours en débat

En plus de revenir sur la notion de commerce "non-essentiel" qui fait toujours débat, les indépendants s'interrogent sur la différence entre le premier et le deuxième confinement, où certaines choses ne sont plus possibles alors qu'ils se sentent en capacité d'appliquer les règles sanitaires.

Angélique Grasso est directrice de l'agence immobilière Avenir investissement : "Pendant le premier confinement, on ne pouvait rien faire. Là, on a le droit de prospecter, de rentrer des mandats, mais pas de faire visiter. Ce n'est pas logique. [...] Nous sommes sur la liste des commerces qui n'ont pas le droit d'ouvrir alors que les notaires et les déménageurs sont ouverts."

En fin de journée, une délégation a été reçue à la préfecture du Rhône pour faire remonter les revendications. "Nous avons des contacts avec le monde politique, et on ne lâchera pas tant que ça ne sera pas signé", tranche Anne Delaigle.

Avant le départ de la manifestation, le député LaREM Bruno Bonnell s'est confronté aux représentants des différents secteurs. Il affirme comprendre leurs difficultés, mais "il y a encore deux semaines extrêmement dures à tenir. Tout va dépendre de l'attitude de cette semaine", a-t-il admis.

"Les indépendants vont payer la note des politiques", lui répond-on dans l'attroupement autour de lui. Avec la période de Noël qui approche à grand pas, l'inquiétude des commerces non-essentiels redouble. "Il faut pousser à acheter local et pas Amazon", a conseillé de député. "Un vœux pieu", a riposté Anne Delaigle.

Manifestation Lyon Indépendants 3

En effet, "la première bataille, c'est la réouverture le 27 novembre", affirme Jean-Sébastien Veilleux, président de la Fédération nationale de l'habillement en Rhône-Alpes. Pour les commerces non-essentiels, même si ce n'est que quelques jours avant la fin annoncée du confinement, il s'agit toujours week-end de gagné pour les courses de Noël. Et c'est aussi le jour du Black Friday.

Dans ce sens, Bruno Le Maire a évoqué, lundi matin, la possibilité d'une réouverture des commerces à cette date, si un protocole sanitaire spécifique à ce secteur était élaboré et applicable d'ici-là. Des déclarations qui vont pourtant à l'inverse des annonces faites jeudi dernier par le premier ministre Jean Castex, qui souhaitait maintenir la fermeture des établissements non-essentiels pour au moins quinze jours de plus.

Au delà de cette date clé, le collectif Au Nom des indépendants défend trois autres revendications applicables à toutes les fédérations : la prise en charge des loyers par l'État, la mobilisation des assureurs pour indemniser les pertes de revenus à cause de la pandémie, et la révision du statut de chef d'entreprise afin qu'ils puissent avoir accès au chômage.

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