Plan Avenir Montagnes : le courant (enfin) rétabli entre Jean Castex et la montagne française

REACTIONS. Après des mois d’âpres discussions, la course de fond engagée par Jean Castex auprès des acteurs de la montagne aura finalement payé. De l’avis des professionnels du secteur, son plan Avenir Montagnes, présenté officiellement ce jeudi lors d'un déplacement en Savoie, devrait permettre cette fois d’enterrer la hache de guerre, et surtout, de préserver une grande partie du tissu économique de la montagne française. Et ce n'était pas gagné d'avance.
Après des mois de combat, une forme de soulagement s'installe enfin dans la voix des représentants de l'industrie de montagne, face à un gouvernement Castex qui a souhaiter verdir, mais aussi réaffirmer la place de la neige.

Il aura fallu de longs mois de discussions et d'échanges, pas toujours compris, pour en arriver ce jeudi à un plan qui marque une forme de synthèse des besoins énoncés par les acteurs de la montagne. Car l'heure est désormais plutôt au soulagement, à mesure que les professionnels de l'ensemble des filières du tourisme, qui s'étaient réunis autour du premier ministre Jean Castex et de plusieurs membres du gouvernement, redescendent les lacets de la Tarentaise (Savoie).

Armé d'un plan de 640 millions d'euros d'aides à l'investissement pour le tourisme de montagne, dont 331 millions seront consacrés à la création d'un fonds destiné au financement de projets d'investissements, le gouvernement Castex semble désormais avoir réussi à démontré son engagement à l'égard des professionnels, touchés par une année blanche. Rien qu'au sein des deux Savoies, les pertes se chiffreraient à près de 5 milliards d'euros, à la suite de la mise à l'arrêt des remontées mécaniques.

« Le premier ministre a abordé tous les vrais sujets de la montagne. Cela traduit d'une bonne préparation en amont de ce déplacement, en ayant pris le soin de flécher l'ensemble des vraies problématiques, telles que la transition positive, la dynamique immobilière, les sujets de la clientèle jeune et étrangère, et même, la question des trains de nuit », illustre Michaël Ruysschaert, directeur général de L'Agence Savoie Mont Blanc (ex-Savoie Mont Blanc Tourisme).

Un exercice qui semble avoir fait ses preuves auprès des professionnels, qui n'avaient pourtant pas ménagé leurs sorties jusqu'ici, pour souligner les insuffisances des mesures successivement portées par le gouvernement : « Cela démontre que l'on a été écoutés, mais aussi entendus », résume Jean-Luc Boch, président de l'ANMSM et maire de la station de La Plagne (Tarentaise).

Après des mois de combat, c'est donc une forme de soulagement qui s'installe enfin dans la voix des principaux représentants de l'industrie de montagne.

« C'est un peu comme un match de rugby, où l'on joue d'abord la confrontation durant un moment avant de trinquer ensemble à la 3e mi-temps, et de trouver comment on peut faire mieux dans le futur », résume Alexandre Maulin, le président de Domaines skiables de France (DSF) qui s'était lui aussi illustré au cours des derniers mois, comme un chef de file.

« Replacer la montagne au cœur des investissements »

« Nous commençons désormais tout juste, depuis la mi-avril, à toucher les premiers volets des indemnisations qui nous permettent de sauver l'ensemble de nos adhérents de la banqueroute. On ne peut que se réjouir que ce nouveau volet traduise une volonté symbolique de replacer la montagne au cœur des investissements », affichait par exemple Alexandre Maulin.

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Et avec les 640 millions d'euros supplémentaires promis par ce plan Avenir Montagnes désormais, le président de DSF juge la somme « relativement importante » tout en saluant le fait que le gouvernement ait choisi de travailler de concert avec les régions pour répondre aux besoins « au plus près des territoires ».

« Ce ne sera pas un plan décidé qu'à Paris, mais il sera bien géré par un organe bicéphale. Il va nous permettre d'avoir accès à un tremplin pour repartir : à nous ensuite de prendre notre envol », ajoute le président de DSF. Selon lui, des projets d'investissements sont déjà dans les cartons, et attendaient une marque de confiance pour passer à l'action, et surtout « une forme de visibilité ».

Pour les remontées mécaniques, Alexandre Maulin retient notamment la mise en place d'un prêt long terme, qui permettra aux exploitants de décaler les amortissements et d'emprunter sur une durée plus longue que les prêts bancaires traditionnels. Mais également le chantier de l'immobilier de loisirs, où la relance du tourisme est vue comme passant également par la relance des lits froids au sein des résidences de tourisme, à travers un nouveau dispositif spécifique.

« Ce plan place la montagne un peu comme un bêta-testeur qui ne subit plus les évolutions de manière passive mais qui les anticipe, afin que le volet des hébergements puisse devenir un réservoir de développement », estime Alexandre Maulin.

Le moment de rassurer, et de réunir

Après d'âpres discussions, l'heure est plutôt aux remerciements du côté des communes de montagne également, représentées par Jean-Luc Boch, président de l'ANMSM : « Nous pouvons aujourd'hui dire merci au gouvernement qui a su mettre en place ce nouveau plan d'investissement, dans la continuité du plan d'indemnisation, qui a lui-même permis de limiter la casse au sein de la montagne aménagée française ». Et d'ajouter : « Car tous les pays n'ont pas fait cela pour leurs ressortissants et habitants de la montagne ».

Selon le président de l'ANMSM, l'annonce d'Avenir Montagnes va en effet permettre aux exploitants ainsi qu'aux communes de réinvestir de cet automne, malgré le fait qu'elles n'aient pas enregistré de chiffre d'affaires cet hiver.

« Cela va aussi nous aider à rassurer nos fournisseurs, auxquels les exploitants et collectivités confient habituellement du travail en investissant au printemps dans leurs domaines et leur assurer un certain volume de travail », concède Jean-Luc Boch.

Les résidences de tourisme saluent également une bonne nouvelle : elles s'avèrent particulièrement concernées par une disposition permettant la création de foncières qui, alimentées par un nouveau droit de préemption et par une enveloppe de 125 millions d'euros provenant de la Banque des Territoires, leur permettra non seulement d'acquérir, mais aussi de rénover des appartements, qui risquaient jusqu'alors de devenir des lits froids.

« Il s'agissait d'une mesure que nous demandions depuis longtemps afin de s'assurer que les appartements puissent rester dans un circuit locatif et exploités, même lorsqu'un particulier souhaite vendre », complète Pascale Jallet, déléguée générale du SNRT.

Cette cessibilité du droit de préférence à une foncière créée localement -et qui pourrait regrouper à la fois des exploitants des remontées mécaniques, du réseau touristique, etc- tout en garantissant des investissements de la Banque des Territoires à hauteur de 125 millions d'euros sur cinq ans, constitue donc nouvelle très attendue par les professionnels du secteur.

« Tant que nous n'avions pas une telle mesure, le modèle des résidences de tourisme et leur transformation ne pouvaient pas être assurés », assure Pascale Jallet, pour laquelle l'enjeu n'est plus aujourd'hui de construire, mais de réhabiliter et exploiter l'existant.

Des sujets de discorde écartés, l'heure de l'apaisement

La volonté d'apaisement du gouvernement transparaît ainsi sur plusieurs dossiers : lors de la présentation du dispositif, les services de Matignon avaient par exemple assuré qu'en dépit de leur coloration en faveur de la transition écologique, les mesures d'Avenir Montagnes n'excluraient pas d'office des projets de neige de culture, de remontées mécaniques modernisées ou encore de retenues collinaires. Sous réserve que ces derniers présentent bien entendu la volonté de réaliser des gains énergétiques, réduire la consommation en eau, ou encore leur empreinte sur le foncier.

En faisant un autre pas en direction des professionnels de la filière, Jean Castex affirme désormais clairement que l'idée « n'est pas d'abandonner le ski » mais de « diversifier l'offre et de conquérir de nouvelles clientèles ».

Emblématique, l'enveloppe de 10 millions d'euros dédiée au financement de volets d'ingénierie des ascenseurs valléens semble elle aussi relever, surtout, d'un symbole bienvenu. « Bien entendu que la somme accordée à ce sujet ne représente pas le quart du montant nécessaire pour financer un seul projet d'ascenseur valléen. Mais si cela peut permettre d'engager des réflexions... », estime le président de l'ANMSM, qui évoque plusieurs sujets dans les cartons à l'échelle de différents territoires.

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Même retour chez Michaël Ruysschaert à Savoie Mont Blanc Tourisme, qui estime que cette enveloppe permettra « d'ouvrir les horizons » et de « poser les bases de la discussion sur des projets de nouvelles mobilités. C'est aussi une bonne nouvelle pour les clients, pour lesquels les ruptures de charge constituaient un irritant majeur ».

Pour autant, le président de DSF Alexandre Maulin rappelle qu'il sera nécessaire de se saisir du sujet des transports dans son ensemble, « car il ne suffit pas de ne pas polluer sur le dernier kilomètre et de venir en voiture de l'autre bout de la France. À ce stade, il existe un travail à réaliser également sur l'ensemble de la chaîne, y compris sur la desserte ferroviaire », évoque-t-il, estimant que le sujet des ascenseurs valléens est plutôt à ramener dans le champ du transport public.

La volonté de n'oublier personne

Enfin, ce climat plus propice au dialogue aura par la même occasion permis de remettre sur la table les derniers points d'amélioration, encore jugés nécessaires, au sein du dispositif d'aides d'urgence, annoncé au cours de l'hiver dernier, mais cette fois de manière plus sereine.

Avec, parmi les doléances qui demeurent encore sur la table, l'enjeu d'intégrer des professions encore sur la touche comme les coiffeurs, médecins de montagnes, professions de santé, etc, dans une enveloppe d'aides qui représente déjà, comme l'a confirmé le gouvernement, près de 5,3 milliards d'euros décaissés.

« La demande a cette fois été faite et relayée en live, devant tout le monde par Jean Castex au secrétaire d'État Alain Griset. On peut dire aujourd'hui que sur ce plan, près des trois quarts du chemin ont été fait pour n'oublier personne », résume Jean-Luc Boch, qui rappelle qu'avant de « relancer », il fallait « sauver ».

« On pense également aux fabricants d'équipements de ski et de matériel sportifs, représentés par l'Union Sport et Cycle, qui demeurent encore dans le flou », ajoute Michaël Ruysschaert.

Mais avec cette fois, entre les lignes, l'impression pour chacun d'avoir été enfin entendu dans ses spécificités : « Dans son discours, Jean Castex a bien évoqué la nécessité de mieux prendre en compte le critère de saisonnalité de nos métiers, notamment au sein des dispositifs d'urgence. Nous sommes désormais rendus à la moitié du chemin, avec une prise en charge de 35 % des charges fixes non couvertes aujourd'hui, sur un objectif de 70% », retient Pascale Jallet, au SNRT, qui souligne également que la nécessité de corriger le dispositif d'aides aux coûts fixes, qui écartait jusqu'ici de fait les acteurs de petite taille de l'hébergement de montagne.

Mais l'un des points considérés comme "essentiel" au sein de ces échanges, pour les acteurs de la filière, se résume en un mot : la neige. « Le premier ministre a souligné que malgré tout, le ski est et demeurera l'activité la plus importante de nos territoires. Il l'a bien compris, et cela traduit désormais aussi la position officielle de l'État français », souligne Alexandre Maulin.

A l'Agence Savoie Mont Blanc, Michaël Ruysschaert l'a aussi retenu : « Dans son discours, Jean Castex n'a pas opposé le sujet du ski à la notion de diversification. Or, c'est bien une chose à laquelle nous croyons depuis plusieurs années, avec la volonté d'aller vers du multi-saisons et d'éviter la concentration du tourisme de masse ».

Une volonté saluée par l'ensemble des acteurs socioéconomiques interrogés, mais nécessairement par certains observateurs du dossier, comme le maître de conférences en management du sport et développement territorial à la Faculté des Sciences de Toulouse, Eric Adamkiewicz, particulièrement critique à l'égard de la stratégie d'aménagement des stations :

« Les annonces de ce plan sont bien en dessous des enjeux. Il est inquiétant que l'Etat ne soit pas en capacité de porter une vision pour la montagne dépassant des rustines obsolètes depuis plus 20 ans ». Preuve que sur un tel sujet, le débat de l'équilibre du modèle est loin d'être simple à trancher.

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Commentaires 2
à écrit le 28/05/2021 à 10:59
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Il faut quand meme penser un peu plus loin que son nez : vu le rechauffement climatique, le gros des stations sont condamne a moyen terme. Il faudrait penser a developper autre chose que le ski !

à écrit le 28/05/2021 à 7:42
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Il fallu qu'on lui explique les concepts de montagne, êtres humains, souffrance, et que ça remonte au cerveau pour analyse. Ça prend du temps ! 😁

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