Dinopedia : dans l'Ain, le futur parc de loisirs déchire la petite commune de Trévoux

DECRYPTAGE. Expliquer et montrer, sous un angle ludique, comment vivaient les dinosaures. Voilà le projet de Dinopédia, qui veut ouvrir à Trévoux (Ain) son quatrième parc sur ce thème des dinosaures, prenant place sur le site de l'ancien parc aquatique fermé l'année dernière. Mais sur la petite commune de 6.900 habitants, le projet crée des tensions.
Le parc Dinopedia de Mende attire 30.000 visiteurs chaque année. « Ouvrir un tel parc en moins de six mois est impossible, au regard des règles d'urbanisme et d'environnement », réplique pour sa part le collectif Non aux Dinos opposé au projet de Trévoux (Ain).
Le parc Dinopedia de Mende attire 30.000 visiteurs chaque année. « Ouvrir un tel parc en moins de six mois est impossible, au regard des règles d'urbanisme et d'environnement », réplique pour sa part le collectif Non aux Dinos opposé au projet de Trévoux (Ain). (Crédits : DR)

Ce n'est pas un nouveau Disneyland, ni un immense parc aquatique de plusieurs dizaines d'hectares. C'est en réalité un projet plutôt modeste, en comparaison avec les exemples précédemment cités. Pas de manège à sensation à l'horizon, pas de parking sur des dizaines de milliers de m² : il s'agit d'un parc de loisirs de 6,5 hectares autour des dinosaures, en particulier les reptiles aquatiques. Au programme, des maquettes 3D, mises en scène et agrémentées d'explications historiques et scientifiques. Le tout orchestré par un concept ludique visant une clientèle familiale et prenant place sur le site des Cascades, l'ancien parc aquatique de la commune de Trévoux (Ain) fermé l'année dernière.

Et pourtant, le projet Dinopedia déchire la commune de 7.200 habitants depuis plusieurs mois. D'un côté, l'entreprise, la majorité municipale et une partie des habitants. En face, une autre partie des Trévoltiens, l'opposition municipale, le collectif « Non aux Dinos » créé à l'automne 2023 et revendiquant 300 membres sympathisants ainsi que l'antenne locale de l'association militante GNSA (Groupe National de Surveillance des Arbres). Au cœur de la polémique : une problématique environnementale. Mais pas que.

Alors que l'équipement devait ouvrir cet été au bord de la Saône, avec un million d'euros d'investissement et une vingtaine de futurs salariés dans les starting-blocks, la Préfecture de Région vient de siffler la fin provisoire de la récré. Relayant un avis de la DREAL, elle réclame à Dinopedia une étude environnementale sur l'ensemble du site stoppant tout possibilité de travaux tant que les conclusions de celles-ci ne seront pas connues.

30.000 entrées annuelles espérées

Une décision que salue le collectif « Non aux Dinos ».

« L'entreprise a démarré les travaux sans autorisation, en saccageant une des seules zones naturelles qui restent encore à la collectivité et qui abritent une quinzaine d'espèces protégées. Notre patrimoine est dilapidé pour un équipement dans lequel les habitants de Trévoux se rendront, au maximum une fois par an !», dénonce Nathanaël Duffit-Ménard, son porte-parole.

Le collectif estime également que « de graves infractions ont déjà été commises avec un passage en force des travaux. Ouvrir un tel parc en moins de six mois est impossible, au regard des règles d'urbanisme et d'environnement. Le chef d'entreprise est pressé, il veut aller vite en s'affranchissant des contraintes réglementaires. Après publication de la demande de la Préfecture, des travaux étaient encore en cours ce 9 mai, une intervention des gendarmes a même été nécessaire ».

Philippe Lopez, l'entrepreneur à la tête du projet, a lui du mal à comprendre la décision de la Préfecture. Quant à l'opposition politique et citoyenne à laquelle il fait face, il ne décolère pas. Il faut dire qu'il n'en est pas à son coup d'essai : Dinopédia Trévoux sera son quatrième parc, mais c'est bien la première fois qu'il doit faire face à une telle levée de boucliers.

Philippe Lopez avait en effet déjà ouvert en 2020 un premier parc Dinopedia à Alès (Gard), un second en 2023 à Mende (Lozère) et un troisième, dans un concept un peu différent à Villefranche-de-Conflent (Pyrénées Orientales) dans une grotte classée au patrimoine mondial par l'Unesco.

Le groupe, qui édite également le magazine Dinopedia Découverte et anime une chaîne Youtube, compte actuellement une quarantaine de salariés pour un chiffre d'affaires de 4,5 millions d'euros. Les trois sites existants ont cumulé l'année dernière environ 125.000 entrées. Dinopedia Trevoux pourrait faire progresser le curseur de 30.000 visites supplémentaires.

« Lorsque j'ai appris il y a un an que ce site des Cascades était à vendre, avec de grands bassins aquatiques déjà existants, je me suis dit que ce serait probablement une bonne occasion de mettre en scène des reptiles aquatiques directement dans l'eau. Après négociations avec la mairie, j'ai acquis le site (dispositif de l'acquisition à terme sur 12 ans, ndlr) et nous avons démarré l'aménagement », raconte Philippe Lopez.

Un recours auprès de la Préfecture

L'entrepreneur évoque, avec amertume, la suite de l'histoire : « Immédiatement, un collectif s'est créé et l'opposition est montée au créneau. En mettant en avant des questions environnementales, une zone humide sur la partie forestière du site. J'ai quand même du mal à comprendre comment un parc avec des maquettes de dinosaures pourrait mettre plus en danger ce site qu'un parc aquatique avec 1.800 m3 d'eau chauffée, qui fuyait partout et qui a pollué les sols avec du chlore et des produits chimiques ».

Et de raconter qu'après avoir pris connaissance de cette possible problématique environnementale, il avait décidé rapidement de recentrer ses travaux sur la partie du site déjà aménagée, laissant la partie « forêt » en attente, pour laisser le temps à une étude environnementale de présenter ses conclusions. Une réorganisation qui devait lui permettre d'ouvrir le parc dès cet été. Espoir douché par la décision de la Préfecture donc qui lui réclame, avant d'aller plus avant, une étude environnementale sur l'ensemble du site.

« Cette décision est hallucinante. Nous avons déposé un recours le 24 mais afin de bien réexpliquer que nous avons scindé notre projet en deux. Je suis choqué, nos autres parcs ont ouvert sans problème dans des contraintes environnementales beaucoup plus complexes : une forêt gérée par l'ONF, une grotte classée par l'Unesco... Quant à l'opposition du collectif, pour moi, c'est uniquement une question politique, une guéguerre entre l'opposition et la majorité municipale. Ce retard d'ouverture met en péril l'équilibre de l'ensemble de l'entreprise ».

« Un potentiel touristique certain »

Point de vue partagé par le maire de Trévoux et conseiller départemental, Marc Péchoux, élu en 2014.

« Il y a une volonté de saborder ce projet, avec une connivence entre l'opposition et le collectif (ndlr : connivence que dément formellement Non aux Dinos, arguant qu'aucun membre de l'opposition ne fait partie de l'organisation). Qu'on n'aime pas les dinosaures et les parcs, je peux comprendre mais qu'on mette en avant de faux arguments autour de l'environnement, je ne l'accepte pas. Ce parc n'est pas un parc d'attraction, il n'y a aucune incidence sur la faune et la flore. Seuls les arbres malades seront coupés. La Dreal est parfaitement dans son droit de réclamer une étude environnementale, c'est la procédure, mais je n'ai aucune inquiétude sur le sujet car nous savons très bien de quoi est fait ce site ».

Pour l'édile trévoltien, Dinopedia représentera un atout d'attractivité majeur pour le territoire. Il permettra, selon lui, de diversifier l'offre touristique locale, en ajoutant une proposition ludique à l'offre actuellement existante plutôt tournée vers le patrimoine.
« Cela inciterait à s'arrêter chez nous plus de cyclotouristes qui empruntent la toute nouvelle voie Lyon-Luxembourg. Notamment les familles. Ce serait vraiment du gâchis de passer à côté de cette opportunité pour des questions environnementales qui n'existent pas en réalité. Je ne vois pas comment des maquettes de dinosaures posés sur le sol peuvent être plus impactant pour l'environnement qu'un parc aquatique ».

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Commentaire 1
à écrit le 31/05/2024 à 11:01
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Internet aura fortement précisé et enrichis les diverses contestations apportant son eau sous forme de fleuve au moulin. Les opposants à la pensée manichéenne se multiplient et au final ce ne sont pas des "NON!" qui se multiplient ce sont des "mais p...

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