Reprise de Famar : Benta Pharma retenu, Néovacs envisage deux recours

L’avenir du sous-traitant lyonnais des laboratoires pharmaceutiques Famar, dernier fabricant français de nivaquine, semblait tout juste scellé. Le Tribunal de commerce de Paris a validé ce lundi l’offre de reprise de la société libanaise Benta Pharma, qui prévoit le sauvetage de 115 emplois sur 250, ainsi qu’un investissement de 42 millions d’euros d’ici 2026. Reste que son principal concurrent, la société de biotechnologie française Néovacs, a décidé de faire appel de cette procédure.
Le site Famar de Saint-Genis-Laval (69) avait été placé en redressement judiciaire en juin 2019, alors qu'il comptait, à cette période, près de 322 salariés.
Le site Famar de Saint-Genis-Laval (69) avait été placé en redressement judiciaire en juin 2019, alors qu'il comptait, à cette période, près de 322 salariés. (Crédits : DR)

Placé en redressement judiciaire le 24 juin 2019, le site lyonnais de Famar, basé à Saint-Genis-Laval (69), faisait partie des 11 sites industriels Famar dans le monde, détenus jusqu'ici par le fonds d'investissement américain KKR. "Nous sommes convaincus que nous n'aurions jamais eu d'offre pour ce site", déclarait l'an dernier à la Tribune le Pdg de Famar, Patrick Puy.

Ce n'est plus vraiment le cas depuis la crise du Covid-19. Alors que l'une de ses principales productions, la nivaquine (un dérivé issu de la chloroquine), a fait débat au cours des derniers mois et gagné en visibilité, ce sont deux acteurs qui se disputaient finalement depuis plusieurs semaines la reprise de l'entreprise lyonnaise et de ses 250 salariés à la barre du Tribunal de commerce de Paris.

Avec, en jeu, un portefeuille d'une soixantaine de produits fabriqués ainsi que douze médicaments "d'intérêt thérapeutique majeur", indispensables pour des milliers de patients, pour une capacité de production annuelle évaluée à 80 millions de boîtes de médicaments pour le compte de plusieurs grands groupes pharmaceutiques tels que Sanofi et Merck.

Cependant, l'usine, détenue jusqu'en 2014 par Sanofi, était ensuite passée successivement entre les mains du groupe grec Famar, qui avait ensuite cédé l'actif en 2017 au fonds d'investissement américain KKR. Alors que les syndicats avaient dénoncé un sous-investissement chronique ainsi que le "désengagement industriel" de leurs actionnaires, le niveau de pertes, non confirmé à ce jour, atteignait déjà près de 2 millions d'euros pour 26,7 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2017. D'après nos informations, ses derniers résultats feraient plutôt état d'un chiffre d'affaires de 38,6 millions d'euros en 2018, pour un résultat net de -6,1 millions d'euros.

"Le site de Lyon est particulier, puisque c'est le seul du groupe qui perd de l'argent. C'est un site qui n'a pas été très bien géré par le passé, beaucoup trop dimensionné et en sous-investissement", affirmait alors Patrick Puy.

Un dossier libanais validé

Alors que l'option avancée en premier lieu consistait à "trouver un investisseur immobilier qui aurait pu créer, en lieu et place du site, un parc d'activité autour de la pharmacie et de la chimie", c'est désormais une toute autre solution qui vient d'être validée par la Tribunal de commerce de Paris ce lundi.

Le groupe industriel pharmaceutique libanais Benta Pharma, déjà partenaire des grands laboratoires internationaux dont Sanofi, Abbott, et Mylan, vient d'obtenir l'aval du tribunal pour son projet de reprise du site de Saint Genis Laval (69). Son plan prévoit un investissement prévisionnel de 42 millions d'euros ainsi que la sauvegarde de 115 salariés sur 250, assortie d'une perspective d'embauche de près de 270 salariés dans la région d'ici à 2026.

Le groupe libanais dirigé par Bernard Tannoury, qui emploie près de de 600 salariés pour un chiffre d'affaires consolidé de 77,5 M$ en 2019, dispose déjà d'un circuit de distribution dans plus de 40 pays. Il s'engagerait ainsi à "redéployer Benta Pharma / Famar en France et en Europe en lui permettant de continuer de servir les clients actuels et historiques du site, et en apportant une nouvelle clientèle, et de faire le transfert de technologie de 250 nouveaux produits".

Benta Pharma s'engagerait par ailleurs à maintenir également la gamme contre le COVID-19, et en particulier son produit phare, l'Hydroxychloroquine. Son dossier aurait également bénéficié, sur ce dossier, de l'accompagnement de Business France et de la Métropole de Lyon dans le cadre de leur mission respective d'attractivité auprès des investisseurs étrangers. Contacté, le repreneur n'a pas encore donné suite à nos demandes d'interviews.

Néovacs envisage deux recours

Mais son principal concurrent sur cette reprise, la société de biotechnologies française Néovacs, ne l'entend pas de cette oreille. La biotech s'était pour cela associée à deux autres acteurs, la société Industry de Franck Supplisson, ainsi que le fonds d'investissement luxembourgeois Cofilux- Secufund.

Son pdg, Hugo Brugière, également président de HBR Investment Group, évoque sa véritable "surprise" alors qu'un accord aurait été passé, en amont de l'audience, avec l'actionnaire KKR et Néovacs en vue de valider la proposition d'un plan de continuité. "Or, ce n'est pas ce qui a été présenté ensuite devant le tribunal", affirme-t-il.

La société Néovacs, rappelle par ailleurs que son dossier était aussi "le mieux disant, sur l'ensemble des critères légaux". Son plan prévoyait notamment "la préservation de 150 postes et une ambition de monter à 400 emplois à terme" ainsi qu'un "investissement programmé de 37 M€ sur une période de 5 ans". Son dossier aurait par ailleurs reçu le soutien de Bpifrance et comprenait également le développement d'une activité de remplissage aseptique du futur vaccin contre la Covid-19.

Résultat ? Néovacs a annoncé dès ce mardi son intention d'engager immédiatement deux recours : l'un au civil, contre l'actionnaire principal, KKR, ainsi qu'un second recours contre la décision rendue par le Tribunal de commerce de Paris, "au motif qu'un certain nombre de critères n'ont pas été pris en compte dans l'offre".

"C'est quelque chose d'assez inédit, nous avons mené une vingtaine de reprises avec Franck Supplisson, où parfois on gagne et on perd, mais jamais dans de telles conditions", a indiqué à La Tribune le pdg de Néovacs, Hugo Brugière.

Spécialisée dans les vaccins thérapeutiques ciblant le traitement des maladies auto-immunes ainsi que les allergies, la biotech souhaitait "devenir un acteur de référence dans l'amorçage et le développement de sociétés médicales et paramédicales en difficulté" et comptait capitaliser sur la reprise de Famar pour "recréer une industrie pharmaceutique en France".

"Le choix d'un acteur libanais pour piloter un actif stratégique est une vraie surprise, alors que l'on sort d'une période où l'on venait de se dire qu'il n'existait aucune indépendance médicamenteuse en France", fait valoir Hugo Brugière.

Les marchés semblaient eux aussi y croire puisqu'à l'annonce de la date de délibéré prévue au 20 juillet, le cours en bourse de la biotech avait bondi de 43,4% lundi 29 juin puis encore de 65,6% le lendemain.

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Commentaire 1
à écrit le 03/08/2020 à 14:03
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en parallele, republiez l'histoire de cette entrepreneuse qui a mis 300.000 euros dans son entreprise pour fournir des masques, et qui a vu les commandes publiques s'arreter du jour au lendemain un remerciement a la franciase pour une relocalisation...

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