PFAS : avec de multiples sites industriels contaminés, l'étau se resserre autour d'une pollution généralisée

La DREAL Auvergne-Rhône-Alpes a dévoilé la semaine dernière une première vague de sites industriels inspectés dans le cadre de ses contrôles sur les rejets de substances chimiques perfluorées (PFAS), bientôt limitées en France. Les premiers résultats montrent que 40 % des industries concernées rejettent des PFAS, à des taux cependant « hétérogènes » et bien « inférieurs » à ceux de l'usine Arkema, située à Pierre-Bénite, dans la vallée de la chimie. En parallèle, de nouveaux prélèvements citoyens ont montré que les niveaux de PFAS dans l'eau potable dépassent encore les futurs seuils européens à Givors (Rhône) et à Péage-de-Roussillon (Isère). L'ARS, de son côté, suit également une vingtaine de situations dans la région. Point d'étape.
L'ARS Aura effectue notamment une surveillance de la commune du Péage-de-Roussillon, dont la présence de PFAS au-delà du futur seuil européen dans l'eau potable reste « à confirmer ». La commune se situe à une cinquantaine de kilomètres à l'aval de la « Vallée de la chimie » (ici en photo), au sud de Lyon, où l'usine Arkema déverse les plus grandes quantités de PFAS dans la région.
L'ARS Aura effectue notamment une surveillance de la commune du Péage-de-Roussillon, dont la présence de PFAS au-delà du futur seuil européen dans l'eau potable reste « à confirmer ». La commune se situe à une cinquantaine de kilomètres à l'aval de la « Vallée de la chimie » (ici en photo), au sud de Lyon, où l'usine Arkema déverse les plus grandes quantités de PFAS dans la région. (Crédits : DR)

Peu à peu, le maillage des investigations de la société civile et de l'Etat sur les PFAS s'étend en Auvergne-Rhône-Alpes : le département du Rhône, jugé « pilote » en la matière depuis les révélations en 2022 de la pollution massive depuis la plateforme chimique de Pierre-Bénite, commence à livrer des premiers éléments de méthode, répliqués dans le reste de la région.

C'est en tout cas le sens de la première vague d'inspection de Installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) par les services de l'Etat, dévoilée la semaine dernière. Elle révèle notamment que près 40 % des 135 premiers sites industriels inspectés rejettent des PFAS dans les eaux, à des niveaux de concentration cependant qualifiés « d'hétérogènes » et « très inférieurs aux rejets qui sont encadrés et en cours de réduction pour la plate-forme Arkema de Pierre-Bénite », indique la Préfecture.

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Qu'ils exercent dans les domaines du traitement des déchets, des revêtements industriels, dans la papeterie ou encore la fabrication de peintures, environ 55 sites dépassent la future norme européenne de qualité réglementaire qui s'appliquera en France à partir de 2026 : à savoir 0,1 µg/L (microgramme par litre) pour la somme de 20 PFAS, sur les milliers aujourd'hui identifiés dans le monde.

À titre de comparaison, les services de l'Etat ont relevé, lors de cette même campagne, une concentration maximale de 3.903,2 µg/L dans la fosse de relevage de l'usine Arkema. Tandis que la deuxième plus forte concentration identifiée concerne le chimiste Créalis, à Saint-Priest (Rhône), qui a déversé jusqu'à 100,6 µg/L de PFAS dans ses rejets aqueux. Ensuite, les taux diminuent : la plupart se situent en dessous de 1 µg/L, mais restent supérieurs au seuil de qualité réglementaire européen.

Une « cellule interministérielle » dans chaque département

Cette campagne régionale se poursuivra dans les prochains mois : près de 600 sites industriels seront inspectés en Auvergne-Rhône-Alpes, tandis que les services de l'Etat assurent lancer une « nouvelle étape » dans le plan d'action interministériel, initié en janvier 2023.

D'abord, l'Agence régionale de santé (ARS), destinataire des résultats, « a d'ores et déjà lancé un programme de recherche et de surveillance des captages d'eau situés à proximité des sites identifiés », précisent les services.

En parallèle, la Préfecture indique également l'activation d'une « cellule » dans chaque département, composée des préfets, de l'Agence de l'eau, des directions régionales des services de l'Etat (comme l'ARS et la Dreal), en lien avec les élus locaux, « à l'image de l'action menée depuis deux ans dans le Rhône ». Dans l'idée de « cartographier et caractériser la présence des PFAS », mais aussi « réduire et stopper les rejets industriels », tout en « protégeant la population et l'environnement ».

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Autant d'éléments qui s'ajoutent à la masse d'informations qui s'accumule sur les PFAS, désormais dans les mains des autorités, appelées à légiférer en la matière. Car il y a aussi urgence sur l'eau potable. Dans son dernier rapport, en date du 1er avril 2024, l'ARS recense à nouveau « six situations de non conformité » dans la région : en Ardèche (à Peyraud et à Cruas, au niveau de la station de traitement de la centrale nucléaire) et dans le Rhône (à Ternay, Vourles, Corbas et Genas), représentant au total l'alimentation en eau potable de « 156.200 personnes ».

Cependant, l'Agence considère à ce jour que « la limite de qualité réglementaire ne correspond pas à une valeur sanitaire, mais à une valeur de gestion » : autrement dit, en cas de non-conformité, la position interministérielle est « de ne pas restreindre l'usage de l'eau distribuée » et de « mettre en œuvre un plan d'action destiné à rétablir la qualité de l'eau distribuée dans les meilleurs détails », détaille l'Agence régionale de santé.

À noter, pour autant, que d'autres pays proposent des valeurs guides environnementales plus restrictives que celle de l'Union européenne : c'est par exemple le cas du Canada, des Etats-Unis, des Pays-Bas ou encore du Danemark, qui a établi quant à lui un seuil 50 fois plus restrictif que la valeur européenne (à savoir de 2 ng/L pour la somme du PFOA, du PFOS, du PFNA et du PFHxS, contre 100ng/L dans la directive européenne, pour la somme de 20 PFAS).

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En parallèle, l'ARS Aura indique que quatre autres situations « sont aujourd'hui résolues par la mise en place de station de traitement au charbon actif » : « à Valence dans la Drôme et à Rumilly en Haute-Savoie, à Jonage dans le Rhône, et par la modification de la contribution des ressources (optimisation des mélanges) sur Millery-Mornant (Rhône) ».

De même, neuf situations « font l'objet d'un suivi et sont à confirmer » selon l'Agence : à Vichy (Allier), à Limony et à Mauves (Ardèche), à Saint-Pierre-de-Boeuf (Loire), à Grigny (Rhône), à Chambéry (Savoie), mais aussi à Anthon et à Péage de Roussillon (Isère), où un dépassement des seuils a notamment été relevé par l'ARS en août 2023.

Inquiétudes à Givors et Péage-de-Roussillon, au bord du Rhône

Pour cette dernière, située à une cinquantaine de kilomètres au sud de Lyon, au bord de l'A7, les préoccupations sont grandissantes. Une campagne de prélèvements initié par le parti Les Ecologistes et plusieurs associations (dont « Vivre Ici Vallée du Rhône Environnement »), et menée en mars dernier par des habitants de trente trois communes réparties sur le territoire français, a en effet dévoilé des résultats qui ont valeur de signal d'alarme.

Dans vingt-six d'entre elles, des PFAS ont été retrouvés dans l'eau potable. Et dans trois communes, les seuils relevés par les citoyens dépassent la future réglementation : à Metz (Moselle), à Givors (Rhône) et à Péage-de-Roussillon (Isère), « qui concentre le plus de variétés de PFAS représentés », avec 10 PFAS identifiés sur les 12 testés, dont le PFOA (interdit depuis 2020) et le PFOS (interdit depuis 2009).

Surtout, un élément retient l'attention de Quentin Dogon, référent du Groupe local Écologistes Isère Rhodanienne : « Ce sont trois PFAS de plus qu'à Givors, où nous ne les avons pas identifiés. Nous connaissons Arkema et Daikin qui sont en amont, et qui rejettent, mais ce qui est étonnant, c'est que nous avons trois nouveaux PFAS. Est-ce dû à des PFAS qui se transforment avec le temps ? Il peut y avoir beaucoup de raisons et nous n'avons pas les réponses ».

En parallèle, d'autres associations et collectifs mènent des actions depuis deux ans dans la région, dont « Ozon l'eau saine » et ses quelque 250 adhérents dans le département du Rhône.

Après avoir mené une première campagne de prélèvements d'eaux l'année dernière, elle indique désormais travailler sur « la pollution de la terre et des œufs », en faisant analyser un spectre de 67 PFAS au laboratoire québécois du Pr. Sébastien Sauvé, chercheur en chimie environnementale, qui s'est par ailleurs rendu à Lyon l'année dernière, comme l'a rapporté Le Progrès.

Pour les adhérents, il s'agit notamment de « cartographier les lieux, en essayant de couvrir tout le Rhône », en plus des actions de l'ARS, explique Patricia Grange-Piras, habitante et proche d'EELV.

L'association a par ailleurs lancé un groupe de travail sur les systèmes existants de filtration de l'eau (au charbon actif, ou d'osmose inversée) afin « de convaincre les directeurs d'écoles de faire ces installations » : « Cela s'est passé avec plus ou moins de facilité. Il y a eu une pression énorme et maintenant, beaucoup le font ».

Quelle gestion pour l'eau potable contaminée ?

Mais financer la filtration de l'eau dans les écoles coûte encore très cher. Givors en compte 18 : « Nous y avons songé bien sûr, mais nous n'avons pas étudié la question, parce que financièrement, ce n'est pas possible », confirme Cyril Mathey, adjoint de la commune et membre du parti EELV.

« Nos dépenses ont déjà augmenté l'année dernière d'un million d'euros pour les énergies, et d'un autre million d'euros pour le paiement de nos agents. À Givors, nous avons promis de ne pas augmenter les impôts. À notre niveau d'élus locaux, il n'y a pas de solution. Il faut surtout appliquer le principe de pollueur-payeur ».

Une demande par ailleurs martelée par la Métropole de Lyon : la collectivité a en ce sens attaqué au civil les industriels Arkema et Daikin en mars, dans le but d'établir leurs responsabilités et de consacrer le principe de « pollueur-payeur ».

En parallèle, l'ARS établi des « plans d'actions » dans chaque cas de non-conformité, sans restriction d'utilisation de l'eau. Les effets de la pollution aux PFAS reste en effet difficile à mesurer, mais certains scientifiques appellent à la prudence.

C'est notamment le cas de Pierre Labadie, chercheur au CNRS, qui explique, comme le rapportait La Tribune cette semaine, qu'« un organisme sauvage n'est jamais exposé à un seul PFAS, mais à un cocktail de PFAS et aussi de micropolluants ». En attendant de connaître les effets cumulés, il invite donc à prendre toutes les précautions sans attendre sur l'exposition à ces polluants.

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Commentaire 1
à écrit le 30/04/2024 à 11:41
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Mais surtout faites du sport, mangez mieux et moins et arrêtez de fumer pour pas avoir de cancers hein ! LOL ! Enfin pour diminuer d'abord et avant tout les empoisonnements répétés et jamais punis de la société marchande. Le néolibéralisme n'est qu'u...

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