Pollution aux perfluorés : 166.000 habitants consomment de l'eau au-delà des seuils admis

Nouveau rebondissement dans le vaste dossier des perfluorés. En Auvergne-Rhône-Alpes, l'eau destinée à la consommation de 166.000 habitants contient des niveaux de substances chimiques supérieurs aux recommandations européennes, a dévoilé lundi l'Agence régionale de santé. Si la législation sur le sujet ne s'appliquera qu'en 2026 en France, les autorités, dont l'ARS, demandent d'ores et déjà aux communes des mesures coercitives afin de passer sous les seuils de recommandation. En parallèle, le référé environnemental de l'association Notre Affaire à tous devant le tribunal judiciaire de Lyon pour obtenir « la réduction drastique des rejets de PFAS » de l'usine Arkema, a été à nouveau rejeté en appel.
L'ARS Auvergne-Rhône-Alpes a relevé des niveaux de perfluorés supérieurs aux recommandations européennes dans les eaux de distribution d'une cinquantaine de communes de la région, la majorité située au sud de la vallée de la chimie, à Lyon.
L'ARS Auvergne-Rhône-Alpes a relevé des niveaux de perfluorés supérieurs aux recommandations européennes dans les eaux de distribution d'une cinquantaine de communes de la région, la majorité située au sud de la vallée de la chimie, à Lyon. (Crédits : DR)

Les premiers résultats des études sur la contamination aux substances chimiques dites « perfluorées », ou PFAS, en Auvergne-Rhône-Alpes, tombent : l'Agence régionale de santé (ARS) a en effet dévoilé, lundi 15 janvier, que l'eau distribuée à 166.000 habitants de la région, résidant en grande majorité au sud de Lyon, mais aussi en Haute-Savoie, contient des niveaux de PFAS supérieurs aux seuils de recommandation européens, à savoir 100 nanogrammes par litre d'eau.

La « limite de qualité, même si elle est dépassée, ne veut pas dire qu'il y a un risque immédiat pour la population », a tenu à souligner Aymeric Bogey, directeur de la santé publique de l'ARS Auvergne-Rhône-Alpes, auprès de l'Agence France Presse.

« En l'état des connaissances actuelles, on ne sait pas à partir de quel niveau de PFAS il y a un risque avéré », a-t-ajouté. Mais « on ne peut pas attendre » pour agir.

L'institution met en place, depuis le mois de juillet 2022, une stratégie régionale de recherche des PFAS dans l'Eau destinée à la consommation humaine (EDCH). Ce schéma l'amène à réaliser des prélèvements dès lors qu'elle soupçonne la présence de substances.

C'est ainsi qu'elle a ciblé des ressources « potentiellement à risque » et repéré huit situations clairement au-delà de la limite qualité, dont deux sur des puits privés, a précisé Christel Lamat, responsable régionale eaux. Depuis, deux sont revenues en dessous des seuils de recommandation, après avoir pris des mesures.

PFAS, ou « polluants éternels »

Ces substances chimiques, multiples et volatiles, sont en effet qualifiées de « polluants éternels » en raison de leurs résistance au temps et leur accumulation dans l'air, les sols, les eaux, la nourriture et ce, jusqu'au corps humain. Toute la difficulté concerne leur identification, la compréhension de leur longévité, de leurs modes de déplacement et de leur nocivité.

Ainsi, l'une des substance de la famille des PFOA, interdite dans l'Union européenne depuis 2019, a été qualifiée de « cancérogène pour les humains » en décembre dernier par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) basé à Lyon et rattaché à l'OMS. Plusieurs de ces molécules perfluorées sont également soupçonnées d'être des perturbateurs endocriniens.

Lire aussiPerfluorés au sud de Lyon : tout comprendre en huit questions

Les rejets de PFAS dans le Rhône, interdits fin 2024

Si la distribution et la consommation de ces eaux, contenant des PFAS, ne sont pour l'heure pas interdites, l'ARS a toutefois demandé, pour la première fois, des mesures coercitives à la cinquantaine de communes concernées, la plupart situées au sud de la vallée de la chimie. Elles sont en effet en majeure partie alimentées en eau potable par la station de pompage de Ternay, située sur le Rhône en aval de la plateforme chimique d'Oullins-Pierre-Bénite (Rhône) où se situent notamment les sites industriels d'Arkema et de Daikin, qui produisent encore certains perfluorés, en quantité moindre depuis septembre 2022.

Les deux chimistes sont en effet sous couvert de plusieurs arrêtés préfectoraux interdisant leur production et leurs rejets d'ici au 31 décembre 2024. Le premier, Arkema, a déjà réduit de 90 % ses rejets de la molécule « 6:2 FTS » entre septembre 2022 et décembre 2023 grâce à la mise en place d'une ligne de traitement par charbon actif. De même, la Préfecture de région confirmait, en décembre dernier, que « les rejets produits par Daikin demeurent faibles et maîtrisés et que les rejets produits par Arkema respectent les paliers de réduction imposés par l'arrêté préfectoral du 23 septembre 2022 ».

Lire aussiQuel impact des perfluorés sur la population ? La Métropole de Lyon veut lancer une étude pour comprendre

Métropole de Lyon : 50 millions d'euros pour adapter le captage des eaux

C'est dans ce contexte, où plusieurs études ont été lancées à la fois par le Centre international de recherche sur le cancer, l'Etat, les collectivités territoriales et des associations environnementales, que l'ARS demande aujourd'hui aux collectivités compétentes de travailler le sujet.

Sous peine d'être mises en demeure, elles ont dû présenter au plus vite « les mesures de leur choix pour revenir sous le seuil » de 100 nanogrammes par litre, a expliqué à la presse M. Bogey. Elles auront trois ans pour les mettre en place, d'ici l'entrée en vigueur, en 2026, de la directeur européenne fixant cette limite règlementaire (100 ng/l) pour 20 molécules, sur les quelque 4.700 recensées à travers le monde.

Parmi les deux principales options à disposition des collectivités : celles de mettre en place une ligne de charbon actif, afin d'augmenter le niveau de filtration de l'eau, ou encore de « se connecter à d'autres réseaux pour diluer la ressource ou se priver du captage problématique », ajoute M. Bogey.

La ville de Valence (Drôme) a ainsi mis en service, en novembre dernier, une station de traitement des PFAS. De même, la Métropole de Lyon étudie les deux possibilités, dont le raccordement d'une partie des communes du sud de Lyon à la station de pompage de Crépieux-Charmy, en amont des industries chimiques. Le coût de ce vaste projet est estimé à 50 millions d'euros. Pour Pierre Athanaze, vice-président délégué à la gestion, le problème est cependant à prendre « en amont » :

Si une rencontre a eu lieu entre le président de la Métropole de Lyon, Bruno Bernard, et les responsables du groupe industriel Arkema, elle n'a pas débouché sur une solution de financement.

Référé environnemental rejeté en appel

Enfin, nous apprenons également que le référé pénal environnemental demandé par le collectif Notre affaire à tous, ainsi que dix associations et 47 habitants pour obtenir « la réduction drastique des rejets de PFAS » d'Arkema, a été à nouveau rejeté le 7 décembre dernier devant le tribune judiciaire de Lyon, en appel.

En parallèle, une plainte collective a été déposée par 34 communes en octobre dernier contre Arkema et Daikin, pour « mise en danger de la vie d'autrui », « délits spécifiques aux substances et préparations chimiques », « délit d'écocide » et « pollution des eaux souterraines et de surface ». La commune d'Oullins-Pierre-Bénite, où se trouvent les usines d'Arkema et de Daikin, s'est constituée partie civile, et une information judiciaire a été ouverte à l'automne dernier.

Lire aussi notre article : Perfluorés au sud de Lyon : tout comprendre en huit questions

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.