Mine de lithium dans l’Allier : le projet de simplification des procédures minières s’invite dans le débat public

REPORTAGE. La réunion bilan à mi-étape du débat public autour du projet de mine de lithium dans l’Allier se tenait hier à Cournon, dans le Puy-de-Dôme. Un projet colossal et emblématique, tant ce minerai stratégique revêt des enjeux de transition énergétique et de sécurité d’approvisionnement. Opposants et défenseurs de la mine ont confronté leurs positions, sans trouver de terrain d’entente. Mais c’est surtout l’absence de la préfète de l’Allier qui a été dénoncée, alors qu’un projet de simplification des procédures minières sera examiné dès le 3 juin au Sénat et que l’Etat affiche son soutien au projet.
Une petite centaine de personnes ont assisté à la dixième réunion du débat public autour du projet de mine de lithium dans l'Allier, hier à Cournon.
Une petite centaine de personnes ont assisté à la dixième réunion du débat public autour du projet de mine de lithium dans l'Allier, hier à Cournon. (Crédits : DR Emilie Valès)

Une petite centaine de personnes, des tables vides... La dixième réunion publique autour du projet de mine de lithium dans l'Allier, qui s'est déroulée hier soir à la Grande Halle d'Auvergne de Cournon près Clermont-Ferrand, n'a pas attiré les foules.

Et ce, contrairement aux autres rencontres qui, selon la Commission nationale du débat public (CNDP), avaient fait salle comble, comme à Montluçon où 450 personnes s'étaient déplacées. Pourtant, l'enjeu était important hier soir : il s'agissait de dresser un bilan à mi-parcours de ce débat public, qui va encore durer quatre mois et prendre fin début juillet.

« Sur l'ensemble des 10 rendez-vous, nous avons quand même eu en moyenne 3 à 4 fois plus de personnes que par rapport à d'autres débats comparables portés par la CNDP. Idem pour les contributions en ligne. Une grande partie du public est en attente d'informations. Nous avons aussi noté que, par rapport au début, les parties prenantes économiques, notamment la CCI et les syndicats professionnels, prennent plus de place dans les discussions », détaille Mathias Bourrissoux, président de ce débat publique.

Une forte mobilisation dans l'ensemble donc, mais aussi une forte crispation autour de ce projet minier, le premier sur le territoire métropolitain depuis plus de 50 ans (voir encadré). La multinationale Imerys, spécialisée dans la production et la transformation de minéraux industriels à l'origine du projet, a pris part aux échanges. Des échanges respectueux hier (plus que dans d'autres réunions, où des cris et des pleurs sont évoqués par les participants), même ce sont bien deux visions, deux points de vue irréconciliables qui se sont affrontés.

Avec d'un côté, les défenseurs de ce projet qui devrait créé 500 à 600 emplois directs et de l'autre, les « anti-mines », notamment les associations environnementales qui craignent des dommages sur la nature.

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Absence remarquée et regrettée de la préfète

Mais pour cette dixième rencontre, ce qui a surtout agacé les participants et fait l'objet de plusieurs questions, c'est l'absence, une nouvelle fois, de la préfète de l'Allier, représentante de l'Etat sur le territoire.

« Ils ont un avis, ils l'ont donné, que ce soit Bruno Le Maire, Emmanuel Macron, la préfète elle-même dans la presse. Ils soutiennent ce projet, mais ils ne sont pas là pour répondre aux questions et participer ! », s'est insurgé un habitant, très applaudi du public, quand un autre s'est étonné de ne voir aucun député ou sénateur du département dans la salle.

« La préfète a fait le choix de ne pas venir perturber le débat. Mais les services de l'Etat sont présents à chaque réunion », a répondu laconiquement une représentante de la Préfecture sans se présenter. La DREAL (Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement) et la DDT (Direction départementale des territoires) de l'Allier, instructeurs sur ce dossier, étaient bien dans la salle, mais n'ont pas pris le micro.

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« Nous avons interpellé l'Etat à maintes reprises pour avoir une parole politique dans le débat et une parole technique de l'administration centrale par exemple. Des représentants sont présents aux réunions mais n'interviennent pas. Un délégué interministériel aux approvisionnements en minerais et métaux stratégiques est quand même venu présenter, à Paris, la stratégie nationale, mais cela ne suffit pas pour les participants. Nous ne cessons de relayer cette demande. Il reste quatre réunions, nous espérons que la préfète viendra sinon cela frustrera le public », explique Mathias Bourrissoux, de la CNDP.

Il faut dire que la préfète de l'Allier, Pascale Trimbach, a exprimé, à plusieurs reprises, son soutien dans la presse locale évoquant un projet « historique » et « extrêmement positif ». Le gouvernement aussi s'est associé au projet par la voix de son ministre de l'Économie, Bruno Le Maire : « (Le projet) contribuera à l'objectif fixé par le Président de la République de produire 2 millions de véhicules électriques en France d'ici 2030 et sera soutenu par le gouvernement. »

Du côté de France Nature Environnement (FNE), un des acteurs très impliqués dans ce débat, on regrette notamment l'absence de débat démocratique autour de la gestion de la ressource et de la relance minière sur le sol français.

Projet de loi de simplification

Il n'a, d'ailleurs, pas échappé aux deux camps que le gouvernement a décidé d'intégrer à son projet de loi de simplification de la vie économique un volet sur le droit minier. Les opposants au projet l'ont évoqué à plusieurs reprises lors de la réunion. Examiné à partir du 3 juin au Sénat, le texte prévoit un simplification des procédures minières n'ayant pas de caractère environnemental.

Ce levier majeur d'accélération doit permettre de réduire les délais pour le permis exclusif de recherche. Cela ne devrait pas bénéficier au site d'Imerys (du fait du temps parlementaire), mais la volonté du gouvernement est très claire.

Dans son communiqué datant d'avril, Bercy met d'ailleurs en avant le projet auvergnat : « La France aura besoin de 10 à 15 kt/an de lithium métal primaire pour la mobilité électrique à horizon 2035. (...) Les projets d'extraction actuellement en cours de développement pourraient satisfaire jusqu'à 2/3 de ces besoins avec 5 kt de Li métal pour le projet d'Imerys dans l'Allier et potentiellement jusqu'à 5 kt pour les projets alsaciens de lithium géothermal ». Interrogé par la Tribune sur ce soutien, Imerys répond que « ce n'est pas pour autant un blanc seing » et se dit « conscience de la responsabilité de porter ce premier projet ».

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« Nous avons donc décidé de redoubler nos efforts »

Sur les positionnements des uns et des autres, le bilan à mi-débat n'a pas permis d'observer des évolutions notables. Certains acteurs, comme la CGT de l'Allier, réservent leur avis à la fin du débat, s'interrogeant encore sur le chiffrage des emplois indirects présenté par Imerys ou le financement du réseau ferroviaire qui servira à transporter le mica. Aucune modification sur des éléments structurants n'est envisagée par Imerys et aucune alternative, autre que l'abandon du projet de mine, n'a été proposée par les opposants.

« Nous le sentions mais le débat confirme que la question de l'eau dans ce dossier est centrale. Cela apparaît comme un sujet sensible, nous avons donc décidé de redoubler nos efforts et nous soumettrons nos études, notamment sur l'hydrogéologie, à des contre-expertises avant de déposer notre dossier d'autorisation aux services instructeurs de l'Etat. Nous voulons ainsi rassurer nos interlocuteurs », défend Alan Parte, vice-président en charge du projet lithium chez Imerys qui promet, par ailleurs, la mise en place de comités de suivi réguliers, même après le débat pour continuer la concertation.

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Quels usages pour ce minerai ?

France Nature Environnement, de son côté, salue les éclaircissements apportés par Imerys au cours de ce débat, les données chiffrées et explicitées. Mais la fédération attend encore des réponses.

« Ils n'ont pas aujourd'hui toutes les réponses autour de la gestion des déchets et des résidus miniers, or c'est l'un des grands enjeux. Nous ne pouvons pas nous positionner sans ces éléments. Nous avons aussi des attentes sur l'après-mine, sur l'eau... », souligne Ysaline Jean-Jacques, cheffe de projet du pôle prévention chez FNE.

« Nous voulons aussi qu'Imerys se positionne sur les usages qui seront faits du métal extrait, sinon on ne peut pas parler de « mine responsable ». Car derrière, il est question du modèle de mobilité et du type de véhicule qui seront équipés avec ces batteries électriques », poursuit Michel Jarry, président de FNE en Auvergne-Rhône-Alpes.

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Quatre réunions sont encore au programme, dont une dès jeudi prochain à Vichy autour des impacts sur l'eau. Après la clôture du débat public, début juillet, la Commission nationale du débat public (CNDP) aura deux mois pour rendre son compte-rendu, qui restituera l'ensemble des arguments, avis et positions des participants. Imerys n'a aucune obligation de reprendre les propositions, mais l'entreprise le sait. De ce débat public dépend l'acceptabilité de son projet.

Les chiffres clés du projet

2,1 millions de tonnes de granite extraites par an

700.000 véhicules électriques équipés chaque année grâce à la production de lithium de l'Allier

2028 entrée en production envisagée du site

25 ans durée minimum de la mine

Entre 500 et 600 emplois directs

Au moins 1.000 emplois indirects

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