C'est donc Montluçon, sous-préfecture de l'Allier avec ses 33.000 habitants, qui a remporté la mise. L'usine de conversion du lithium d'Imerys sera implantée sur une friche industrielle du site de La Loue sur la commune de Saint-Victor au nord de l'agglomération. Le groupe minier (4,3 milliards de chiffre d'affaires en 2022) l'a annoncé hier lors d'une conférence de presse en présence du maire de Montluçon, également président de Montluçon Communauté. « C'est une vraie satisfaction, une fierté », s'est enthousiasmé Frédéric Laporte, au secret depuis quelques semaines.
Le groupe de minéraux industriels prévoit l'exploitation, d'ici à cinq ans, d'un des plus grands gisements de lithium d'Europe sur la commune d'Echassières, à une quarantaine de kilomètres de la ville. Avec cette annonce, il officialise une nouvelle étape de son projet baptisé EMILI (Exploitation de MIca Lithinifère par Imerys), alors que le débat public doit s'ouvrir mi-mars pour quatre mois.
« Le site de La Loue s'établira sur une surface de 30 à 40 hectares. Cette usine permettra de produire 34.000 tonnes d'hydroxyde de lithium par an, ce qui correspond aux besoins de production de 700.000 véhicules électriques par an. C'est entre un tiers et la moitié des besoins français. Nous répondons à un enjeu de transition écologique et de souveraineté économique », précise Alan Parte, vice-président en charge des projets lithium chez Imerys.
Ce lithium subira un premier traitement directement sur le site de la mine. Cette usine, dite de « concentration », permettra notamment le broyage des roches. Le minerai sera ensuite transporté dans des canalisations enterrées vers une station de chargement, installée à cheval entre les communes de Naves et de Saint-Bonnet-de-Rochefort, puis chargé sur le rail pour rejoindre l'usine de conversion. « Nous évitons ainsi le trafic de 100 camions par jour », se félicite Alan Parte, dont le groupe Imerys compte une quarantaine de sites en France.
Les atouts de Montluçon
Et si l'agglomération de Montluçon a été choisie, c'est qu'elle « coche toutes les cases » indique le groupe. La Loue était en concurrence avec deux autres emplacements dans l'Allier, sur les communes de Commentry et Saint-Pourçain-sur-Sioule. Mais aussi un site dans l'Ain.
« Nous voulions un site d'exploitation à moins de 100 kilomètres de la mine et ancré dans le territoire. Et puis, nous avons un accès à l'autoroute et un embranchement ferroviaire avec la ligne Gannat-Montluçon. Il répondait aussi aux contraintes techniques liées à nos besoins en énergie. Montluçon nous offre surtout la possibilité d'utiliser les eaux usées », liste Guillaume Rameau, responsable industriel pour Imerys.
Ce dernier point est clairement l'un des atouts de la candidature de l'agglomération de Montluçon. Car pour fonctionner, l'usine de conversion aura besoin de 600.000 m3 d'eau chaque année. « L'idée c'est d'aller chercher les eaux grises, encore très peu utilisées en France. En clair, d'utiliser les eaux usées en aval de la station d'épuration de l'agglomération. Nous aurions besoin de 10% de l'eau de la station. Ce qui veut dire aucun prélèvement dans le milieu naturel. Nous savons que l'eau est un sujet très sensible, c'était donc une opportunité vertueuse », complète Alan Parte.
Pour son autre usine d'Echassières, l'eau sera prélevée, cette fois, dans la Sioule, la rivière voisine. Mais le groupe assure que sa consommation sera réduite car 90% de l'eau sera recyclée. Cette mesure doit, entre autres, permettre de « réduire les impacts négatifs » de ce projet qui se veut « responsable », même si cela va engendrer un « surcoût d'environ 20 % », tient à préciser Imerys.
500 emplois directs et 1.000 indirects
Quant aux retombées économiques de ces nouveaux projets, difficiles encore de les chiffrer. Une étude socio-économique est en cours de finalisation. Mais le groupe avance le chiffre de 1.000 emplois indirects créés. Lui prévoit d'embaucher 250 à 300 personnes sur la mine à Echassières, une vingtaine pour sa station de chargement et 200 à 250 à Montluçon. « Nous nous réjouissons de ces emplois, même si je sais que ce ne sera pas non plus du niveau de Toyota à Valenciennes mais je travaille pour créer d'autres zones industrielles », lance Frédéric Laporte, président de la communauté d'agglomération de Montluçon Communauté et maire de Montluçon.
« Le projet Imerys va me permettre de vendre notre territoire. C'est un changement total d'orientation pour la ville. Cela va changer l'image du bassin, capable de se tourner vers de l'industrie d'avenir. Montluçon souffrait d'une image passéiste et, mécaniquement, cela va relancer d'autres projets », veut croire l'élu.
Et Frédéric Laporte d'évoquer des fabricants de panneaux solaires ou des constructeurs ou équipementiers automobiles qui pourraient s'installer. « On enclenche un cercle vertueux », sourit l'élu qui a en tête qu'Imerys estime à au moins 25 ans la durée de vie de la mine et donc d'exploitation.
1 milliard d'euros d'investissement prévu
Même si l'usine ne devrait voir le jour que d'ici à quatre ans, Frédéric Laporte ne veut pas perdre de temps. Il a conscience qu'il faut former les futurs salariés dès maintenant pour « garder notre jeunesse sur notre territoire ». Des représentants du rectorat, de Pôle Emploi et de l'université étaient d'ailleurs présents à la réunion entre élus et direction d'Imerys hier. Le groupe recherchera des ingénieurs, mais aussi des équipes de maintenance, de logistique... Il prévoit d'investir 1 milliard d'euros au total sur l'ensemble du projet, même s'il reconnaît que cela peut encore bouger et que rien n'est « verrouillé ». La décision définitive d'investissement ne devrait pas être prise avant début 2027.
« C'est un projet complexe. Nous avons déjà investi 42 millions d'euros entre les différentes études, les campagnes d'exploration... Nous arrivons au débat public avec un projet de sites et leur périmètre géographique. Nous avons aussi des premiers éléments d'études environnementales mais nous attendons encore des résultats. Les questions posées lors du débat permettront d'affiner le projet, » insiste Alan Parte, en charge des projets lithium pour Imerys.
L'entreprise le sait. Elle est attendue au tournant. Des associations environnementales et d'habitants s'opposent à cette extraction du lithium. Les prochains mois s'annoncent animés dans le département.
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