Mine de lithium dans l’Allier : le débat public s’ouvre sur fond d’inquiétude et d’opposition

Le lithium est devenu un enjeu de souveraineté stratégique dans le cadre de la transition écologique, mais son extraction suscite de nombreuses questions. Dans l’Allier, le projet de mine porté par Imerys, va faire l’objet d’un débat public durant quatre mois. La première réunion aura lieu la semaine prochaine. Et alors que d’autres projets se dessinent en France, le déroulement de ce débat et ses conclusions seront scrutés de près.
Imerys prévoit d'extraire du lithium sur le site de Beauvoir sur la commune d'Echassières dans l'Allier.
Imerys prévoit d'extraire du lithium sur le site de Beauvoir sur la commune d'Echassières dans l'Allier. (Crédits : DR Imerys)

Les échanges s'annoncent déjà animés. Le débat public autour de l'un des plus gros projets européens de mine de lithium va s'ouvrir ce mardi avec une première réunion à Moulins, préfecture de l'Allier. La commission nationale du débat public (CNDP) a été saisie conjointement par Imerys, la société propriétaire de la carrière située à Echassières dans le sud du département, et RTE (Réseau de Transport d'Électricité) sur ce projet baptisé « Emili ».

Depuis plusieurs mois, associations environnementales et habitants s'inquiètent, voire s'opposent, à la création de ce site d'extraction de lithium et à son usine de conversion qui devrait, elle, s'implanter à côté de Montluçon. Ils comptent bien s'exprimer au cours de ce débat public qui doit durer quatre mois.

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Jusqu'au 7 juillet, une quinzaine de rencontres sont programmées sous forme de réunions, de forums ou d'ateliers. Le compte-rendu sera publié par la CNDP en septembre. Imerys aura alors trois mois pour apporter des réponses et, si besoin, modifier ou annuler son projet.

« Ce projet est débattu au bon moment, en amont des décisions. C'est un temps démocratique important où tout est ouvert et à débattre. Viendra ensuite, en aval, une phase d'évaluation environnementale exigée par le code minier », explique Mathias Bourrissoux, président de la commission particulière du débat public.

Les autorisations administratives n'ont, en effet, pas encore été déposées, et des études sont en cours. Mais déjà, les chiffres s'annoncent colossaux. Dès 2028, Imerys, multinationale française spécialisée dans les minéraux industriels, projette de produire chaque année 34.000 tonnes d'hydroxyde de lithium. Ce qui permettait de couvrir les besoins de fabrication de 700.000 véhicules électriques (batterie) par an pour au moins 25 ans.

Derrière ce projet, ce sont donc des enjeux de souveraineté industrielle et énergétique, française mais aussi européenne, et de transition écologique qui se dessinent. Aujourd'hui, ce minerai est quasi intégralement importé d'Australie, d'Amérique Latine et de Chine et l'Europe cherche à s'approvisionner en matières premières critiques sur le continent.

Un contexte qui devrait nourrir le débat public autour de ces questions : faut-il aller vers une filière industrielle française du lithium ? Ouvrir une mine au XXIème siècle, pourquoi et à quel prix ? Les discussions porteront évidemment aussi sur les enjeux locaux. Quels seraient les impacts de ces installations industrielles sur le territoire et quelles seraient les conséquences écologiques et sanitaires de cette mine ?

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Les associations environnementales, en alerte

Car ce projet d'ampleur suscite de nombreuses craintes et contestations. Le site de Beauvoir à Echassières, qui produit déjà du kaolin depuis la fin du XIXᵉ siècle, se situe à moins de 100 mètres d'une zone classée Natura 2000, à proximité de la la forêt des Colettes, une hêtraie d'une superficie de 2.000 hectares. Riverains et associations s'inquiètent notamment des conséquences pour la faune et la flore.

« Ce projet est titanesque, Imerys prévoit de sortir l'équivalent d'une piscine olympique de roches par jour, 365 jours par an », s'insurge Cécile (qui a souhaité garder l'anonymat), membre du bureau collégial de Préservons la forêt des Colettes, une association locale de 300 adhérents, farouchement opposée au projet de mine.

« Il s'agit d'artificialiser des zones pour construire des usines : il y aura inévitablement une pollution des sols, de l'eau, une densification du trafic. Et puis, l'industrie minière est l'industrie la polluante au monde. Le process pour extraire le lithium du granit nécessite beaucoup d'eau, mais aussi beaucoup de produits chimiques », ajoute la militante associative.

De son côté, France Nature Environnement (FNE) est moins virulente : « Nous ne sommes pas forcément contre cette mine, il faut analyser le contexte global. Nous ne pouvons pas non plus laisser produire du lithium en Chine ou au Chili dans des conditions d'extraction qui sont souvent désastreuses. Certes, cette mine à Echassières va engendrer des dégâts, aucune mine n'est propre. Mais il faut que cela soit dans les meilleures conditions possibles », exhorte Michel Jarry, président de FNE en Auvergne-Rhône-Alpes.

Cette fédération attend beaucoup de ce débat public et veut des réponses : « Comment les matériaux vont être sortis, manipulés ? Comment et avec quoi les trous engendrés vont être rebouchés ? Où l'eau sera-t-elle rejetée ? Ce n'est jamais neutre, il faut qu'Imerys nous rassure, notamment sur les techniques employées. Il faut être modeste et précautionneux », précise ce représentant qui a eu l'occasion de visiter le site il y a un peu plus d'un an.

« Rien n'est verrouillé »

Imerys défend, pour sa part, un projet « responsable ». L'entreprise prévoit de réaliser l'extraction et le concassage des roches sous terre, dans une mine souterraine, afin de réduire au maximum son impact environnemental et limiter le bruit et les poussières. Une nécessité pour favoriser l'acceptabilité sociétale du projet.

Le groupe précise aussi que 90% de l'eau utilisée sera recyclée, ce qui réduira sa consommation. Ces mesures engendreront un « surcoût d'environ 20 % » pour le projet, tient à préciser Imerys.

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Au total, le groupe prévoit d'investir 1 milliard d'euros dans cette mine. Mais le chemin est encore long, d'autant qu'il marche sur des œufs. Lors d'une conférence de presse fin janvier, le groupe précisait que le projet pouvait encore bouger et que rien n'était « verrouillé ».

« C'est un projet complexe. Nous avons déjà investi 42 millions d'euros entre les différentes études, les campagnes d'exploration... Nous arrivons au débat public avec des sites et des périmètres géographiques, mais les questions posées lors du débat permettront d'affiner le projet » avait alors déclaré Alan Parte, en charge des projets lithium pour Imerys.

Mais alors que cette mine a déjà reçu l'approbation et le soutien de la préfecture de l'Allier et même du gouvernement, les opposants craignent que tout soit déjà joué d'avance ou biaisé vu l'enjeu économique et national que le projet revêt.

« Nous participerons au débat en espérant que les conclusions ne soient pas déjà faites. Est-ce que la parole citoyenne sera réellement prise en compte ? Nous n'avons pas toujours été rassurés par le passé », relève Michel Jarry, de la FNE Auvergne-Rhône-Alpes.

Et alors que d'autres projets sont en cours ou étudié en Bretagne et en Alsace, ce tout premier débat public sur une mine en France métropolitaine sera scruté de près.

 « Le déroulement de ce débat public et ses conclusions vont être emblématiques de la suite. Pour nous, c'est un cas exemplaire », poursuit le militant associatif.

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« Nous souhaitons porter le débat beaucoup plus haut »

Michel Jarry (FNE) estime à ce titre que ce serait le bon moment de réinterroger nos modes de consommation et de déplacement : « Certes, il faut trouver des alternatives au pétrole et donc produire des véhicules électriques. Mais si extraire ce lithium sert à fabriquer d'énormes SUV, ça va contre l'objectif de sobriété. Il faut le mettre en exergue dans le débat public ».

« Nous souhaitons porter le débat beaucoup plus haut », abonde Cécile, de l'association Préservons la forêt des Colettes. « Dans quel modèle de société s'inscrit ce projet ? On dénonce plus globalement l'extractivisme que sous-tend la transition énergétique... les non-dits de cette transition qui va pousser à ouvrir des mines partout ».

« Tous les arguments seront entendus dans une parfaite égalité de traitement », souligne pour sa part l'équipe de la CNDP, une autorité administrative indépendante, chargée de l'encadrement des débats publics.

Mathias Bourrissoux, chargé d'organiser ce temps réglementaire, indique que « ces débats publics ont généralement un impact. Plus de la moitié des projets sont transformés après un débat public. Les caractéristiques peuvent évoluer, l'objectif peut évoluer ».

Pour autant, Cécile (association Préservons la forêt des Colettes), craint « une mascarade, même si le terme est un peu fort », car « Imerys est sur le point de déposer son dossier réglementaire, avant même la fin du débat public ».

La société n'a en effet pas d'obligation de suivre, à l'issue, les recommandations des garants. Un point d'étape est prévu à mi-parcours, le 23 mai prochain, à Clermont-Ferrand.

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Commentaires 9
à écrit le 09/03/2024 à 22:14
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Ils ne veulent pas de mine mais ils veulent des smartphones et des voitures électriques... Il va falloir faire le ménage dans tous ces messages écolo rétrogrades qui refusent le progrès au nom en réalité d'une défense d'intérêts personnels et non pas...

à écrit le 09/03/2024 à 0:05
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La solution est peut-être la voiture hybride alimentée par caténaire sur autoroute et donc la fin de la SNCF... Pour le lithium....

le 09/03/2024 à 0:17
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@Henry - ou l'induction électromagnétique...ou la teleportation😃.

à écrit le 08/03/2024 à 17:50
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c'est beau de rêver .... on va enfin arriver à détruire l'industrie automobile française ....la voiture électrique est viable uniquement pour les agglomérations et pour les courts déplacements .... nos illuminés d'énarques et fonctionnaires européens...

le 09/03/2024 à 1:41
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@emile: On remarque de suite une personne qui ne comprend rien dans les véhicules électriques ni dans l'industrie automobile en général. Dans notre foyer on a une quatrième véhicule électrique depuis presque 10. Les trois premiers avec une autonomie ...

à écrit le 08/03/2024 à 15:50
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Du pétrole, du gaz, du lithium...les français en veulent mais à la condition que ce soit les autres qui extraient, qui produisent et en supportent les inconvénients. D'accord pour la construction de prisons mais chez les autres.

à écrit le 08/03/2024 à 14:31
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Un exemple de plus de la France qui se tire une balle dans le pied, comme pour notre attitude non réfléchie sur les troupes au sol en Ukraine.

le 08/03/2024 à 16:01
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Ce sont les habituels décroissants qui vont tout faire pour faire capoter le projet en rameutant de France et d’Europe….. Heureusement qu’ils n’étaient pas là lorsque nous sommes passés de chasseurs cueilleurs à agriculteurs sédentaires ! Sinon tout ...

à écrit le 08/03/2024 à 13:48
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l avenir du véhicule électrique ,? ( un gros doute ) gros pessimisme chez les constructeurs ( Allemagne. , et aux Etats-Unis de surcroît un entretien plus coûteux. enfin. bref. à lire tous les quotidiens. déjà un fiasco se profilerait )

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