L'auvergnat GCK prêt à industrialiser le rétrofit des autocars, sous réserve que l’hydrogène décarboné accélère

Lancé depuis 2020 dans le rétrofit hydrogène de véhicules lourds, le clermontois GCK Mobility vient d’obtenir l'homologation de son kit de rétrofit hydrogène pour les autocars. Une première en France et une nouvelle étape pour la société qui devrait lui permettra de monter en puissance, à condition que les incertitudes qui pèsent sur la filière se dissipent.
(Crédits : DR)

Fer de lance de la politique énergétique de Laurent Wauquiez, l'hydrogène poursuit sa dynamique dans le territoire Auvergne Rhône-Alpes. Il y a quelques semaines, la Région annonçait passer un nouveau cap dans la structuration de la filière hydrogène régionale en visant la décarbonation des véhicules lourds. En guise d'exemple, elle a récemment clos une commande de 16 cars rétrofités, sur un objectif de 50, auprès de GCK.

L'entreprise clermontoise, lancée en 2020 par Eric Boudot et Guerlain Chicherit, s'est donnée pour mission de décarboner la mobilité grâce, notamment au rétrofit hydrogène/électrique. Une solution qui vise à transformer la motorisation thermique existante d'un véhicule par un moteur électrique alimenté par une batterie, elle-même alimentée par une pile à combustible fonctionnant à l'hydrogène. Une solution, qui permet d'offrir deux fois plus d'autonomie qu'une motorisation purement électrique selon la société.

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Fruit de trois années de R&D, le kit de rétrofit hydrogène développé par GCK pour les autocars Iveco Crossway vient d'obtenir son homologation, c'est-à-dire, une autorisation permettant à cette typologie de véhicules rétrofités de rouler sur les voies françaises.

Des millions d'euros de R&D

L'opération a nécessité du temps et de nombreux investissements, financiers mais aussi humains. « Nous sommes partis d'une page blanche sur cette activité. Nous avons investi plusieurs millions d'euros en R&D sur ces trois dernières années pour développer des prototypes dans une gamme complète de véhicules » , explique Éric Boudot, cofondateur et directeur général de GCK. Qui souligne également l'emploi de 80 personnes sur un effectif global de 270 salariés, dans la seule branche Mobilité.

En plus du développement purement technique du kit rétrofit, les équipes ont dû travailler en étroite collaboration avec « les autorités pour définir les étapes à passer pour homologuer un véhicule lourd à hydrogène. » Car aucune homologation de ce type n'avait été réalisée jusqu'ici.

« Devoir passer par cette étape démontre que transformer un véhicule reste un travail sérieux digne d'un constructeur automobile avec une vraie barrière à la professionnalisation du rétrofit. »

GCK ouvre ainsi la voie. Des concurrents, déjà bien engagés sur le segment, devrait bientôt présenter leurs modèles de démonstration ou demander des homologations, estime l'entrepreneur qui reste silencieux sur leur identité.

D'autres homologations à suivre

Pour obtenir cette autorisation, l'autocar rétrofité par GCK a dû passer une série de tests auprès de l'UTAC, un groupe privé chargé entre autres des de protocoles d'essais et d'homologation, qui a diligenté une série de tests sur 3 à 4 mois. Une dernière phase d'inspection a ensuite été opérée par le CNRV qui a analysé le dossier et inspecté le véhicule avant de donner l'autorisation définitive de circulation. « Au total, il s'est passé 24 mois entre le moment où on lance un projet de développement des prototypes et l'homologation. »

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GCK entend bien capitaliser sur cette première opération et poursuivre sur sa lancée.
« Nous avons des homologations en cours sur des autobus commandés par Keolis pour Clermont-Ferrand et des autocars plus longues distances. Nous enchaînerons ensuite avec les camions et les versions porteurs comme les bennes à ordure », poursuit Eric Boudot. GCK a remporté les deux appels à projets français lancés sur ce dernier segment par Dunkerque et Auxerre pour rétrofiter les véhicules de ramassage des ordures ménagères.

En parallèle, et depuis le début, la société travaille sur des kits de rétrofit pour d'autres catégories de transport : off-road (dameuses, machines agricoles, engins de chantier), nautique (yachts, bateaux de croisière) et bientôt l'aéronautique (avions). GCK travaille également sur un moteur à combustion hydrogène.

Une centaine de véhicules commandés

Cette homologation constitue un gage de qualité et de sérieux pour l'entreprise qui a déjà reçu des commandes pour une centaine d'autocars. « Certains clients nous ont fait confiance avant même l'obtention de cette homologation. Maintenant nous entrons dans une nouvelle ère d'industrialisation », confie fièrement le directeur général.

Une centaine de véhicules devrait être rétrofités en deux ans, avant une montée rapide en puissance pour modifier 200 à 300 véhicules par an. Ce qui va pousser GCK à recruter une cinquantaine de personnes dans les 12 mois, notamment des opérateurs et des techniciens de production qui rejoindront ses ateliers de Cournon (près de Clermont-Ferrand). Les piles à combustible seront fournies par Symbio.

Reste la question du prix. Les véhicules rétrofités de GCK coûtent aujourd'hui la moitié du prix d'un véhicule neuf à technologie identique.

« Comparés à des véhicules diesel neufs, les modèles rétrofités hydrogène sont 20% plus chers aujourd'hui. Mais la maturité technologique des composants devrait permettre d'atteindre un prix équivalent dans trois ans, estime l'entrepreneur »

Tout en sachant que le coût d'un rétrofit dépend également des aménagements réalisés à l'intérieur des véhicules, souvent rénovés car « on repart sur un véhicule qui aura quasiment la même durée de vie. »

Une internationalisation dès 2025

La société indique vouloir se concentrer sur le marché français pour stabiliser ses bases. Environ 10.000 autocars types (disposant des mêmes caractéristiques que celui pour lequel le kit a été homologué) circulent sur le territoire français. « Ce qui nous laisse la place pour en faire quelques centaines ou milliers. D'autant qu'ils subissent des rotations importantes » , espère Eric Boudot.

En réalité, le groupe a déjà commencé à tâter l'intérêt pour sa solution dans d'autres pays, en 2023. « Nous avons présenté des pick-ups avec des moteurs à combustion hydrogène au CES de Las Vegas et nous commençons à être sollicités », admet le cofondateur.

Quelques pistes seront explorées, en 2024, pour dépasser les frontières françaises mais la dynamique devrait vraiment s'enclencher à partir de 2025.

« Nous avons une petite force car, une fois que l'on est soumis aux homologations françaises, nous sommes soumis aux mêmes critères que les véhicules neufs et on peut basculer dans des homologations territoriales étrangères en réalisant seulement des petits tests complémentaires, notamment en Europe ».

L'incertitude autour de la filière hydrogène

La question délicate reste celle de l'approvisionnement en hydrogène vert, reconnaît Eric Boudot. « Les usages arrivent, mettez nous des stations et de l'énergie et nous pourrons accélérer » , lance l'entrepreneur. Qui se veut confiant : « Si on prend la carte des stations à hydrogène à venir dans les deux ans, nous avons un terrain de jeu assez conséquent, même si cela est assez zoné. »

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Les premiers clients de l'entreprise baignent déjà dans un écosystème hydrogène et disposent souvent de stations à proximité. Mais certains d'entre eux demandent, en effet, des études ou un « package » avec solution de ravitaillement de véhicules privatifs. Une tendance qui devrait s'accélérer quand la molécule verte sera disponible, estime Eric Boudot.

Certaines incertitudes pèsent tout de même sur la filière hydrogène. L'énergéticien Engie a lui même annoncé, un retard de 5 ans sur son objectif de production d'énergie à base « d'hydrogène décarboné ». Le coût des énergies renouvelables, trop élevés, se traduisant par une faiblesse des demandes.

Le fondateur de GCK croit en un retour de l'hydrogène. « Beaucoup de pays y croient, assure t-il. Et l'arrivée de la combustion directe de l'hydrogène dans les moteurs » pourrait jouer un rôle important dans son déploiement.

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