Semi-conducteurs : DiamFab, la spin-off du CNRS qui fait pousser des diamants synthétiques lève 8,7 millions d'euros

Intégrer du diamant synthétique dans les batteries des véhicules électriques pour améliorer leur puissance ou augmenter leur performance en réduisant leur taille. C’est l’idée que porte Gauthier Chicot, un des co-fondateurs de DiamFab. Après 5 années d’existence, la société grenobloise, spin-off de l’Institut Néel-CNRS, réalise une première levée de fonds. L'augmentation de capital doit lui permettre de passer un cap : celui de la pré-industrialisation, en poursuivant le développement de partenariats avec des sociétés comme Soitec, Schneider Electric ou encore STMicroelectronics.
Gauthier Chicot, CEO et cofondateur, Ivan Llaurado, CRO et directeur des partenariats et Khaled Driche, CTO et cofondateur
Gauthier Chicot, CEO et cofondateur, Ivan Llaurado, CRO et directeur des partenariats et Khaled Driche, CTO et cofondateur (Crédits : ©Photo Gilles GALOYER)

Augmenter la puissance de charge des batteries de téléphone, la capacité des panneaux photovoltaïques ou encore réduire la taille des batteries pour véhicules électriques... Voici autant d'usages que pourraient permettre les diamants de synthèse, développés par l'entreprise grenobloise DiamFab. Cette dernière vient de réaliser une première levée de fonds de 8,7 millions d'euros auprès d'Asterion Ventures, du fonds French Tech Seed géré pour le compte de l'Etat par Bpifrance dans le cadre de France 2030, Kreaxi avec le fonds Régional Avenir Industrie Auvergne-Rhône-Alpes, Better Angle, Hello Tomorrow, et Grenoble Alpes Métropole.

Objectif : accélérer son développement en passant le cap de la pré-industrialisation. Car si elle s'estime en avance sur ses concurrents, la société observe un intérêt croissant pour ce semi-conducteur aux multiples atouts.

Doper les caractéristiques du diamant

Spin-off du CNRS, DiamFab fait « pousser » des diamants de qualité électronique grâce à une méthode éprouvée par 30 ans de recherches au sein de l'Institut Néel (CNRS).

Comment ? Le diamant est un ensemble d'atomes de carbone, arrangés d'une façon particulière. Pour synthétiser le diamant, DiamFab utilise du méthane CH4, un gaz très abondant et bon marché. La méthode consiste à casser les molécules de méthane dans un plasma, qui correspond à un état particulier de la matière, dans des conditions de température et pression bien maîtrisées.

« On récupère le carbone de ces molécules de méthane qui vient se réarranger à la surface d'un germe de diamant ou substrat de diamant » , explique Gauthier Chicot, qui révèle même la botte secrète de la société : « On vient, en plus du méthane, rajouter d'autres gaz comme du bore, de l'azote ou du phosphore. La difficulté est de mélanger les gaz dans les bonnes conditions, pour que l'atome de bore vienne remplacer un atome de carbone. »

Un procédé qui permet de doper ses caractéristiques pour le rendre plus ou moins conducteur, en plus de sa grande résistance thermique. DiamFab fabrique ainsi des couches actives de 1.000 V par micromètre, ce qui est la limite du diamant. Des caractéristiques qui lui confèrent une place de choix dans le monde de l'électronique haute puissance.

« Le silicium est le matériau le plus utilisé pour fabriquer des semi-conducteurs, mais pour des applications exigeantes, type gestion de haute puissance électronique, il ne répond plus aux besoins. Le diamant est le semi-conducteur ultime pour gérer des hautes puissances de manière efficace, en gâchant le moins d'énergie possible », affirme Gauthier Chicot.

L'entrepreneur ne cache d'ailleurs pas son ambition : « Libérer le potentiel du diamant en tant que semi-conducteur. »

Du matériau aux composants

Au fil de ces cinq années d'existence, DiamFab a travaillé sur différents axes pour améliorer les capacités de ses diamants et développer ses usages. Le premier étant la création, non pas seulement du matériau, mais aussi de composants (diodes, transistors...), à base de diamants synthétiques.

« On vient synthétiser ce matériau et développer des composants à partir du diamant pour qu'il soit utilisable par l'industrie. Nous sommes une des seules entreprises à avoir cette double maîtrise : sur le matériau et la fabrication de composants, qui permettra l'usage de composants en diamant dans l'industrie des semi-conducteurs », fait valoir l'entrepreneur.

Rappelant, au passage que la qualité du composant dépend de celle du matériau, ce qui rend d'autant plus pertinent cette capacité à maîtriser ces deux pans.

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« A partir de ces composants, qui sont des véhicules tests, on peut montrer à nos partenaires ce que le diamant a dans le ventre », poursuit le PDG. Parmi ceux-ci, on trouve, par exemple, Schneider Electric, STMicroelectronics ou encore Soitec.

« On essaie d'aller directement vers le composant qu'ils veulent ou vers un véhicule test pour qu'ils puissent simuler ce que cela apportera dans un objet complet. L'enjeu est de passer de ces petits prototypes à la fourniture de composants qu'ils pourront intégrer dans leur process. »

En parallèle, DiamFab développe des procédures pour améliorer la qualité de ses matériaux. « Nous achetons des substrats de diamants isolants et nous faisons pousser les couches dopées dessus. Nous voulons pouvoir travailler sur des substrats qui ne sont pas forcément de bonne qualité en les "guérissant" un peu. » Et ce, afin de travailler le plus vite possible sur de grands substrats et atteindre les standards de taille requis dans l'industrie.

Sortir la technologie du laboratoire

Les quinze membres de la société ont également travaillé sur le déploiement de cette technologie sur de plus grandes surfaces de wafers (fine galette de matériaux semi-conducteurs) et des démonstrateurs pour intéresser les industriels.

« Nous commençons à travailler avec des industriels, c'est-à-dire, que nous adaptons notre technologie pour répondre à leurs besoins. On est arrivé à une étape charnière où on a besoin de changer de dimension en faisant sortir la technologie du laboratoire en montant une ligne pilote préindustrielle, qui va permettre de poursuivre cette phase de co-développement dans un espace représentatif de ce qui se fait dans l'industrie du semi-conducteur. »

Concrètement, DiamFab, encore incubée au sein du CNRS va bientôt prendre ses quartiers sur un nouveau site, toujours dans la région grenobloise. L'objectif étant de construire une salle blanche pour travailler sur la reproductivité de ses process à une échelle industrielle. Des réacteurs compatibles avec la création de wafers de 4 pouces seront installés pour faire pousser les diamants et pouvoir répondre, d'ici deux ans et demi, aux standards industriels. Et ce, pour un coût équivalent aux modèles actuels les plus performants.

DiamFab

« L'idée est de produire des petites séries que nos partenaires intègrent dans leur process pour qu'ils envisagent ensuite une utilisation à grande échelle », décrypte Gauthier Chicot.

Cette phase sera financée par la récente levée de fonds de 8,7 millions d'euros réalisée la startup grenobloise. Sa première, qui fait entrer à son capital Asterion Ventures, le fonds Région Avenir Industrie et Bpifrance. Cette augmentation de capital servira également à recruter une dizaine de profils d'ici à 2027. Un business developer, passé par Schneider Electric, a déjà été recruté pour renforcer les partenariats et co-développements.

Un marché élargi à différents secteurs et acteurs 

Avec ce diamant de synthèse dopé, DiamFab s'adresse à différentes typologies de clients. « En fonction des besoins, nous allons juste fournir le matériau comme pour Soitec, par exemple, ou aller jusqu'aux composants, comme avec STMicroelectronics. » L'idée essentielle étant, encore une fois, le co-développement de solutions, et non la création d'un seul et unique produit vendu ensuite.

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Aujourd'hui, la mobilité électrique tire le marché de l'électronique, en volume et en innovation.

Mais les éléments étant assez standards sur ce marché, ce qui est « développé dans l'automobile pourra être utilisé dans l'aéronautique, le ferroviaire, le contrôle moteur industriel. » Avec la maîtrise des propriétés électroniques que DiamFab possède sur le diamant, la société pourrait aussi intégrer son diamant dans les capteurs quantiques.

« Certains clients viennent avec des demandes un peu exotiques. On peut répondre à leurs besoins. Cela nous permet de nous diversifier et de générer déjà du revenu avec des applications un peu moins exigeantes que l'électronique de puissance, qui va encore nécessiter un temps de développement assez long. Et nous découvrons des marchés auxquels nous n'avions pas pensé, cela nous fait aussi une étude de terrain », confie Gauthier Chicot.

Avec STMicrolectronic, DiamFab travaille notamment sur des batteries bêta-voltaïques de faible puissance, mais dotées d'une très longue durée de vie.

« On utilise du diamant pour convertir l'énergie radioactive du tritium, qui est un déchet des centrales nucléaires. » Un projet qualifié d'exploratoire.

Un semi-conducteur de puissance à impact

Du fait des propriétés physiques du diamant, « nous pourrons utiliser 4 à 50 fois moins de surface pour fabriquer un composant équivalent avec notre matériau comparé au carbure de silicium, présent dans les Tesla Modèle 3 »Le processus de fabrication serait, lui aussi, moins énergivore avec des machines qui consomment peu d'énergie et du méthane qui pourrait même être bio-sourcé.

Au total, Gauthier Chicot assure que ses diamants de synthèses ont une « empreinte carbone 10 fois moins importante que les solutions actuelles les plus performantes. » A cela s'ajoute l'utilisation de ce matériau.

« Une fois le composant fabriqué, on va avoir des conversions d'énergie quasiment parfaites, avec une efficacité de 99% contre pour 90% le silicium et 95% pour le carbure de silicium. Cela fait gagner en autonomie sur une batterie électrique », renchérit l'entrepreneur.

Un enjeu de souveraineté

Pan de l'économie florissant, le secteur des semi-conducteurs fait l'objet de nombreuses convoitises, de batailles et d'immenses investissements. Comme celui annoncé par la Corée du Sud, il y a tout juste un an, à hauteur de 230 milliards d'euros, visant à construire le plus grand centre de fabrication de puces électroniques au monde. Les enjeux sont nombreux et celui de l'indépendance, en est un majeur. Ce qui n'est pas sans rappeler le projet de mine de lithium dans l'Allier. Et avec ces composants, DiamFab n'est pas épargné, ni par la concurrence, ni par le grand défi de l'approvisionnement.

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« Des matériaux comme le carbure de silicium font l'objet d'un monopole américain. Ces nouveaux matériaux que sont les diamants, qui sont vendus assez chers, peuvent être fabriqués en Europe. Il faut arriver à faire cette filière en Europe, il y a un gros enjeu de souveraineté », insiste l'entrepreneur, confiant, qui rêve déjà de voir Grenoble devenir une « Diamond Valley ».

Si DiamFab a également choisi de faire entrer des actionnaires à son capital, et pour un tel montant, c'est aussi pour garder son avance face à une concurrence qui se veut de plus en plus dynamique.

« Des initiatives se développaient dans des laboratoires au Japon et maintenant, on voit aussi des startups s'y intéresser. Mitsubishi et Toyota ont aussi indiqué s'y intéresser. Il y a également de grandes initiatives aux Etats-Unis, notamment avec l'armée américaine qui lance des projets. C'est en train de passer du côté industriel, ce qui est plutôt bon signe »présente Gauthier Chicot. A condition que DiamFab ne se repose pas sur ses lauriers, assume-t-il. Car il reste encore deux à trois ans de R&D avant d'envisager une véritable mise sur le marché des produits.

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Commentaires 2
à écrit le 28/03/2024 à 22:34
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ou l'art de maîtriser le carbone, après le graphite qu'on extrude pour faire du graphene, maintenant on fait sauter à sauter mouton les atomes du diamant. dans 4/5 ans on aura les accus (ultra condensateurs) de nos voitures. charge en 10mn. poids d...

à écrit le 28/03/2024 à 22:31
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ou l'art de maîtriser le carbone, après le graphite qu'on extrude pour faire du graphene, maintenant on fait sauter à sauter mouton les atomes du diamant. dans 4/5 ans on aura les accus (ultra condensateurs) de nos voitures. charge en 10mn. poids d...

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