A Grenoble, la librairie francophone Lireka poursuit le combat contre Amazon et ouvre son capital

Lireka, c’est un peu David contre Goliath. Une librairie en ligne grenobloise qui tente de défier Amazon sur le terrain de la vente de livres français à l’étranger. Son offre, incluant des frais de ports gratuits, a déjà convaincu 40.000 clients et conduit à l’envoi de 300.000 ouvrages dans le monde. Après deux ans d’activité, l’entité grenobloise souhaite accélérer la cadence. Ses trois fondateurs se sont lancés dans une augmentation de capital, auprès de professionnels et de particuliers, avec l'objectif de récolter un million d’euros.
Depuis son lancement fin 2021, Lireka a déjà expédié plus de 300.000 livres dans 183 pays à 40.000 clients différents. Elle compte désormais activer des relais marketing pour grimper un cran plus haut, tout en développant aussi un nouveau segment : la vente de livres francophones aux professionnels.
Depuis son lancement fin 2021, Lireka a déjà expédié plus de 300.000 livres dans 183 pays à 40.000 clients différents. Elle compte désormais activer des relais marketing pour grimper un cran plus haut, tout en développant aussi un nouveau segment : la vente de livres francophones aux professionnels. (Crédits : DR)

Un pied à Grenoble, l'autre dans 183 pays : c'est le modèle de Lireka, petite sœur numérique de la librairie bicentenaire Arthaud, située dans le centre de Grenoble. En 2020, Emmanuelle Henry, Marc Bordier et Robin Mallein rachètent l'institution fondée en 1801, avec l'idée de développer en parallèle la vente en ligne. Mais pas n'importe laquelle : celle de livres en français à destination des Français expatriés, des francophones ou de tous ceux qui souhaitent apprendre la langue de Molière.

Soit un potentiel d'acheteurs non négligeables si on cumule « 2,5 millions d'expatriés (dont environ 600.000 aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne), 250 millions de francophones et tous ceux qui souhaitent apprendre ou se perfectionner en français », estime grossièrement Marc Bordier.

La croissance des commandes via Lireka, va d'ailleurs obliger la société à séparer les stocks de la librairie Arthaud et ceux du site e-commerce, et à déménager ces derniers dans l'entrepôt actuel de préparation des livraisons. Mais également à embaucher, d'ici à la fin de l'année, 2 à 4 préparateurs de commandes supplémentaires. Si aujourd'hui, la moitié du chiffre d'affaires, confidentiel pendant la campagne de financement, est opérée par chacune des entités, la part du e-commerce devrait rapidement prendre le dessus.

Lire aussi Lireka : cette librairie digitale fondée par deux anciens d'Amazon, pour réunir "le meilleur des deux mondes"

Si les trois fondateurs sont confiants dans leur capacité à contrer la société de Jeff Bezos, c'est parce qu'Emmanuelle Henry et Marc Bordier ont tous deux travaillé chez le Gafam et dans le monde de l'édition. Des expériences qui ont assis leurs acquis en matière d'e-commerce, de gestion des taxes ou de négociation des prix.

Ils peuvent aussi se reposer sur le catalogue de la librairie Arthaud, à savoir un million d'ouvrages. Des atouts indispensables pour coller à leur promesse : proposer des livres en français dans 183 pays, livrés gratuitement, en 2 à 9 jours ouvrés suivant la destination. Exception faite pour la livraison en France (environ 12% des ventes), conditionnée à 3 euros de frais de port pour les envois inférieurs à 35 euros, depuis le vote de la loi Darcos en octobre dernier, et à 0,01 euro pour ceux d'un montant supérieur.

Se rapprocher du prix du livre en France

Au cours de leurs deux premières années d'exercice, les fondateurs ont essentiellement travaillé sur le développement de partenariats avec les leaders de la livraison : DHL, FedEx, Chronopost et LaPoste...

« Nous avons réussi à obtenir de bons tarifs de livraison, même si ce ne sont pas les meilleurs du marché. Et nous ne répercutons pas la totalité des coûts de transport à nos clients... » , détaille Marc Bordier.

A cela s'ajoute un panier moyen assez élevé, autour de 50 euros pour trois livres achetés. « On arrive à glisser plusieurs livres dans une seule commande, ce qui permet d'amortir les coûts et de réduire l'impact sur la planète. »

Mais la principale marge de manœuvre de Lireka provient surtout de la négociation du prix des ouvrages. « Nous avons accès aux catalogues des éditeurs de la libraire Arthaud, avec un bon taux de remise car nous sommes considérés comme une librairie de niveau 1 » , c'est-à-dire, une grande librairie.

Lire aussi Capitale européenne de la culture 2028 : le tissu économique auvergnat permettra-t-il à Clermont-Ferrand de l'emporter ?

Pour calculer le prix total du coût d'un livre, Lireka applique d'autres critères, en plus du nombre de livres : la géolocalisation du client et les frais de douanes et de TVA qui peuvent s'appliquer. « Il existe de nombreux pays où des frais de douane ou administratifs [les Incoterms®, ndlr] sont appliqués. Nous savons très bien les estimer et nous les prenons également en charge » , souligne Marc Bordier, qui précise la volonté de « proposer un prix le plus juste possible, en essayant de coller au même prix qu'en France ». Sans toutefois que cela ne soit toujours possible.

Financer le marketing

Depuis son lancement fin 2021, Lireka a déjà expédié plus de 300.000 livres dans 183 pays à 40.000 clients différents. Un bon début que les associés entendent bien renforcer :

« Nous sommes encore une jeune PME, nous avons besoin de notoriété. Nous allons donc investir en marketing et notamment dans de la publicité Google Ads, un partenariat avec Le Monde pour les lecteurs installés à l'étranger, ou encore avec Babelio dont un tiers du trafic vient également de l'étranger » , cite en exemple le cofondateur.

Autre gros chantier que cherche à développer Lireka : la vente aux professionnels. Si cette cible représente aujourd'hui moins de 10% du volume de livres distribués, son potentiel n'est pas négligeable. « Nous n'avons fait aucun effort pour développer ce segment jusqu'à aujourd'hui, mais nous recevons de plus en plus de demandes de bibliothèques, d'établissements d'enseignements du français à l'étranger, d'alliances françaises ou encore d'instituts de formations ou d'université, du monde entier », constate Marc Bordier.

Et malheureusement, le site n'a pas été conçu pour traiter ses demandes qui nécessitent de réaliser des devis, aujourd'hui réalisés manuellement sur Excel, et d'avoir un compte multi-utilisateurs pour opérer séparément les commandes et le paiement.

Lire aussi Livraison de colis : pourquoi DHL réinjecte 121 millions d'euros dans son hub de Lyon Saint-Exupéry

Cette double stratégie nécessitera évidemment des investissements. Lireka a donc décidé d'ouvrir son capital à des actionnaires, professionnels comme particuliers. Entamée en 2023, cette augmentation de capital est déjà complétée, à hauteur de 650.000 euros par trois réseaux d'investisseurs que sont Arts et métiers Business Angel, Investessor et Femmes Business Angels ainsi qu'un business angel individuel, Jean-Luc Robert (fondateur de Kyriba).

La société grenobloise souhaite compléter ce montant via une campagne de financement participatif, lancée sur la plateforme Tudigo. Chaque particulier peut donc choisir d'investir dans la société, sous forme d'action, pour un montant minimum de 1.000 euros. La campagne a déjà récolté pour 430.000 euros d'intentions d'investissement, sans avoir été mise en avant sur la plateforme.

Mais Marc Bordier tempère ce chiffre : « Il ne s'agit que d'intentions. En général, Tudigo estime qu'un tiers seulement se transforme en investissement réel », soit un peu plus de 140.000 euros pour le moment. L'objectif minimum visé est de 350.000 euros d'ici à fin mars.

Livrer des livres dans toutes les langues

La vision, à très long terme, de Lireka, serait d'exporter des livres dans toutes les langues et le monde entier, en préservant la gratuité des frais de port et un envoi rapide. Deux arguments essentiels aujourd'hui pour les acheteurs.

Avant d'en arriver là, la société vise déjà l'Europe avec la livraison de livres en anglais, en espagnol, en allemand et en italien, à partir de 2027. Une étape qui nécessitera sans doute un prochain tour de table, estime Marc Bordier, conscient de la logistique qui sera demandée pour passer ce nouveau cap.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.