Microprocesseurs : la deeptech Kalray se renforce sur le "edge computing" et vise la relocalisation

Elle travaille depuis 2008 à bâtir de nouvelles générations de processeurs intelligents pour les systèmes de « edge computing » pour la 5G, l’automobile, les usines 4.0 ou l’aéronautique. Armée d'un nouveau volet de France relance, la deeptech iséroise Kalray planche sur un nouveau modèle de puce qui se veut « unique au monde ». Avec un double objectif : contribuer à la relocalisation de la filière, et répondre à la demande dès 2023, sur un marché très tendu par la pénurie de composants.
La deeptech iséroise Kalray travaille déjà à une future génération de processeurs intelligents en s'appuyant sur France Relance et avec des visées de relocalisation. Une question devenue d'autant plus stratégique face à la pénurie de composants actuelle qui frappe ce marché.
La deeptech iséroise Kalray travaille déjà à une future génération de processeurs intelligents en s'appuyant sur France Relance et avec des visées de relocalisation. Une question devenue d'autant plus stratégique face à la pénurie de composants actuelle qui frappe ce marché. (Crédits : DR)

Comme le géant américain Nvidia, la pépite iséroise Kalray développe des cartes et processeurs graphiques issus du monde de la microélectronique. Et veut les rendre de plus en plus intelligents.

Après un essaimage en provenance du CEA Leti en 2008 -et un bureau de R&D basé à Sophia Antipolis-, la deeptech iséroise n'avait eu de cesse de bâtir les premières couches de sa technologie, pour déboucher sur une première génération de processeurs et cartes d'accélération, pouvant être utilisés dans différentes industries : automobile, data centers et 5G, aéronautique, usines 4.0...

Depuis sa création, elle avait même déjà réussi à lever près de 106 millions d'euros pour faire « maturer » sa technologie, dont une quarantaine de millions d'euros auprès de ses principaux investisseurs (Alliance Venture avec Renault-Nissan-Mitsubishi, Safran, NXP Semiconductors, CEA et Bpifrance) avant de choisir d'entrer en Bourse sur Euronext en 2018 pour accélérer et lever jusqu'à 60 millions d'euros à ce jour.

Désormais intégrée parmi les sept derniers lauréats de l'appel à projets Résilience de France relance, elle s'apprête à franchir une nouvelle étape avec son projet CARAIBE (pour «CARtes d'Accélération Intelligentes pour les Besoins Edge »), dont le budget s'élèverait à près de 10 millions d'euros (dont « quelques millions » proviendront des aides de l'Etat).

Avec un volet de relocalisation des activités industrielles à la clé, dans une filière désormais reconnue comme hautement stratégique pour la France.

Des actionnaires particulièrement convaincus, comme Safran

Pour comprendre en quoi ce projet s'avère si stratégique également pour la pépite, il faut faire un pas en arrière et connaître son marché :

« Nous visons le secteur en pleine explosion du edge computing, car nous sommes convaincus que l'intelligence embarquée sera au cœur de la révolution industrielle de ce marché au cours de 10 à 20 prochaines années », expose Eric Baissus, président du directoire de Kalray.

Alternative au cloud, le edge computing consiste à concevoir une architecture informatique qui mise sur une puissance de traitement décentralisée, où les données dont traitées de façon directe et au plus près de l'objet, par le périphérique qui les produit.

Chez Kalray, ce principe se décline à travers la 3e génération de processeurs, basés sur sa technologie brevetée MPPATM. "Cette technologie dite 'massivement parallèle', permet d'assembler sur une même puce plusieurs centaines de cœurs, et se retrouve donc en capacité de traiter de très grands flux de données pour en extraire les informations utiles", expose Eric Baissus, le président du directoire de Kalray.

Avec, dans le viseur, plusieurs types d'applications : voitures connectées voire autonomes, aéronautique, 5G, usines 4.0, IoT, etc... « Ces nouveaux objets du quotidien ont en commun le fait d'avoir besoin d'analyser des flots très importants de données, et d'en retirer l'essentiel, comme un piéton qui traverse, etc », rapporte Eric Baissus.

« L'un de nos actionnaires, qui est Safran, voit très bien l'usage que pourrait représenter pour lui ce type de technologies afin de mieux contrôler la consommation de kérosène au sein de ses moteurs par exemple », note-t-il.

C'est d'ailleurs la même chose avec des technologies issues des télécoms comme la 5G, qui nécessitent de pouvoir analyser une grande quantité de signaux radio, ou des usines 4.0 faisant face à des flux de données de plus en plus nombreux, en raison de l'automatisation de leurs chaînes de production.

Le projet CARAIBE, un nouvel horizon pour la France

Alors que la pépite a démarré récemment la mise en production de sa troisième génération de processeurs intelligents, Coolidge, qui promet notamment de multiplier ses performances par 25, le pari réalisé avec le projet CARAIBE est de travailler déjà sur le développement de la prochaine génération de processeur MPPA Coolidge (Coolidge2).

Avec l'objectif de "renforcer la position de Kalray sur les marchés actuels et d'adresser de nouveaux marchés tels que la 5G", en offrant des capacités fortement améliorées.

« Nous voulons proposer une architecture différente, qui suppose de pouvoir embarquer au sein d'une même puce plusieurs dizaines voire centaines de cœurs à faire tourner simultanément, afin d'analyser d'importants flux de données et de les interpréter. Il s'agit d'un changement complet de paradigme, que nous serions les seuls à réaliser à l'échelle mondiale », s'enthousiasme Eric Baissus.

Et pour cela, le plan France Relance de l'Etat, en lien avec le Programme Investissements d'Avenir (PIA) arrive à point nommé : « cela nous permettra de financer certains travaux de conception, mais également d'étudier la possibilité de pouvoir rapatrier une partie de la production en France ».

... et pour la relocalisation d'une filière au sens large

Car si le positionnement de la société est bien d'être « fabless », c'est-à-dire de concevoir les puces et de les revendre, après avoir confié l'étape de la fabrication à un sous-traitant, souvent basé en Asie (à Taïwan notamment), son idée est désormais d'étudier la possibilité de bâtir une chaîne de fabrication, toujours en sous-traitance. Mais cette fois auprès de fabricants nationaux, susceptibles de fabriquer sa prochaine génération de puces selon son cahier des charges.

« L'objectif n'est pas de rapatrier la production en interne, car ce type de projet nécessiterait des investissements colossaux (de l'ordre de plusieurs dizaines de milliards d'euros, ndlr), mais nous aimerions pouvoir contribuer à la souveraineté de la filière un autre niveau, afin que l'étape de la fabrication de nos cartes puisse être relocalisée ».

Kalray aurait d'ailleurs déjà identifié un certain nombre de partenaires nationaux, dont elle tait cependant encore le nom pour des raisons stratégiques. « Ces acteurs seront probablement moins performants sur le terrain du prix que les fournisseurs asiatiques, mais nous permettraient très certainement d'être plus réactifs », illustre Eric Baissus. De quoi faire pencher la balance.

Contribuer à résorber la pénurie

Car depuis quelques semaines, la pénurie rencontrée dans le domaine de la microélectronique et notamment de ses composants automobiles a redistribué les cartes, et participé à une prise de conscience collective qui semble rendre de nouveaux projets possibles.

D'ailleurs, la conception de cette nouvelle génération de puces est attendue dans les deux ans qui viennent.

La société a d'ailleurs déjà passé un accord avec l'un des plus grands fournisseurs de puces au niveau mondial, le néerlandais NXP (qui est également son actionnaires), avec lequel il a d'ailleurs mis sur pied une plateforme de développement commune, pour être en mesure de fournir de premiers composants (et notamment ses cartes d'accélération) aux constructeurs d'ici 2023-24.

« Notre objectif est de réaliser un chiffre d'affaires de 100 millions d'euros à compter de 2023. Cette nouvelle puce, dont les premiers échantillons sont appelés à sortir d'ici 2023-24, contribuera très significativement à cette cible, puisqu'elle sera amenée à remplacer, à terme, notre génération de produits actuels, en commençant par le domaine des data centers », annonce le président du directoire de Kalray.

Depuis 2008, la deeptech grenobloise n'a en effet pas encore atteint l'équilibre dans une industrie fortement capitalistique et communique uniquement, pour l'heure, sur ses objectifs. Mais avec le pari que le contexte actuellement porteur de la microélectronique contribue à sa cible.

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Commentaires 3
à écrit le 24/06/2021 à 5:25
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En vente prochainement, à un chinois, un américain, un indien ou un fond ...

à écrit le 23/06/2021 à 22:09
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la deeptech Kalray se renforce sur le "edge computing". Peut-on parler Français je suis a l'étranger et quand je vous lis je me demande ou je suis. On ne comprend rien a votre charabia. Ou alors parlez rien qu'anglais et que l'on abolisse le Français...

à écrit le 23/06/2021 à 17:05
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Deeptech ou deepfake?

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