Ski : pointée du doigt, la station de Chalmazel doit revoir sa stratégie quatre saisons

Comme toutes les stations de moyenne montagne confrontées au réchauffement climatique, celle de Chalmazel doit accélérer sa transition vers un tourisme quatre saisons. Son plan d’investissement à 10 millions d’euros, porté par le Département de la Loire et comprenant des équipements quatre saisons, mais aussi des développements liés au ski, vient d’être durement retoqué par la Chambre régionale des comptes. Le Département doit revoir sa copie et jongler autrement entre la fin du ski et le début d’une nouvelle ère.
66.000 journées skieurs ont été enregistrées sur la saison 2021/2022.
66.000 journées skieurs ont été enregistrées sur la saison 2021/2022. (Crédits : Département de la Loire)

Jusqu'à quand la station ligérienne de ski alpin de Chalmazel pourra-t-elle continuer d'accueillir des skieurs ? Créée dans les années 1930, dans les monts du Forez, elle propose douze kilomètres de ski de piste, un snow park et 119 kilomètres balisés de ski de fond. Si elle a enregistré environ 66.000 journées skieurs sur 96 jours d'ouverture lors de la saison hivernale 2021-2022, son domaine skiable, lui, s'étale entre 1.108 et 1.583 mètres d'altitude. Pas suffisant, dans un contexte de changement climatique, pour lui assurer de beaux jours pendant encore très longtemps.

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Le Département de la Loire, qui en assure la régie directe depuis 2003, en est bien conscient. Il travaille depuis plusieurs années sur un plan « quatre saisons », qui doit permettre à la station de Chalmazel de devenir progressivement moins dépendante de la neige. Présenté en décembre dernier, en assemblée départementale, il prévoit un investissement de 10 millions d'euros comprenant notamment la création d'une luge par rail (1,93 million d'euros d'investissement), la conception d'un parcours ludique multi-activités, l'aménagement d'un parc de descente multi-glisses et de pistes de luges tubbing synthétiques, ainsi que la création d'un sentier pédagogique de découverte du patrimoine et de la nature. Mais aussi, l'aménagement des pistes de ski, le renforcement des capacités de production de neige artificielle et le développement des hébergements touristiques.

Un plan que n'avait pas voté, en décembre 2022, l'opposition de gauche au conseil départemental dénonçant un non-sens écologique et économique et qui avait reçu un avis négatif de la part de la Mission Régionale d'Autorité Environnementale (MRAE). Cette dernière avait pointé son impact environnemental : « le choix d'augmenter la capacité de production de neige de culture dans un secteur de moyenne montagne nécessite d'être justifié, dans le contexte actuel d'augmentation des températures moyennes, de diminution de l'enneigement et de raréfaction de la ressource en eau ».

« Un modèle déjà dépassé »

La semaine dernière, c'est la Chambre Régionale des Comptes Auvergne-Rhône-Alpes qui a rajouté une couche aux mésaventures du Département quant à sa station de ski, unique station de ski alpin du territoire, dans le cadre d'un audit national sur les stratégies des acteurs de la montagne face au changement climatique.

« Cette stratégie quatre saisons ambitionne d'accroître l'attractivité de la station de Chalmazel par des investissements conséquents mais elle relève d'un modèle déjà dépassé », sermonne ainsi l'organisme de contrôle des finances publiques. « Elle s'appuie sur des études peu étayées ne prenant pas en compte les conséquences du réchauffement climatique ».

Plus précisément, elle pointe un maintien trop onéreux des équipements actuels destinés à la pratique du ski, des consommations d'eau et d'énergie en hausse. La Chambre met ainsi en avant la prévision des climatologues d'une diminution de 30 jours de neige dans les Alpes à 1.500 mètres d'altitude d'ici 20 à 30 ans.

Elle met également en garde le Département sur l'incertitude économique liée au développement d'hébergements touristiques, notamment sur l'intérêt de potentiels investisseurs privés, alors même que des friches immobilières locales n'ont pas trouvé preneurs depuis de nombreuses années. La Chambre s'interroge aussi sur la pertinence de la diversification quatre saisons en elle-même dans la mesure où la plupart des activités envisagées seraient en concurrence avec d'autres loisirs similaires proposés sur des territoires proches. Enfin, la Chambre pointe la dépendance économique de la station aux subventions publiques (1,1 million d'euros par an ces deux dernières années) sans lesquelles l'équipement ne pourrait survivre.

Une transition d'équilibriste

Des critiques qu'entend Jean-Yves Bonnefoy, vice-président du Département en charge notamment des infrastructures sportives, et dont le Département a d'ores et déjà pris acte. Il a ainsi été décidé de remodeler en profondeur ce plan d'investissement de 10 millions d'euros.

Pour construire sa nouvelle stratégie, la collectivité locale a commandé une étude « ClimSnow », cet outil d'aide à la décision développé par les chercheurs de l'INRAE et leurs partenaires, permettant d'avoir une vision fine des perspectives d'enneigement dans les années à venir, presque piste par piste.

« Nous espérons des conclusions pour janvier ou février prochain. Ce sera décisif car cela nous permettra d'avoir une vision claire jusqu'à 2050 », pointe Jean-Yves Bonnefoy. « Nous sommes parfaitement conscients qu'arrivera le jour où les mauvaises années, en termes d'enneigement, seront proportionnellement trop importantes par rapport aux bonnes années pour poursuivre raisonnablement les investissements de développement et de maintenance de notre domaine skiable. Toute la question est de savoir quand... ».

Car Jean-Yves Bonnefoy le répète, si la station de Chalmazel n'existait pas, il ne serait pas question d'envisager de construire un domaine skiable. Sauf que, insiste-t-il, cette station existe bel et bien, fait vivre une centaine de saisonniers chaque hiver et génère environ 1,4 million d'euros de retombées économiques pour le territoire. Sans compter, pointe l'élu, et cela semble d'ailleurs le plus important à ses yeux, l'aspect « social » de cette petite station aux forfaits accessibles à partir de 26 euros permettant aux Ligériens mais aussi aux Lyonnais de « venir skier en famille à moindre frais, sans devoir faire deux ou trois heures de route, en voiture qui plus est, pour se rendre dans les grandes stations des Alpes ».

« Il n'est pas question de fermer cette station, nous ne l'abandonnerons pas », affirme-t-il face à l'opposition s'interrogeant sur la pertinence pour les finances du Département de continuer à subventionner cet équipement.

« L'enjeu est de savoir combien de temps nous pourrons skier, en utilisant de manière raisonnée des canons à neige, pour calibrer au mieux nos investissements de développement et de maintenance. Nous devons continuer d'investir pour maintenir notre offre de ski tant que celle-ci est raisonnablement possible. C'est un numéro d'équilibriste. La transition vers un tourisme quatre saisons ne pourra se faire du jour au lendemain, il nous faudra plusieurs années pour que le tourisme hors ski génère autant de retombées mais ce sera possible un jour. Nous allons retravailler l'ensemble du projet ».

En attendant, l'ouverture de la saison 2023-2024 est fixée au 16 décembre, si la neige est au rendez-vous. Avec le froid, les canons à neige pourraient être déclenchés dans les prochains jours, « au moins sur l'espace débutants », dévoile Jean-Yves Bonnefoy.

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