Densification de l'habitat : "Il faut oser monter un peu plus haut" (Bruno Bernard, Métropole de Lyon)

ENTRETIEN. Après avoir dressé, devant plusieurs centaines d’acteurs de l’immobilier au Mipim de Cannes, les grands axes de son plan de mandat, le président EELV Bruno Bernard revient sur sa vision du « modèle à la lyonnaise ». Un modèle où les acteurs privés s’avèrent « indispensables », mais où l’élu écologiste appelle aussi à une nécessaire densification afin de créer « la ville sur la ville ». Il l’affirme : il ne faut pas avoir peur de construire « un peu plus haut », mais en associant cette politique à une réflexion plus large sur l’aménagement du territoire à l’échelle nationale. Une vision qui se heurte néanmoins à ses relations avec la Région Auvergne Rhône-Alpes, notamment en matière de mobilités.
La politique de Laurent Wauquiez se pose comme une limite au rééquilibrage du territoire. Or, il nous faut avancer en même temps sur le dossier du train si nous voulons accueillir de nouvelles et grandes entreprises en dehors du coeur de Lyon, a estimé ce jeudi Bruno Bernard à l'égard du chantier des mobilités, notamment ferroviaires.
"La politique de Laurent Wauquiez se pose comme une limite au rééquilibrage du territoire. Or, il nous faut avancer en même temps sur le dossier du train si nous voulons accueillir de nouvelles et grandes entreprises en dehors du coeur de Lyon", a estimé ce jeudi Bruno Bernard à l'égard du chantier des mobilités, notamment ferroviaires. (Crédits : DR/ML)

LA TRIBUNE - Vous aviez déjà participé l'an dernier à un Marché international des professionnels de l'immobilier (Mipim) en format réduit, et vous avez renouvelé l'expérience cette semaine pour la seconde fois. Ce salon reste un rendez-vous incontournable pour une métropole comme la vôtre ?

BRUNO BERNARD - Oui, l'édition de l'an dernier était un peu triste car il y avait peu de monde, mais il s'agit d'un rendez-vous important chaque année, à la fois pour rencontrer des professionnels, mais aussi donner de la visibilité sur ce que l'on fait.

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D'autant plus que nous sommes en train de donner une inflexion forte sur le territoire au modèle lyonnais, avec la notion même d'attractivité qui évolue. Si l'on veut rester attractifs, nous devons nous aussi être une métropole moins polluée, avec plus de mobilité, une meilleure qualité de vie. Il était important pour nous d'être là.

On a senti votre besoin de faire passer des messages de confiance, notamment, auprès des professionnels de cette filière, dont les promoteurs ?

C'est l'objectif, car cela faisait déjà 18 mois que nous étions dans une logique d'échanges, et il était important de pouvoir donner désormais cette vision globale. Il nous a peut-être fallu d'ailleurs un peu de temps à la conceptualiser. Mais nous sommes venus avec trois vice-présidents et il était pour nous important d'être là, et de planifier un certain nombre de rencontres durant ces 2 à 3 jours.

Nous avons par exemple dîné avec plusieurs promoteurs déjà présents à Lyon et nous sommes ouverts à ce que tous les acteurs puissent candidater sur le marché lyonnais, qu'ils soient français ou étrangers.

Au Mipim, l'objectif n'est d'ailleurs pas nécessairement de signer des contrats dès à présent même si près de 430.000 m2 de foncier à commercialiser arrivent aujourd'hui dans le "pipeline" du Grand Lyon, sur les années 2022-2023 ?

La commande publique repose en réalité plutôt sur des appels d'offres, qui prendront ensuite la forme de contrats. Le Mipim est donc avant tout un lieu d'échanges, afin de mesurer et comprendre les évolutions du marché, de confirmer ce qu'on avait vu l'an passé. On a par exemple constaté que tous les grands occupants d'immobilier tertiaire ont plutôt tendance aujourd'hui à vouloir réduire leur surface de bureaux.

On est aussi face à une nouvelle génération qui, de toute façon, n'a plus nécessairement envie de se déplacer en voiture ou de passer le permis, et qui ne pourra donc à terme aller travailler qu'à pied ou en vélo, ou en transports en commun. C'est donc l'ensemble de ces paramètres qu'il nous faut intégrer dans nos politiques, car nous devons toujours être en lien avec le marché également.

Il y a toujours la question de la « financiarisation de l'immobilier » qui revient, dont des maires comme votre voisin EELV Eric Piolle s'était d'ailleurs fait les porte-paroles, en portant déjà l'an dernier une mise en garde à ce sujet. Mais les collectivités comme la vôtre font, d'un autre côté, face à un contexte d'austérité budgétaire qui les conduit à avoir besoin du secteur privé pour avancer ?

La force du modèle lyonnais, c'est la capacité à faire travailler ensemble entre acteurs publics et privés. C'est un acquis que Gérard Collomb a beaucoup porté depuis vingt ans qu'il est important de conserver, même si naturellement, on ne se dirige pas tout à fait dans la même direction. C'est la raison pour laquelle on ne peut que travailler avec le privé, c'est indispensable.

Vous défendiez à Cannes aussi une forme de rééquilibrage, à la fois entre la périphérie et la ville-centre, mais aussi à l'égard de l'immobilier tertiaire et du logement...

Il existe beaucoup d'avantages à mener un rééquilibrage au sein de la Métropole de Lyon : d'abord en vertu du foncier, qui est limité, mais aussi en vue de redonner la priorité au logement et aux activités productives, plutôt qu'au tertiaire.

Le second équilibre, le plus important, est l'équilibre territorial car la métropole de Lyon ne peut pas grossir indéfiniment. Pour cela, il faut aussi que l'Etat reprenne sa vision d'aménagement du territoire qui a depuis trop longtemps été oubliée, et qui n'existe d'ailleurs pas dans cette campagne présidentielle.

On doit par exemple commencer par renforcer le sujet des mobilités entre certains territoires, et il faut qu'il y ait une volonté ainsi que des aides de l'Etat pour le faire. La Région doit aussi reprendre sa compétence à ce sujet : or, depuis 2015, ce n'est pas ce qu'a fait l'exécutif régional, puisqu'il n'y a pas eu de développement de nouvelles lignes de train.

La politique de Laurent Wauquiez se pose comme une limite au rééquilibrage du territoire. Or, il nous faut avancer en même temps sur le dossier du train si nous voulons accueillir de nouvelles et grandes entreprises en dehors du coeur de Lyon.

Il va falloir ainsi assumer de densifier là où il y a des transports en commun et investir dans des transports en commun, là où on densifie. Les deux questions sont totalement liées. D'ailleurs, on le voit dans le débat à l'échelle métropolitaine, où certains maires voudraient que l'on fasse des métros sur des territoires aujourd'hui pas très denses et qui, en plus, ne souhaitent pas densifier : cela n'a pas de cohérence.

Quelle est justement la limite à ne pas dépasser en matière de densification et notamment de hauteur, puisqu'il s'agit aussi d'un enjeu en matière d'acceptabilité qui peut freiner également les maires, qui délivrent en bout de ligne les permis de construire ?

Ce n'est pas une question facile, et c'est la raison pour laquelle je souhaite aider les maires bâtisseurs à travers des subventions (une enveloppe de 10 millions d'euros par an a été votée en janvier dernier à destination des communes afin que la Métropole de Lyon participe au financement d'équipements et de services publics, ndlr).

Car le rôle du politique, c'est d'avoir une vision d'aménagement. Il faut donc densifier là où l'on mène en parallèle des actions de transports en commun, avec des solutions de qualité, tout en laissant des poches de végétalisation.

Tout l'enjeu est désormais bâtir la ville sur la ville et d'oser monter un peu plus haut, tout en respectant ce que nous dicte le PLU. Ensuite, tout dépend des secteurs, les équilibres se travaillent.

Face à vous au Mipim, on voit beaucoup d'autres métropoles françaises et étrangères qui tentent d'attirer aménageurs, promoteurs et investisseurs. La compétition est désormais plus forte et repose sur un marketing territorial encore plus nécessaire aujourd'hui ?

Je ne suis pas dans une forme de compétition avec les grandes villes, l'enjeu n'est pas là. Pour nous, l'heure est à la coopération, nous sommes déjà suffisamment attractifs naturellement. Ce n'est donc pas la peine d'aller faire concurrence avec Nantes ou je ne sais qui. Ce sont des visions du siècle dernier qu'on a tenu trop longtemps.

Quel est l'intérêt de subventionner les entreprises pour qu'elles s'installent à un endroit plus qu'un autre ? Tout l'enjeu est plutôt de porter une vision d'aménagement du territoire à l'échelle nationale et de voir comment on peut trouver des équilibres.

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