100 millions d'euros. L'investissement pourrait être très important pour la petite communauté d'agglomération Roannais Agglo, dans le Nord de la Loire (100.000 habitants) et ses futurs partenaires (publics et privés). Mais le potentiel l'est plus encore. Roannais Agglomération s'est engagée depuis plusieurs mois dans l'exploration d'un possible forage de géothermie profonde sur son territoire.
De la chaleur, de l'électricité et du lithium
« Nous savons que nous avons une tectonique favorisant la création de failles avec eau chaude sur une zone qui s'étend de Sail-les-Bains à Alban-les-Eaux, zone sur laquelle nous avons plusieurs sources naturelles par ailleurs », détaille Yves Nicolin, le président de Roannais Agglomération et maire LR de Roanne. « Sur cette zone, à 2.000 ou 3.000 mètres de profondeur, nous pensons pouvoir accéder à une eau présentant une température de plus de 150 degrés. Notre objectif est d'aller chercher de l'eau pour nos réseaux de chaleur d'une part mais aussi de l'eau chaude sous pression pour fabriquer de l'électricité ».
Cette dernière voie s'annonçant particulièrement complexe car si la France métropolitaine comptait, fin 2022, 78 installations de géothermie profonde (58 en Ile-de-France, 15 en Nouvelle-Aquitaine, une en Centre-Val de Loire, trois en Occitanie et une dans le Bas-Rhin). Seule l'installation alsacienne exploitait son forage pour produire de l'électricité. L'ambition de Roannais Agglo : une production de 40 GWh/an d'électricité et de 40 GWh/an de chaleur.
La collectivité espère par ailleurs pouvoir exploiter du lithium présent dans ces nappes d'eau très profondes.
« Nous espérons avoir une concentration suffisante pour le vendre à des fabricants de batterie. Nous tablons sur 280 mg de lithium par litre d'eau. Sachant que la batterie d'une Zoé par exemple a besoin d'environ 8 kilos de lithium. C'est un enjeu de souveraineté française et de décarbonation ».
Plan national
L'investissement total, - 100 millions d'euros à partager entre l'électricité/réseau de chaleur et le lithium-, pourrait être rentabilisé sur 10 ans. Potentiellement moins, en fonction des aides de l'Etat. Car ce dernier a annoncé, en février dernier, un plan d'action national pour accélérer la géothermie en France, en structurant la filière, en simplifiant la réglementation et en accompagnant notamment financièrement les porteurs de projet.
Actuellement, les solutions géothermiques (de surface et profondes) ne représentent que 1% de la consommation finale de chaleur (soit environ 6 TWh de chaleur renouvelable géothermique) et 5% de l'énergie entrante des réseaux de chaleur (environ 2 TWh) en France métropolitaine. Selon le gouvernement, ces solutions géothermiques doivent apporter leur pierre à l'édifice de la décarbonation de l'énergie française, aux côtés de la massification du solaire par exemple ou du déploiement de l'hydrogène vert. La loi relative à la croissance verte votée en 2015 table sur un objectif à 38% en 2030 de la part d'énergies renouvelables dans la consommation finale de chaleur. En 2021, selon le ministère de la transition énergétique, cette part plafonnait encore à 24%. La programmation pluriannuelle de l'énergie fixe un objectif de 5,2 TWh de consommation finale de chaleur issue de géothermie profonde en 2028, puis entre 8,5 et 15 TWH en 2035. La production est actuellement seulement de 2,6 TWh.
Le premier forage potentiel en 2028
Dans ce contexte de géothermie profonde encore peu développée en France, suscitant parfois des oppositions locales en raison de potentiels risques sismiques en cas de mauvaise maitrise du procédé (comme ce fut le cas en 2020 à deux reprises dans le Bas-Rhin par exemple), Roannais Agglomération compte avancer doucement ses pions. Pour s'assurer d'une part de la faisabilité technique et économique du projet et d'autre part, de l'acceptabilité locale.
Des premières études ont été menées. « Nous sommes désormais certains qu'il y a un potentiel. Nous allons avancer pas à pas », signale son président.
Une première enveloppe d'un million d'euros a été votée au début de l'été par Roannais Agglomération pour financer notamment une étude d'un cabinet spécialisé : le marché de 800.000 euros environ sera contracté à la fin du mois de septembre. Si elle est concluante, cette première phase conduira à une demande de PER, une demande de Permis Exploratoire de Recherche. S'ensuivront ensuite les évaluations économiques puis une demande d'autorisation d'ouverture de travaux miniers qui sera instruite par les services de l'État. Avec un premier forage envisagé en 2028/2029. « Il s'agit de ne surtout pas se tromper pour le forage. Un forage de ce type, c'est 3 à 5 millions d'euros, on ne peut évidemment pas se permettre de forer à côté... ».
Si Roannais Agglomération porte pour le moment seule ce projet, elle devrait rapidement s'appuyer sur des partenaires.
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