Produire suffisamment d'énergie renouvelable sur son territoire pour couvrir 50% de ses besoins à horizon 2050. C'est le cap fixé par le maire LR de Roanne, Yves Nicolin, également président de la communauté d'agglomération. Au total, plus de 100 millions d'euros seront investis par la collectivité, « sans que cela ne vienne accroître l'endettement de la commune puisque tout sera rentable », promet l'édile.
Au programme de ce territoire de 40 communes pesant 100.000 habitants répartis sur une surface de 690 km² : du photovoltaïque, de la méthanisation mais aussi, et pour une bonne partie du chemin à parcourir, des éoliennes.
Dix éoliennes sur la feuille de route
Dix éoliennes sont ainsi actuellement inscrites sur la feuille de route de Roannais Agglomération. Dont six sur la commune des Noés. Les travaux ont démarré en septembre dernier avec la création des pistes et plateformes et la pose des réseaux électriques. Les éoliennes devraient être livrées et montées au cours du deuxième semestre 2023. Pour une puissance totale de 17 mégawatts, soit une production de 42 GWh par an, ce qui correspond à la consommation énergétique moyenne annuelle de 20.000 habitants (un cinquième donc de la population de Roannais Agglomération).
Sur cette périlleuse voie des éoliennes, Roannais Agglomération semble avoir réussi un petit exploit : avoir mené son projet jusqu'à la phase de début de chantier, sans qu'aucun recours n'ait été déposé contre l'autorisation préfectorale délivrée en janvier 2021. Une absence de recours - revendiquée fièrement par Yves Nicolin et confirmée par la Préfecture de la Loire-, qui apparaît presque comme une exception dans le paysage français des projets d'éoliennes.
Interrogé sur le sujet des recours il y a quelques semaines par nos confrères de BFM TV, Fabrice Cassin, avocat en droit de l'environnement et membre du Conseil d'administration de France Energie Eolienne, évoquait ainsi « un taux de recours de 75%, dont 90% étaient validés après deux à quatre ans de délais par les cours administratives d'appel ».
Selon l'Observatoire 2022 de l'éolien, produit par France Energie Éolienne et Capgemini Event, la France comptait au 30 juin dernier 9.000 éoliennes pour une puissance de 20.000 megawatts et 25.500 emplois directs (dont 2.420 en Auvergne Rhône-Alpes).
Concertation et financement public
Pour Yves Nicolin, le succès de l'initiative roannaise tient dans la manière dont le projet a été concerté pendant plusieurs années et dont il est financé.
« J'ai toujours été convaincu de la nécessité d'un mix énergétique. L'éolien a toute sa place mais pas n'importe comment. Il faut que les parcs soient encadrés et mesurés ».
Hors de question donc pour lui d'avoir des champs d'éoliennes sur son territoire, même si, sourit-il, « ce n'est pas forcément plus moche que des pylônes haute-tension au milieu des campagnes ». Pour l'élu LR, pour une meilleure acceptation des éoliennes, il est indispensable que les riverains en comprennent le sens et en mesurent les bénéfices.
« Nous avons mené plusieurs années de concertation, de nombreuses réunions publiques depuis le lancement du projet en 2016. Et puis, nous avons d'ores et déjà prévu le démantèlement des éoliennes. Nous sommes allés plus loin que la loi puisque nous avons déjà organisé le démantèlement non seulement des éoliennes mais aussi de leurs socles. Dans 30 ans, la nature pourra reprendre ses droits ».
Autre clé du succès selon lui, le mode de financement. L'investissement est porté par une société d'économie mixte, la SEM « Roannaise des Energie Renouvelables » composée à 80% par Roannais Agglomération (30 millions d'euros d'investissement) et 20% par le fonds d'investissement régional OSER ENR Rhône-Alpes, société de financement régional lancé en 2014 et porté essentiellement par la Région et la Caisse des Dépôts.
« Ce portage public est unique. Ailleurs le développement éolien est majoritairement porté par des opérateurs privés. Nous serons propriétaires des éoliennes, cela signifie que nous, et donc les habitants, bénéficieront des retombées économiques et fiscales ».
Roannais Agglomération partagera le gâteau à 50/50 avec les communes impactées par les éoliennes. Un choix global de partage de la valeur et de portage public que soutient Marie-Hélène Riamon, conseillère communautaire d'opposition (PS) et ex-vice-présidente de l'agglomération (entre les deux mandats Nicolin) en charge notamment du sujet de l'énergie.
Experte du sujet de l'énergie, l'élue avait également été présidente de la commission Energie Climat de la Région Auvergne Rhône-Alpes.
« Nous sommes exactement sur la même ligne avec Yves Nicolin sur ce sujet depuis de nombreuses années. Les projets ont été transmis les uns aux autres sans heurts et sans changement de direction notable. La maitrise d'ouvrage publique est un point majeur qui a permis de lever les doutes et les craintes des riverains. Il permet de s'assurer que les efforts consentis profitent bien au territoire et non à des groupes privés. »
Une menace : la hausse des coûts de production
Si le projet des Noés est donc sur les bons rails pour une mise en fonctionnement l'année prochaine, le second projet éolien porté par Roannais Agglomération, pour trois machines implantées sur la commune d'Urbise cette fois, est en revanche mis en stand-by (15 millions d'euros d'investissement).
La hausse des coûts de production impacte en effet fortement le taux de rentabilité de cette installation au potentiel moindre que celui des Noés. Cette décision, récente, est remise en cause par Marie-Hélène Riamon :
« Le patriotisme énergétique habituel d'Yves Nicolin n'est pas au rendez-vous. Evidemment qu'il faut que les coûts soient supportables, mais il est des sujets dont la rentabilité immédiate n'est pas nécessaire au vu des enjeux. C'est le cas de l'énergie renouvelable. Cette mise en sommeil signifie la mort de ce projet, il me semble compliqué de le réveiller. Ce sont dix ans de travail et de concertation qui tombent à l'eau. Sans oublier que nous aurons besoin de plus d'énergie. Or, le coût de construction pour de l'énergie renouvelable est sans aucune mesure avec le nucléaire. »
Mais si Yves Nicolin promeut l'éolien, il ne soutient pas en revanche le projet privé envisagé sur une des communes de son agglomération, à Saint-Bonnet-les Quarts.
Avec le soutien de la municipalité en place, la société BayWa.r.e étudie en effet actuellement différentes options. Un mât de mesure a été installé il y a quelques semaines, mais déjà des oppositions se sont fait entendre.
Méthanisation, photovoltaïque et géothermie profonde
Dans sa course à l'énergie renouvelable, l'agglomération va investir également dans d'autres vecteurs de production. Notamment dans un méthaniseur (4 millions d'euros d'investissement) qui fournira, fin 2023, assez de gaz pour alimenter l'équivalent de 3.700 habitants grâce au traitement de quelque 58.000 tonnes de boues et graisses issues du traitement des eaux usées et 15.000 tonnes de biodéchets issues de l'industrie agroalimentaire.
En parallèle, la production photovoltaïque va être massifiée. Aux 6 GWh/an produits par la centrale solaire au sol de 7 hectares installée depuis janvier 2021 et portée en direct par l'agglomération, 7GWh devraient s'ajouter grâce à l'équipement de bâtiments publics et privés (investissement de 10 millions d'euros). « Nous serons là-encore propriétaires et louerons les espaces. Les retombées économiques bénéficieront au territoire directement », promet Yves Nicolin, abordant par ailleurs du bout des lèvres un autre projet énergétique de sa collectivité, plus incertain, celui de la géothermie profonde.
« Nous avons identifié une zone à haut potentiel près de Saint-Alban les eaux. Nous allons déposer une demande de permis de recherche exploratoire en 2023. Si c'est concluant, les premiers forages tests pourraient avoir lieu en 2028/2029. Cette voie est plus complexe, la France compte seulement deux exploitations de géothermie profonde avec production d'électricité ».
A la clé, un investissement estimé au minimum à 50 millions d'euros avec un retour sur investissement à 10 ans et une production représentant 40GWh/an d'électricité et 40 GWh/an de chaleur. En attendant cette échéance, Roannais Agglomération devrait produire en 2023 400GWh/an d'énergie renouvelable, soit l'équivalent de 17% de l'énergie consommée.
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