Mesure d'impact : derrière son outil conçu avec la startup Gen'éthic, ce que veut impulser le Grand Lyon

La métropole écologiste ne s’en est pas cachée : elle souhaite aller beaucoup plus loin sur les questions d’achats responsables, à travers la mise sur pied d’un nouveau schéma directeur à l’échelle du Grand Lyon. Mais ce n’est pas son seul instrument, car elle vient de présenter un nouvel outil, co-créé cette fois auprès d’une startup lyonnaise, Gen'éthic. Ambition : proposer une plateforme gratuite, qui se veut comme une première à l’échelle nationale, conçue avec une poignée d'entreprises locales, afin que celles-ci puissent mesurer ainsi leurs impacts environnementaux et sociaux.
Déjà engagé dans la conception d'un schéma d'achats responsables, la Métropole lyonnaise précise que ce nouvel outil de mesure des impacts sociaux et environnementaux n'est pour l'instant pas en lien direct avec la concertation actuelle, même si elle reconnaît que certains critères pourraient se recouper.
Déjà engagé dans la conception d'un schéma d'achats responsables, la Métropole lyonnaise précise que ce nouvel outil de mesure des impacts sociaux et environnementaux n'est pour l'instant pas en lien direct avec la concertation actuelle, même si elle reconnaît que certains critères pourraient se recouper. (Crédits : iStock)

La démarche se veut pour l'heure « volontaire », et incitative. Sans se fixer d'objectif chiffré, le Grand Lyon a profité du salon Pollutech, début octobre, pour présenter son nouvel outil de mesure d'impact, destiné à l'ensemble des entreprises de son territoire, quel que soit leur statut.

Objectif : leur donner les clés d'une plateforme gratuite, qu'elles puissent s'auto-évaluer sur différents aspects : « inclusion et justice sociale », « soutenabilité économique », « viabilité environnementale », « santé et bien-être au travail », « gouvernance et coopérations », et « activité à impact positif »...

À l'issue du questionnaire (qui comprend 80 à 100 questions), les entreprises recevront un score global sur 100, ainsi que des axes d'améliorations et recommandations. « Ces résultats demeurent confidentiels et uniquement connus de l'entreprise », s'engage la Métropole de Lyon, qui souhaite néanmoins en faire un levier incitatif pour les acteurs économiques de son territoire. Avec l'ambition de les inciter à engager une démarche d'amélioration continue.

« Les entreprises, comme les citoyens, sont engagées dans la transformation de leur modèle. L'étape du diagnostic est cruciale : quels sont les impacts sociaux et environnementaux positifs à promouvoir et négatifs à réduire ? », estime le président EELV Bruno Bernard pour justifier son engagement sur ce sujet.

Déjà lancé dans la conception d'un schéma d'achats responsables à l'échelle de son mandat (qui représente une enveloppe de 600 millions d'euros d'achats effectués chaque année par la collectivité), la Métropole lyonnaise précise que ce nouvel outil n'est pas en lien direct avec la concertation actuelle, mais reconnaît qu'il conduira nécessairement à l'influencer.

« Il est certain que certains critères pourraient se recouper au sein des deux outils. Pour autant, la note d'une entreprise demeurera sa propre note et ne conduira pas une entreprise à être avantagée ou désavantagée », assure le président EELV.

De son côté, la startup Gen'éthic, chargée du développement de cet outil de mesure d'impact, assure qu'elle sera garante de la confidentialité ainsi que de la protection des données fournies par les entreprises lors de cette évaluation, « qui ne seront pas communiquées à la Métropole de Lyon, ni exploitées sous aucune autre forme que celle de l'évaluation pour laquelle elles sont demandées ».

Une création locale, au chevet de l'impact territorial

Imaginé en mars 2021, cette plateforme de mesure d'impact RSE se veut « unique en France », notamment en raison de son approche « plurielle » mais aussi « gratuite », puisque sa création est prise en charge par le Grand Lyon, à hauteur de 40.000 euros. Un outil qui a été conçu aux côtés d'une startup du territoire, Gen'éthic (5 collaborateurs) qui développait déjà, depuis 2018, son propre outil d'évaluation.

« Nous avons travaillé durant six mois aux côtés de la Métropole afin de l'aider à construire un référentiel d'évaluation inspiré de notre expérience, puisque nous avions déjà évalué près de 2.000 entreprises françaises, de toutes tailles et de tous secteurs d'activité, au cours des deux dernières années », avance son fondateur, Léo Astorino.

Au cours de ses travaux, la startup a par exemple été conduite à moduler son propre critère d'impact pour y associer un marqueur « plus local et territorial » en lien avec le périmètre du Grand Lyon.

Gen'éthics s'est également appuyée sur une communauté d'une « vingtaine d'entreprises du territoire, qui ont été associées aux phases de co-conception et de test ». Avec parmi elles, de grands noms comme les laboratoires Boiron, Suez, Veolia, Orange, Keolis, Egis, EDF, Ecotone, Apicil ou encore le brasseur Ninkasi.

« L'objectif est également de permettre à des entreprises, quelle que soit leur taille, de les aider à recueillir et maturer des informations, qui leur seront ensuite utiles pour porter des projets d'amélioration, voire pour candidater à certains appels d'offres qui leur demanderaient de détailler leurs engagements en matière sociale ou environnementale », précise Léo Astorino.

Mesure d'impact Grand Lyon

Des entreprises locales qui ont déjà embarqué

Pour Christophe Fargier, le fondateur de la brasserie lyonnaise Ninkasi, s'évaluer à travers la première version de l'outil proposé par Gen'éthics l'an dernier lui avait déjà permis de « se mettre en action ». Et il compte bien renouveler l'expérience cette année avec la nouvelle mouture mise sur pied avec la Métropole.

« Le panel de 140 indicateurs auquel nous avions répondu nous a déjà permis de nous rendre compte des domaines où l'on était moins bons, ou de ceux sur lesquels il était facile d'apporter encore de meilleures solutions. Cela nous place sur un chemin de transparence totale, avec une démarche bien plus complète qu'une simple labellisation comme B- Corp (une certification octroyée par l'ONG indépendante B-Lab, ndlr) par exemple », explique Christophe Fargier.

Et il n'est pas le seul à en avoir ressenti la nécessité sur la scène lyonnaise : de son côté, le groupe Apicil a par exemple estimé que, compte-tenu de son modèle de gouvernance et de son caractère non-lucratif, « la responsabilité sociétale fait désormais partie intégrante de la stratégie, au même titre que la dimension économique ».

Son directeur de la stratégie, Damien Dumas, témoigne lui-même : « Mesurer nos impacts est donc essentiel pour piloter notre stratégie et apporter notre contribution au développement du territoire ». Résultat ? « Au cours de la co-construction de cet outil, nous avons cherché à savoir quels sont les indicateurs qu'une entreprise est en mesure de produire, et ceux qu'elle peut notamment décliner sur son territoire ».

Car c'était là l'un des enjeux pour un grand groupe comme Apicil : s'il était déjà habitué à réaliser des reporting extra-financiers, aucun d'entre eux ne comprenait des données aussi fines à la maille territoriale. « Il s'agit donc d'un vrai plus que nous a apporté cette démarche, qui va nous permettre de voir désormais quels sont les indicateurs pertinents à évaluer à l'échelle locale, afin de nous mesurer, puis de les suivre », indique Damien Dumas.

Une tendance face à la « jungle » des labels RSE

De là à aller jusqu'à conditionner certaines aides ou contrats, aux résultats de ce questionnaire ? Certains comme Christophe Fargier, y sont d'ores et déjà ouvertement favorables :

« Il s'agit d'une question de cohérence globale, afin que la Métropole elle-même puisse améliorer ses achats en tant que collectivité publique, et accompagner les projets vertueux. Nous avons nous-même déjà répondu à des appels d'offres et il nous semble désormais normal que le prix ne soit plus l'unique critère de choix », estime le dirigeant du Ninkasi.

Pour autant, l'entrepreneur remarque que cette posture est loin de faire encore l'unanimité : « Un large changement de culture demeure encore à opérer, sur le terrain de la transparence. Car à l'heure actuelle, les entreprises ont encore tendance à préférer jouer la carte de "labels-tampons", même si des démarches plus globales comme celle-ci sont certainement la meilleure manière d'adresser ce sujet et de prendre en compte l'ensemble des impacts d'une entreprise, en allant jusqu'à ses parties-prenantes ».

Pour le groupe Apicil, la démarche peut être intéressante,  « au même titre que nous avons intégré nous-même dans notre politique d'achats des critères en lien avec le climat ou le bilan carbone et qui peuvent permettre de choisir, entre deux offres à qualité et prix égal ». Pour autant, il précise ce sujet semble pour l'heure antinomique avec le fonctionnement de l'outil qui vient d'être proposé :

« Cela peut être perçu de manière contradictoire, car si l'on ne se dirige plus vers une démarche volontaire, les entreprises ne rempliront plus leurs questionnaires tout à fait de la même manière, et devront par exemple prouver ce qu'ils avancent. Cet aspect a mené à discussions et a conduit à dire que si la Métropole souhaitait se baser sur ces critères de choix, il faudra le prévoir et engager une démarche différente », estime Damien Dumas.

L'ouverture d'un chemin parallèle aux labels et certifications

La startup Gen'éthic remarque elle aussi toutefois que le vent est en marche, tiré par la Métropole de Lyon, qui se positionne ainsi comme l'une des « premières collectivités en France à prendre ce sujet à bras le corps ».

« D'autres collectivités s'orientent elles aussi vers des démarches similaires, afin d'avoir une commande publique plus ambitieuse. En ce sens, la mesure d'impact pourrait avoir un rôle majeur à jouer à l'avenir et devra nécessairement passer par des outils permettant aux entreprises à la fois de se tester, mais aussi de s'améliorer », confirme Léo Astorino.

Aujourd'hui, Gen'éthic affirme d'ailleurs être en contact avec une demi-douzaine de collectivités, à l'échelle française, également intéressées par ce type de démarche.

Une manière aussi pour la startup de se faire une place (et une visibilité) dans la « jungle » actuelle des labels RSE : « La plupart des labels existants sont très onéreux et ne rencontrent pas leur marché, puisque l'on constate que seules 4.000 entreprises sont labellisées en France, sur un marché de près de 2 millions de sociétés...  Jusqu'ici, il existait encore une profusion de référentiels, qui ne prenaient pas toujours en compte les mêmes paramètres ».

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