Tunnel du Mont-Blanc : un nouveau chapitre de travaux s'ouvre avec la réhabilitation de la voûte

Passage privilégié pour rejoindre en une poignée de minutes Courmayeur et la Vallée d’Aoste (Italie), le tunnel du Mont-Blanc, situé dans la commune de Chamonix (Haute-Savoie), fermera à nouveau ses portes en septembre prochain. Le lancement d’une longue phase de travaux, non plus de la dalle mais de la voûte, qui devrait s’étaler sur plusieurs années. Un projet qui, sans être urgent, s’avère néanmoins nécessaire et pose de nombreux enjeux, tant économiques que techniques, dont celui de la fermeture prolongée de cet axe direct vers l'Italie.
De nouveaux vont débuter en septembre dans les tunnel du Mont-Blanc pour rénover la voûte sur 600 mètres. A terme, l'objectif est de réhabiliter les 11,6 kilomètres de voûte, pour lui redonner 100 ans de durée de vie.
De nouveaux vont débuter en septembre dans les tunnel du Mont-Blanc pour rénover la voûte sur 600 mètres. A terme, l'objectif est de réhabiliter les 11,6 kilomètres de voûte, pour lui redonner 100 ans de durée de vie. (Crédits : Crédit : unsplash)

Lové dans la roche, le tunnel du Mont-Blanc qui côtoie de près le plus grand sommet européen, est un nœud de transport et de transit essentiel pour la France comme la Région. Car « l'Italie représente le quatrième partenaire commercial de la France et un fournisseur de premier ordre après l'Allemagne », précise Philippe Carrier, président de la CCI Haute Savoie. Et Stéphane Guggino, délégué général de la Transalpine (explication), le confirme en précisant quelques chiffres : « La France et l'Italie représentent 30% de la population européenne et 30 % du PIB européen. Avec 100 milliards d'euros d'échanges commerciaux, un montant qui a fortement augmenté ces dernières années malgré des exécutifs politiques qui ne sont pas sur la même longueur d'onde ».

Si ces données comprennent l'ensemble des échanges entre les deux pays, flux financiers compris, y figurent notamment le transit de 44 millions de tonnes de marchandises par an. « Et seuls 8% de ces échangent passent par le ferroviaire, tandis que l'essentiel (92%) demeurent par la route », poursuit le délégué général. Soit 3 millions de poids lourds qui se déplacent annuellement sur les routes et traversent en partie par les Alpes du Nord et le Tunnel du Mont-Blanc.

A lui seul, ce dernier a accueilli plus de 3.900 véhicules légers, 61 bus en et plus de 1.500 poids lourds en mars 2024, soit un trafic relativement stable. Avec une activité renforcée pendant les saisons d'hiver, en raison des stations de ski et, en été, durant les congés estivaux.

D'où le choix du gestionnaire du Tunnel du Mont Blanc, TMB-GEIE, de réaliser la première phase de travaux prévus sur la voûte durant une période plus creuse, entre le 2 septembre et le 16 décembre prochain... si le calendrier est respecté. Car contrairement à la rénovation de la dalle, qui a pu être réalisée de nuit et donc permettre l'ouverture du tunnel en journée, ceux de la voûte entraîneront une fermeture totale de celui-ci. Et ce, à plusieurs reprises.

15 semaines de fermeture...pour commencer

La voûte a été construite dans les années 1960 avec « les techniques les plus innovantes de l'époque, mais aujourd'hui nous nous interrogeons pour trouver des solutions techniques qui permettront de prolonger sa durée de vie », confie Cédric Petitcolin, responsable département technique et informatique du Tunnel du Mont-Blanc.

Pas d'urgence donc, mais plutôt un projet : expérimenter une nouvelle technique pour redonner une durée de vie de 100 ans à cette voûte qui supporte un poids et une pression considérable. Des travaux plus que conséquents « qui n'ont jamais été réalisés jusqu'ici », assure t-il. « Chaque ouvrage est spécifique mais le TMB est le premier tunnel de cette longueur donc nous avons peu de retour sur ce type de travaux. »

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Avant de se lancer dans une rénovation complète des 11,6 kilomètres de distance du tunnel, un premier test sera réalisé à l'automne 2024 avec la rénovation de deux portions de 300 mètres chacune. Et la première étape consistera à démonter tous les équipements situés dans la voûte : les éclairages, les caméras mais aussi les câbles thermométriques qui mesurent la température dans le tunnel ou encore les ventilateurs. C'est-à-dire, tous les dispositifs de sécurité essentiels au passage des véhicules et impossibles à démonter et remonter dans la nuit. D'où le choix d'une fermeture complète de plusieurs semaines pour assurer la sécurité de tous, ouvriers comme utilisateurs du tunnel.

Viendra ensuite le rabotage du plafond sur une hauteur de 40 cm. « On est déjà sur un haut niveau de complexité car on est au centre du tunnel, il faut donc réussir à acheminer les machines et sécuriser la zone. Un boulonnage en fibre de verre, qui sera également raboté, sera installé dans cette optique » , insiste Cédric Petitcolin. « On viendra ensuite placer une étanchéité sur la voûte et placer des coques préfabriquées en béton pour reproduire la voûte avant une réinstallation des équipements. »

Un projet déjà complexe sur le papier, et qui nécessitera environ 15 semaines de fermeture complète du passage. Cette solution n'était d'ailleurs pas la seule en lice. « D'autres solutions avaient été envisagées, confirme l'intéressé, dont la mise en place d'un grillage et la projection de béton sur la voûte ». Une solution qui ne répondait cependant pas au critère de pérennité exigé.

Une fermeture annuelle pendant 18 ans ou quelques années consécutives ?

« Cela n'a jamais été réalisé, donc nous allons avoir si tout l'ordonnancement des tâches, imaginé par l'entreprise, est exact ou nécessitera des ajustements pour garantir les délais. Et nous ferons un retour d'expérience post travaux, car nous allons découvrir des choses qui fonctionnent plus ou moins bien et qu'il faudra renforcer avant d'envisager » la suite.

Deux autres zones de 300 mètres doivent être réhabilités en 2025 sur une période identique. « Ces travaux représentent un marché avec une tranche ferme et une tranche optionnelle qui ont été attribués à un groupement qui comprend la Spie Batignolles. La tranche ferme sera lancée en 2024 et en fonction des résultats nous déclencherons la seconde », détaille Cédric Petitcolin. Le tout, pour une enveloppe de 20 millions d'euros concernant la première phase de 2024.

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A l'issue de ces deux phases, une étude approfondie sera menée pour définir un programme global de réhabilitation de la voûte, qui devrait s'orchestrer sur plusieurs années. Plusieurs hypothèses sont déjà sur la table : une fermeture annuelle de quelques mois pendant 17 à 18 ans ou une fermeture de trois ans environ. Avec, pour chaque option, ses avantages et ses inconvénients.

Mais pour le moment, rien n'est tranché, assure Cédric Petitcolin. « Le choix n'est pas fait, car il nous manque encore des données d'entrée. On voit des axes se dégager mais c'est encore un peu tôt pour se décider. » D'autant que la décision, à la fois économique et politique, appartiendra à plusieurs acteurs : ATMB, SITMB mais aussi les Etats français et italien.

Côté technique, les pistes envisagées seront analysées sur trois points précis, assure Cédric Petitcolin : son impact sur la fermeture du tunnel, son coût et son efficience pour garantir le résultat attendu. Auxquels s'ajoutera certainement les conséquences économiques pour le gestionnaire qui ne récoltera aucun péage pendant les fermetures prévues.

Trouver la « juste » mesure

D'ors et déjà des positions se dessinent. Là où la CCI de Haute Savoie défend une fermeture de quelques mois sur plusieurs années, le maire de Chamonix, Eric Fournier, semble plutôt opter pour la seconde option, à condition que celle-ci n'excède pas les deux ans.

Tout en reconnaissant le rôle primordial du tunnel au niveau régional et national, la fermeture aurait peu d'impact sur la vallée de Chamonix, selon son analyse :

« Sur le plan local, le tunnel est un élément de facilitation avec nos amis valdotains et transalpins, mais sa fermeture à l'automne 2023 n'a pas ralenti l'activité économique de la vallée de Chamonix, à l'exception de quelques secteurs de niche », analyse l'élu qui précise que la période choisie, creuse, a sans doute influé sur ce résultat.

En conséquence, la position de l'édile irait plutôt vers une seule et unique fermeture. « En concertation avec nos voisins de Courmayeur et du Val d'Aoste, nous préfèrerions une fermeture unique si le délai est raisonnable mais il y a une limite à ne pas franchir. Nous pouvons supporter l'effort pendant une période de deux ans pour ensuite revenir à un mode de fonctionnement habituel mais si cela devait durer quatre ans, les discussions ne seraient pas les mêmes, assure t-il. Car cela serait susceptible de casser les relations avec l'Italie. »

La CCI de Haute Savoie avance, de son côté, une préférence pour une fermeture de quelques mois pendant 17 à 18 ans. Car contrairement à Eric Fournier, Philippe Carrier assure que le passage des poids lourds a une incidence sur l'économie ultra-locale avec la restauration ou encore l'achat de carburants. Et constitue un axe essentiel pour l'économie régionale et nationale, point sur lesquels les deux acteurs s'accordent.

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« Les communications entre l'Italie et la France seront compliquées en cas de fermeture totale, une fermeture de quelques mois chaque année semble plus profitable comme cela a pu l'être par le passé avec une priorisation des zones à traiter. » Le tout sachant que «  l'éboulement intervenu à Saint-Jean-de-Maurienne en août 2023 pourrait aussi se reproduire » argue t-ilce qui entraînerait alors un report sur la seule grande structure restante qu'est le tunnel de Fréjus.

Les alternatives à la circulation

C'est là une autre question qui se posera : celle du report des utilisateurs. Des alternatives existent déjà et sont bien connus des usagers. A lui seul, le tunnel du Fréjus devrait absorber 90% du flux des poids lourds, une partie des véhicules légers se tournera sans doute vers le tunnel du Grand-Saint-Bernard.

Au cours des fermetures orchestrées par le passé, ce rapatriement vers le Fréjus s'est fait sans difficulté majeure. Malgré cette possibilité et la réouverture prévue à l'automne prochain de la liaison ferroviaire de la Maurienne, Philippe Carrier estime que ces « solutions peuvent s'envisager de manière temporaire mais difficilement à long terme ». Ce qui a été néanmoins été le cas par le passé. En effet, suite à l'incendie qui s'est déclenché dans le tunnel du Mont-Blanc en 1999, celui-ci a été fermé jusqu'en 2002.

Mais la sur fréquentation actuelle du tunnel du Mont-Blanc, soulignée par Eric Fournier, et les longues files d'attente qui se sont développées à l'entrée du tunnel du Fréjus lors du pont de l'Ascension, début mai 2024, interrogent sur ce report à long terme. Et surtout, sur les conditions de circulation des voyageurs qui souhaiteraient effectuer la traversée en cas d'une fermeture sur le long terme et en période d'affluence.

Des contraintes qui restent des suppositions, mais permettent déjà à Eric Fournier de rebondir sur la saturation des tunnels et le besoin d'un report vers le ferroviaire et, par conséquent, d'une accélération du projet Lyon-Turin côté français.

Aucun des transporteurs installés dans la Région contactés n'a répondu à nos demandes.

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