Immobilier : à Lyon, le marché tertiaire accuse le coup, et fait office de valeur refuge

DECRYPTAGE. Après plusieurs années symbolisées par une dynamique sans faille, le marché immobilier tertiaire lyonnais, aura certes reculé en 2020, tout en limitant fortement sa chute. Mais la crise sanitaire semble loin d’avoir signé la fin des bureaux pour autant. Avec déjà, une demande qui frémit, et des perspectives visant à la fois à s’adapter à la généralisation du télétravail, ainsi qu’à la nécessité de "rebâtir désormais la ville sur la ville".
La bonne nouvelle étant que dans ce contexte de troisième confinement, nous n'observons pas de chute massive du marché, estime le cabinet de conseil en immobilier d'entreprise JLL, malgré une baisse de 30% par rapport aux volumes d'avant-crise.
"La bonne nouvelle étant que dans ce contexte de troisième confinement, nous n'observons pas de chute massive du marché", estime le cabinet de conseil en immobilier d'entreprise JLL, malgré une baisse de 30% par rapport aux volumes d'avant-crise. (Crédits : Pixabay)

Avec ses 449.000 m² placés sur l'ensemble de l'année 2019, le marché de l'immobilier tertiaire lyonnais avait atteint des sommets. Et même si la location, ainsi que la vente de bureaux, ont été durement frappés par la crise sanitaire et la redistribution des cartes amorcée par le télétravail, les mutations vécues ces derniers mois pourraient être moins dommageables qu'anticipé.

« Pour l'instant, le début de l'année 2021 s'inscrit dans la continuité de 2020, puisqu'on enregistre ainsi 45.675 m2 placés au cours du premier trimestre 2021 à l'échelle de la métropole lyonnaise », détaille Stéphane Jullien, directeur du département Bureaux du cabinet JLL, spécialisé dans le conseil en immobilier d'entreprise.

« Nous nous attendions déjà à ce que ce marché soit impacté par la crise mondiale, mais la bonne nouvelle est que dans ce contexte de troisième confinement, nous n'observons pas de chute massive du marché. À ce titre, le marché lyonnais a été plus résilient que certains de ses homologues comme Toulouse, très marqué par l'aéronautique ».

Cependant, ce sont les plus grandes surfaces qui ont pâti en premier lieu du contexte d'incertitude actuel, puisque les transactions de plus de 1.000 m², habituellement dans la norme accusent une forte baisse de leurs volumes.

Bien que le cabinet JLL comptabilise sur ce volet 11 signatures (contre 14 en moyenne), « aucune ne dépasse 4. 000 m² ce trimestre, limitant de fait leur impact sur le volume global ».

« Nous manquons actuellement de grands donneurs d'ordres qui sont en train de redéfinir leur stratégie immobilière alors qu'en parallèle, on observe une augmentation de + 10 % du nombre de mouvements enregistrés sur le premier trimestre, sur un marché qui demeure animé par les petites et moyennes surfaces de moins de 500 m2 voire de 2.000 m2 », confirme Stéphane Jullien.

Le retour des « gros deals » attendu pour 2022

Pour autant, celui-ci s'attend à une reprise des plus gros « deals » des opérations immobilières supérieur à 10.000 m² à compter de 2022, le temps que les plans stratégiques de ses clients soient rédéfinis à l'aune de cette crise.

« Avec le contexte actuel, un certain nombre d'entreprises ont gelé leurs schémas directeurs en matière d'immobilier, le manque de visibilité leur permettant difficilement d'engager des stratégies ambitieuses. En conséquence, on observe un retrait sécuritaire du nombre de mètres carrés consommés, et une tendance à la rationalisation au regard de l'impact du recours au télétravail », note le directeur de la branche Bureaux du cabinet JLL.

Pour autant, le télétravail ne devrait pas nécessairement conduire à une forte chute des surfaces demandées par les entreprises :

« On retrouve d'un côté, une volonté des entreprises de mieux gérer l'occupation de leur parc immobilier, qui était déjà en partie engagée avant la crise, mais aussi celle de proposer des espaces de travail collaboratifs plus agréables, qui sont en réalité consommateurs de mètres carrés », observe Stéphane Jullien.

De quoi, selon les professionnels de l'immobilier, garantir en réalité une certaine forme de stabilité du marché. « Tout le monde s'est rendu compte que le bureau reste un lieu fédérateur dont les entreprises ont besoin pour travailler leur culture d'entreprise, tout en proposant de l'ordre d'un à deux jours en télétravail en fonction des secteurs d'activité », argumente Stéphane Jullien.

« 2021 sera dans la continuité de 2020 »

Il estime même que l'écosystème lyonnais pourrait même bénéficier d'un regain d'intérêt en vue d'attirer des collaborateurs issus de régions, comme l'Ile-de-France, au cours des prochains mois.

« De récentes études démontrent qu'un cadre sur deux se pose aujourd'hui la question de quitter l'Île-de-France pour des villes à taille humaines, avec un tissu économique qui demeure dynamique, et Lyon a sans conteste une carte à jouer dans ce domaine », estime le directeur de la branche Bureaux de JLL.

Et pour cause : le marché de la métropole lyonnaise constitue le second marché national après l'Île-de-France, « et il demeure particulièrement bien placé devant des métropoles concurrentes que sont Lille en troisième position ou l'agglomération d'Aix-Marseille en quatrième position », abonde Stéphane Jullien.

Conformément à la moyenne nationale, le marché du Grand Lyon est lui aussi porté par une demande issue à 80% de la location, et à 20% d'acquisition.

« On constate actuellement que l'immobilier fait office de valeur refuge, y compris pour les entreprises qui souhaitent investir dans leurs bureaux », ajoute-t-il.

D'autant plus que l'une des particularités de la métropole lyonnaise est qu'elle dispose d'un parc tertiaire très important, « de l'ordre de 6,5 millions de mètres carrés de bureaux », comme le rappelle l'agence JLL, qui se répartit désormais sur l'ensemble du périmètre de la métropole.

« Les entreprises ont en effet cassé les frontières géographiques, avec des quartiers très marqués à l'époque par le secteur pharmaceutique comme Gerland deviennent aujourd'hui des pôles majeurs de l'énergie par exemple ».

Et bien que Gerland devrait conserver une place de choix au cours des prochains mois, de par sa connectivité, son offre de services ainsi que son foncier encore disponible, d'autres secteurs comme Villeurbanne Tonkin ou Stalingrad, ainsi que le Carré de Soie à Vaulx-en-Velin offrent encore des alternatives, aux côtés du quartier central mais plus « select » de la Part-Dieu, en pleine requalification.

Pas de phénomène spéculatif à l'horizon

C'est d'ailleurs ce tissu relativement diversifié qui aurait permis à Lyon d'amortir les derniers mois de crise, d'après Stéphane Jullien. Ainsi, bien que le volume actuel de transactions se situe encore à -30 % en deçà de son niveau habituel des cinq dernières années, cette baisse tend, selon le cabinet JLL, à se « stabiliser et à s'aplanir au fil des trimestres ». La tendance à la stabilisation s'observe également sur le terrain des prix, restés sensiblement les mêmes entre 2019 et 2020, tout comme entre 2020 et 2021.

« Qu'il s'agisse de la location de l'acquisition, les prix sont restés relativement stables, puisque nous n'avons pas connu sur Lyon d'envolée des prix, ni de phénomène spéculatif, avec une demande à l'acquisition qui demeure toujours assez stable », atteste Stéphane Jullien.

D'autant plus que le cabinet JLL ressent désormais, depuis quelques semaines, un nouveau frémissement. « Les entreprises redeviennent plus confiantes à mesure que la campagne de vaccination s'accélère, et nous pensons que cela va se traduire par une hausse du nombre de mouvements enregistrés au cours du deuxième trimestre 2021, avec une dynamique de recherche renouvelée, avec des mouvements qui vont se concrétiser entre fin 2021 et début 2022 », note-t-il.

Les visites auraient d'ailleurs déjà repris sur la scène lyonnaise, avec un atout désormais en faveur des futurs locataires puisque la crise sanitaire leur offre davantage de choix qu'à l'accoutumée.

« Au 31 mars, le marché tertiaire lyonnais comptait 342.820 m² disponibles, dont 39 % sur des actifs neufs. Le contexte actuel permet à la région lyonnaise de retrouver un niveau de vacances de 5,3 %, proche de celui de 2018, après avoir atteint son plus bas niveau historique à 3,8 % au mois de mars 2020 », notait le cabinet JLL.

Toutefois, cette situation pourrait évoluer rapidement puisque la crise sanitaire, doublée de son impact économique, « va inciter les entreprises à être dans le mouvement, que ce soit pour effectuer des rationalisations, mais aussi en vue de se régénérer et de repartir vers un nouveau cycle. Et bien souvent, l'immobilier est vecteur d'accompagnement du changement pour une entreprise. Beaucoup d'entre elles vont vouloir tourner la page et se transformer », confirme Stéphane Jullien.

Un marché de l'investissement tertiaire encore au ralenti

Un dynamisme qui ne se retrouve néanmoins pas encore sur le terrain de l'investissement, où les chiffres tournent encore au ralenti :

Seuls 235 millions d'euros ont ainsi été investis au cours des trois derniers mois à Lyon, soit une baisse de -59 % par rapport à un premier trimestre 2020 exceptionnel.

Mais ce chiffre serait à relativiser puisqu'il reste supérieur de +26% à la moyenne des dix dernières années, selon Gilles des Fontaines, directeur Investissement Grand Lyon chez JLL.

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Car le marché de l'investissement tertiaire lyonnais, dominé par des investisseurs français mais également allemands, aura pâti d'un côté des restrictions sanitaires qui n'ont pas permis aux acheteurs de se déplacer pour visiter et signer.

« Pour l'instant, les vendeurs n'ont pas forcément envie de vendre en pleine crise financière et sanitaire, face à des loyers qui continuent de tomber, tandis que les acheteurs sont intéressés, mais ne souhaitent pas acheter n'importe quels biens. C'est donc pour l'instant un marché qui se cherche, mais qui ne manque pas de liquidités comme on l'a vu au cours des derniers mois », souligne Gilles des Fontaines.

Une situation qui l'amène donc à envisager les prochains mois avec une certaine confiance sur le terrain de l'investissement : « Le niveau de collecte de l'épargne demeure très élevé et devra bien finir par être placé ».

Une accélération de la reconstruction de la ville sur la ville

Enfin, ce début d'année pourrait marquer le pas d'une accélération des réhabilitations des tours à bureaux « vieillissantes » et héritées de l'urbanisme des années 80 et 90.

« Le mouvement avait commencé entre 2017 et 2019, et l'on voit que l'on se dirige aujourd'hui vers des entreprises socialement écologiquement responsables qui souhaitent travailler leur empreinte immobilière afin d' être moins consommatrices de mètres carrés et de CO2 ».

Résultat ? Des projets de réhabilitation d'anciennes tours à bureau, pouvant conduire, comme dans le cas de l'ancienne tour EDF Tour Silex² dans le quartier Part-Dieu, à la reconstruction de l'ensemble d'une tour autour de son squelette, voire à des déconstructions et reconstructions de "la ville sur la ville", seraient plus que jamais à l'ordre du jour. Qui plus est dans une métropole où les nouveaux exécutifs EELV ont d'ores et déjà fait savoir leur volonté de ne plus consommer de mètres carrés additionnels.

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« Reconstruire sur l'existant permet d'offrir de nouvelles prestations, et notamment de nouvelles qualités en matière d'isolation, d'acoustique, ou de consommation énergétique, tout en conservant une localisation vertueuse » , confirme Stéphane Jullien.

« Un certain nombre d'opérations de régénération sont en cours de développement sur les quartiers de Gerland ou de la Part-Dieu et celles qui ont déjà été faites dans les années 2010 ont remporté un vrai succès ».

Pour autant, certaines de ces opérations, qui engageraient des travaux jugés parfois trop importants, conduisent directement à la case démolition, puis reconstruction.

Mais « rebâtir la ville sur la ville » semble faire consensus à Lyon, tant du côté de l'exécutif EELV que des promoteurs, qui y entrevoient de nouveaux débouchés en matière de valorisation des actifs et terrains existants.

« Il faut bien entendu regarder chaque opération au cas par cas, afin d'en évaluer la pertinence, mais l'on a de très beaux exemples d'immeubles neufs, bas carbones, construits sur d'anciennes friches industrielles du quartier Confluence. Il y a donc de l'avenir pour du bâtiment neuf à Lyon, mais qui devra en revanche être engagé en direction d'un immobilier résilient », note Stéphane Jullien.

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Commentaire 1
à écrit le 27/04/2021 à 15:04
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