Chaque année, quand la Fnaim Savoie Mont Blanc publie ses chiffres, il est de coutume de voir Annecy et la zone frontalière suisse trôner au sommet. Mais en ce début d'année 2021, le constat est flagrant : c'est bien le bassin de Chambéry qui pulvérise le classement de la hausse des prix de l'immobilier.
Une tendance de fond qui s'accélère
En 2020, le prix de vente médian des appartements au mètre carré a bondi de +22% à Chambéry. À côté, la hausse observée à Annecy (+6%) et dans la vallée de l'Arve (+10%) sembleraient presque modestes.
Certes, ce bond ne permet pas à Chambéry, avec ses 2.700 euros du mètre carré, de rejoindre le prix de vente médian annécien (4.500 euros), ni même d'Aix-les-Bains (3.080 euros). Mais cette flambée n'a rien d'anecdotique.
Les ventes de maisons confirment l'ampleur du phénomène. « En 2019, on pouvait trouver une maison classique de 120 mètres carrés en lotissement avec un petit terrain... Aujourd'hui, si l'acheteur ne met pas 400.000 euros sur la table, c'est introuvable », observe Caroline Pillet, référente de la Fnaim pour Chambéry.
Avant la pandémie, le marché local se tendait déjà. Le pouvoir d'achat immobilier des travailleurs frontaliers payés aux salaires suisses avait tant poussé le marché haut-savoyard à la hausse, qu'un flux d'acheteurs était apparu en direction de la Savoie.
À présent, les haut-savoyards font face à des prix de l'immobilier parmi les plus élevés de tout l'hexagone. Et pour les ménages ne bénéficiant pas de salaires suisses, le coût de l'immobilier est devenu insupportable quand il faut désormais débourser un demi-million d'euros pour mettre la main sur un T4 de 100 mètres carrés à Annecy.
Le marché chambérien entre dans la danse
La pandémie a ajouté un double effet à la hausse sur le marché chambérien, jusque là demeuré relativement à l'abri de tels tarifs. Comme ailleurs, il y a eu l'impact des confinements, qui ont poussé des ménages à chercher à se loger dans un espace plus important.
De nouveaux profils d'acquéreurs apparaissent, venus de grandes agglomérations proches, comme Grenoble et Lyon, et attirés par des prix encore bien en-dessous de ces villes.
À Chambéry, les professionnels de l'immobilier observent aussi une dynamique de la part d'investisseurs cherchant à diversifier leurs placements.
« Chambéry bénéficie de bons leviers d'investissement pour acquérir dans le neuf, car le loyer de défiscalisation est presque au niveau du marché local, offrant une bonne rentabilité », constate Caroline Pillet.
La situation chambérienne n'est pas celle d'Annecy, et il ne faut pas s'attendre à un rattrapage total, croit Caroline Pillet. Mais cette tension sur les prix, accrue subitement avec la pandémie, inquiète.
Densifier et aménager
Parmi ces inquiets, figure Philippe Gamen, le président de Grand Chambéry, la communauté d'agglomération de la préfecture de la Savoie. Lui-même observe l'arrivée constante de population dans l'aire urbaine.
Le Grand Chambéry comptait en effet 71.500 logements en 2017, a prévu la construction de 14.800 logements d'ici 2030 pour parvenir à accueillir 16% de population supplémentaire à la fin de la décennie.
Lui aussi observe un attrait assez nouveau auprès de travailleurs frontaliers qui n'hésitent plus à aller habiter à plus d'une heure de leur lieu de travail, en usant d'un pouvoir d'achat élevé. Mais à Chambéry, comme en Haute-Savoie, les vallées encastrées entre les flancs des montagnes offrent un espace limité à la construction immobilière.
Cela explique que le visage du bassin chambérien aura changé en 2030. « Cela passera par de la densification avec de petits immeubles collectifs de trois ou quatre étages, et des zones pavillonnaires où le jardin est remplacé par une nouvelle maison », décrit Philippe Gamen.
...et un enjeu pour le cadre de vie
C'est là que se situe tout l'enjeu de l'aménagement du territoire dans cette agglomération en mutation, qui attire notamment par sa qualité de vie, et son cadre de montagnes à proximité du lac du Bourget. « Nous devrons avoir le courage de nous questionner sur notre capacité à accueillir une telle population pour que cela reste vivable, et qu'on s'y sente encore mieux », pointe Philippe Gamen.
« Il ne s'agit pas de freiner l'accueil de la population, au contraire. Mais comment l'accueillir compte-tenu de nos ressources? »
À Chambéry, la question de ces ressources se pose avant tout en termes de mobilités et de consommation énergétique. « Nous devrons mettre en place de nouvelles façons de se déplacer et de réduire la facture énergétique , souligne le président de Grand Chambéry. On arrivera toujours à densifier... mais continuer à bien vivre, c'est autre chose. »
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