Climat : à Lyon, ces forêts urbaines qui pourraient devenir de grands « climatiseurs naturels »

DOSSIER (2/2). Dans son adaptation au changement climatique, la Métropole de Lyon soutient plusieurs projets de forêts et de « corridors écologiques » à l'entrée de l'agglomération. Objectif : reboiser 100 hectares d'ici à 2026, notamment en achetant du foncier pour déployer sa politique. Alors qu'elle entend aussi inscrire un vaste projet de trame boisée à horizon 2030-40 dans le prochain Schéma directeur de cohérence territoriale (SCoT), décrié par certains élus du nouveau Rhône, quels sont les défis de la collectivité pour conjuguer végétalisation avec habitat, usages économiques et agricoles ?
La Métropole de Lyon a commencé à reboiser 30 hectares d'espaces sur les 100 hectares de son objectif 2026. Avec, dans certains projets, un défi : comment reboiser d'anciennes zones industrielles artificialisées ?
La Métropole de Lyon a commencé à reboiser 30 hectares d'espaces sur les 100 hectares de son objectif 2026. Avec, dans certains projets, un défi : comment reboiser d'anciennes zones industrielles artificialisées ? (Crédits : Métropole de Lyon)

« Parasols » et « climatiseurs » naturels, les végétaux et les arbres sont un levier imparables pour rafraîchir et adapter les villes au changement climatique. Parmi les mesures phares de la Métropole de Lyon sur le sujet, outre la plantation de végétaux en zones urbaines (lire notre article sur le sujet), figure également la création de « forêts » dans l'agglomération et en périphérie, permettant de constituer des « poumons » selon la collectivité écologiste.

Lire aussi Climat : à Lyon, le plan de végétalisation s'attaque aux îlots de chaleur urbains... jusqu'aux copropriétés

Car les « forêts urbaines » peuvent, sous certaines conditions, aider à rafraîchir les villes, comme l'explique Marc Saudreau, directeur de recherche au sein de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE) : les arbres jouent en effet un rôle de « rafraîchisseurs » de l'air ambiant, car les feuilles captent les rayons du soleil (effet d'ombrage), sans chauffer, ce qui contribue à rafraîchir la masse d'air (via l'équilibrage de température entre un élément froid et un élément chaud).

Un effet cependant localisé, et qui « doit être réfléchi en fonction des vents dominants et des couloirs de vents » pour être efficace, complète le chercheur.

Car en ville, « l'effet d'ombrage » des arbres, via leur surface foliaire, reste le meilleur mécanisme pour réduire la température des bâtiments : il joue en effet « « un rôle très local » et permet « d'éviter directement les surchauffes, en couvrant les rues et les façades », ajoute Marc Saudreau.

Des forêts urbaines pour redévelopper la biodiversité

Dans ce contexte, outre le boisement des rues et des places aux côtés des communes, la Métropole prévoit de créer 100 hectares d'espaces boisés d'ici à 2026, à la fois en ville et en périphérie, parmi lesquels 30 hectares accueillent déjà des jeunes arbres (à Saint-Priest, à Sathonay-Camp, à Caluire-et-Cuire etc.).

Dans l'idée, également, de développer la biodiversité, ou encore de limiter le ruissèlement de l'eau.

Et si le gros de l'objectif reste à fournir, « les projets vont désormais s'accélérer », assure Pierre Athanaze, vice-président (EELV) de la Métropole de Lyon, délégué à la biodiversité.

Mais avant toute chose : de quoi s'agit-t-il ? Forêts « d'au moins 2 à 2,5 hectares », haies bocagères, corridors écologiques... Le Grand Lyon mise sur des espaces avec de nombreuses essences d'arbres (chênes, frênes, tilleuls, érables) et plusieurs étages, « sans que ce soit un jardin botanique ».

Ici, il ne serait donc pas question de « créer des micro-forêts de Miyawaki, de 400 mètres carrés », insiste Pierre Athanaze. « Même si j'ai beaucoup de respect pour le professeur Miyawaki, botaniste japonais, dont le modèle s'applique plutôt à des forêts tropicales, dont le climat et le fonctionnement n'ont rien à voir ».

Cette méthode, notamment utilisée par la mairie de Paris, consiste à planter densément de nombreuses essences d'arbres sur des espaces restreints. Problème : elle nécessiterait aussi beaucoup d'entretien. Et les taux de mortalité seraient plutôt élevés, allant par exemple de 61 à 84 % des arbres âgés de douze ans selon une étude réalisée en Sardaigne, dans un climat aride, et publiée en 2011.

« Nous, l'idée n'est pas de récolter du bois. Une forêt, pour moi, c'est un écosystème de 2 à 2,5 hectares au minimum. Une forêt trop petite n'est pas une forêt à mon sens », ajoute l'élu, qui précise, sans indiquer de données, que « la mortalité était faible cette année » : « nous avons eu de gros coups de vents cet hiver, et quelques arbres sont tombés, sur des milliers et des milliers ». Notamment des arbres d'alignement, plus fragiles face au vent.

De son côté, Marc Saudreau (INRAE) insiste : « il est préférable de planter 100.000 arbres, bien plantés, en pleine-terre, en multipliant les strates et les essences, plutôt qu'un million ».

Relevant aussi l'idée que certaines autorités annoncent « des chiffres » sur le nombre d'arbres plantés. Quelque 52.000 rien qu'en 2023 pour la Métropole de Lyon (arbres d'alignement compris). Tandis que l'Etat indique de son côté avoir subventionné la plantation de 63 millions d'arbres dans l'Hexagone depuis janvier 2023, sur un objectif de 467 millions en 2026.

Près de la raffinerie de Feyzin, la Métropole reboise une zone à risque

Ainsi, plusieurs de ces projets essaiment en ce moment dans le Sud et l'Est du Grand Lyon : par exemple, quelque 10 hectares de friches, occupés jusqu'en 2021 par 81 biens (villas, entreprises, commerces), limitrophes à la raffinerie TotalEnergies de Feyzin et de Rhône Gaz, accueillent désormais un espace boisé après le rachat de la zone par l'Etat, par l'industriel et les collectivités territoriales à partir de 2020.

Ces biens, « non protégés du risque d'explosion et du risque thermique », ont été démolis l'année suivante. « La loi prévoyait qu'on détruise et que cela reste en friche, sans créer de nouveaux usages », indique à ce titre Pierre Athanaze, également délégué à la gestion des risques.

« À force de négocier avec la Préfecture, nous sommes arrivés à une autorisation de planter, à condition de ne pas faire de chemin, ni de mettre du mobilier urbain », ajoute l'élu.

Qui relève cependant des difficultés d'ordre technique et écologique : en effet, comment reboiser d'anciennes zones industrielles artificialisées ? « Il y avait des entreprises avec 2 à 3.000 mètres carrés de dalles de béton depuis cinquante ans... », remarque le vice-président du Grand Lyon.

« On essaie de régénérer ces sols en place. On décompacte, on fait des analyses de sols, on amende et on sème des engrais verts. Nous sommes dans de la  « phytorégénération » des sols en place ».

4,5 millions d'euros pour acquérir du foncier dans le « plan nature »

Autre projet : la collectivité façonne en ce moment un « corridor écologique de l'Est lyonnais », reliant le parc de Parilly au parc de Miribel sur une vingtaine de kilomètres au total, à horizon 2027-2028.

Dans ce cadre, une friche de 12,5 ha a déjà été restaurée cet hiver. Mais il reste encore des obstacles à franchir : « à Décines on arrive dans le dur, car c'est très urbanisé », ajoute l'élu écologiste.

En outre, « nous avions un gros point de difficulté sur le stade Groupama. Nous avions donc négocié à l'époque avec Jean-Michel Aulas, qui nous avait laissé une partie des terrains d'entraînement, de façon à ce qu'on puisse planter ».

Car ici, comme pour chaque projet de ce type, la Métropole doit en effet réaliser des acquisitions foncières, car elle « ne fait des travaux lourds que sur les terrains dont elle est propriétaire ».

Pour cela, le « plan nature » bénéficie d'une enveloppe de 4,5 millions d'euros pour l'achat du foncier sur le mandat, afin d'acquérir des espaces naturels sensibles, ou encore des parcelles manquantes pour les 12 projets de corridors écologiques.

« C'est long, mais la Métropole peut préempter sur des terrains en vente. Nous faisons toute une surveillance », complète Pierre Athanaze.

D'où une prochaine étape : les épineuses révisions des plans locaux d'urbanisme, notamment à l'aune du décret sur le Zéro artificialisation nette des sols (ZAN).

Une forêt de plusieurs centaines d'hectares à horizon 2030-40

Un nouveau projet, d'une toute autre ampleur, se dessine en effet dans les cartons du prochain mandat : les élus écologistes souhaitent inscrire dans le prochain Schéma directeur de cohérence territoriale (SCoT) le projet de « grand climatiseur naturel », avec une trame boisée et agro-bocagère de plusieurs centaines d'hectares, tout autour de la Métropole. Y compris dans le nouveau Rhône, en passant par la Communauté de communes de l'Est Lyonnais (CCEL) et du Pays de l'Ozon.

Un projet qui ne fait pour l'instant par l'unanimité du côté de ces dernières, alors que les travaux relatifs à la révision du SCoT ont débuté à l'automne 2023. Celui-ci devra être approuvé fin 2025, pour une entrée en vigueur en 2026.

Selon la Métropole, ce projet serait « nécessaire pour la préservation de la ressource en eau et une bonne gestion des eaux pluviales ». De même, « sa conception sera pensée en lien étroit avec les agriculteurs et les communes concernées ».

Pour Pierre Athanaze, les premières opérations de renaturation en train d'être mises en place dans l'Est de Lyon, « sa priorité », feront d'abord l'objet d'un retour d'expérience. Mais déjà, ce grand projet, aussi très symbolique, semble lancé : « si on veut quelque chose pour le climat, il faut travailler à grande échelle. D'où l'intérêt du SCoT », soutient l'élu grand-lyonnais.

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Commentaire 1
à écrit le 08/06/2024 à 8:47
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Ceux qui font pousser des arbres, des feuillus, auront toujours raison. Comme le dit le Dr Who "Les arbres sont là pour sauver les hommes d'eux-mêmes". Bon ils ne s'attendaient certainement pas à avoir autant de boulot par contre ! ^^

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