"Le ministre de l'Agriculture, Julien Denormandie, a rassuré les éleveurs lors de sa visite au 30e Sommet de l'élevage à Clermont-Ferrand", apprécie Stéphane Joandel, président de la section régionale laitière d'Auvergne Rhône-Alpes.
Selon lui, le projet de loi "Egalim 2 protègera en effet la rémunération des agriculteurs, puisqu'il obligera les groupes à une réelle transparence sur le prix des matières premières. Il s'appliquera d'ailleurs aussi aux coopératives".
A ce titre, la non-négociabilité des prix des matières agricoles devrait en effet entrer en vigueur le 1er janvier 2022.
"Nous avions peur qu'au Sénat la loi ne soit détricotée, mais malgré des modifications à la marge, elle a été adoptée le 4 octobre dernier, à l'issue d'une commission mixte parlementaire, et le ministre s'est engagé à ce qu'elle soit appliquée. Nous allons pouvoir avancer vers une juste rémunération des éleveurs", explique Stéphane Joandel.
Des cours mondiaux qui augmentent
Et le temps presse car aujourd'hui, c'est en effet loin d'être le cas. Au point que les responsables syndicaux de la Fédération nationale des producteurs de lait (FNLP) évaluent le revenu moyen des producteurs de lait à 12.500 euros annuels...
Le cours mondial du lait augmente, tiré par la Chine dont la consommation explose, sans que le revenu des producteurs français n'en bénéficient autant qu'on pourrait l'imaginer.
"Depuis le début de l'année, nous assistons à une flambée des charges. L'indice Ipampa (mesure les variations des prix d'achat supportés par les exploitations agricoles pour leurs intrants de production et leurs dépenses d'investissement) lait de vache a augmenté de +8,1 % sur un an quand le prix du lait n'a progressé que de +1,5 %", commente Elinor Roux, chargée de mission à la FRSEA Auvergne Rhône-Alpes.
"Du jamais vu depuis 2010, reprend-elle. Les éleveurs laitiers ont besoin de perspectives. Nous profitons du premier Salon Européen de l'Elevage pour faire le point sur la situation et faire des propositions. Ce qui est significatif, c'est le MILC (marge partielle calculée à partir d'un panier de produits -lait, veau, vache de réforme, indicateur de marge laitière adapté à la volatilité-), car justement, cette marge MILC a fortement chuté en janvier 2021 par rapport à janvier 2020."
Cette augmentation du prix des aliments, de l'énergie, des engrais et des services impacte significativement les trésoreries des fermes laitières et remet en question la pérennité du métier pour un grand nombre d'éleveurs.
Le difficile renouvellement des générations
Sans compter qu'il faut renouveler les générations. "Pour installer des jeunes, il faut redonner de l'attractivité aux métiers. Il faut effectivement du prix, et la loi Elagim 2 peut y répondre. Mais l'attractivité, c'est aussi la qualité de vie, se dégager du temps", précise Jérémy Jallat, vice-président des Jeunes Agriculteurs d'Auvergne Rhône Alpes.
"L'astreinte, en lait, fait peur. Donc si on n'a pas de prix, il y a moins de motivation sur l'installation. Il faut aussi de la lisibilité parce que lorsqu'on s'installe, on investit, on fait des projets, il faut pouvoir envisager où on va aller. Être payé au coût de production permet d'avoir cette lisibilité et aussi envisager de se faire remplacer sur son exploitation pour se dégager du temps", ajoute-t-il.
Avec en filigrane, la perspective d'une marque qui valoriserait le lait de montagne, Jean Pierre Vigier député LR de la Haute-Loire LR, également membre du bureau de l'Association nationale des élus de montagne (ANEM), a présenté le travail d'une mission d'information parlementaire sur la production laitière (hors AOP) en zone de montagne, lancée à son initiative et à celle de la députés Pascale Boyer (LREM, Hautes-Alpes).
En écho au discours déjà porté par l'interprofession laitière, ce travail rend compte de la situation amorcée dans la plupart des zones de montagne, liée à des surcoûts de production et de collecte, d'un manque d'attractivité des métiers ainsi que d'une insuffisante valorisation du lait « hors AOP ».
Des handicaps qui menacent l'activité... et l'investissement
Ces handicaps menacent l'activité, pourtant à l'origine de près de 65.000 emplois directs et indirects, indispensables au maintien du dynamisme économique de ces territoires et à la conservation de paysages ouverts en montagne. Concrètement, produire du lait en zone de montagne coûte plus cher et entraîne plus de travail qu'en plaine.
Le Centre national interprofessionnel de l'économie laitière (CNIEL) a réitéré "son soutien aux propositions faites par les parlementaires et entend travailler activement avec les co-rapporteurs, l'Association Nationale des Elus de la Montagne, les élus, le Gouvernement et les acteurs de la filière laitière de montagne pour veiller à leur mise en place sur le terrain, aux côtés des acteurs privés."
Le CNIEL souhaiterait ainsi en priorité faire évoluer le cadre réglementaire et fiscal, ainsi que les aides dédiées au territoire de montagne, afin de renforcer l'attractivité des métiers de la filière laitière de montagne mais aussi structurer la filière et valoriser leurs produits laitiers.
Stéphane Joandel rappelle aussi l'inquiétude des producteurs de lait au sujet des évolutions à venir au sujet de l'épandage "qui demanderait aux éleveurs laitiers de nouveaux investissements alors que leurs revenus ne sont pas suffisants."
En effet, l'épandage est soumis aux évolutions de réglementations du Ministère de la Transition Ecologique, des directives européennes sur la qualité de l'air et de la révision des zones vulnérables. "Les éleveurs laitiers soutiennent à ce titre les éleveurs porcins de gros producteurs d'épandage, car s'adapter à toutes ces réglementations entraineraient de nouveaux investissements", confirme Edith Bruneau chargée de mission FRSEA Auvergne Rhône-Alpes.
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