Cliniques Mutualistes de Grenoble : Docte Gestio dévoile un montage avec l'Icade

Alors qu’il se prépare à rencontrer les représentants des médecins et des salariés de l’établissement ce mercredi à Grenoble, Bernard Bensaid, fondateur du groupe Docte Gestio, livre son projet pour le Groupement Hospitalier Mutualiste (GHM). Avec, au menu, la participation inattendue de l'Icade, une filiale de la Caisse des dépôts et consignations, pour l'acquisition des murs de la SCI.
Le conseil d'administration de l'UMG-GHM, détenu à majorité par la mutuelle Adréa, avait annoncé il y a quelques jours l'entrée en négociations exclusives avec Bernard Bensaid, le président du groupe Docte Gestio.
Le conseil d'administration de l'UMG-GHM, détenu à majorité par la mutuelle Adréa, avait annoncé il y a quelques jours l'entrée en négociations exclusives avec Bernard Bensaid, le président du groupe Docte Gestio. (Crédits : DR/DocteGestio)

La Tribune : Spécialisé à l'origine dans le digital et l'immobilier, le groupe Docte Gestio est devenu l'un des leaders des secteurs de la santé et du médico-social avec ses branches Doctocare et Amapa. Pourriez-vous nous expliquer comment le groupe a réalisé ce virage stratégique ?

Bernard Bensaid : Le groupe a commencé comme une startup de l'internet de l'immobilier. Il est ensuite devenu un gros groupe du sanitaire, du médico-social, et du tourisme. Bien qu'internet soit toujours présent au sein de notre groupe, ce segment a perdu de son importance. Car depuis la crise financière de 2008, nous avons observé un grand nombre de faillites dans le domaine de la santé au cours des 10 dernières années.

C'est ainsi que nous avons récupéré 294 établissements au total, dont 10 cliniques, 20 centres dentaires, 3 centres audio et optique, un centre thermal, un service d'hospitalisation à domicile, 15 Ehpads, 70 services d'aide à domicile, etc. Si bien que le secteur de la santé et du social représente aujourd'hui près de 80 % du chiffre d'affaires du groupe, contre 15 % pour l'hébergement touristique et 5 % pour les domaines de l'immobilier, de la restauration collective, ou du digital.

Ces reprises ont-elles toutes été réalisées à la barre des tribunaux ?

Nous avons repris des associations les mutuelles à la barre des tribunaux de grande instance, et des structures privée lucrative à la barre du tribunal de commerce. Des transactions de gré à gré ont aussi été réalisées, comme dans le cas de la Clinique Mutualiste de Grenoble.

A chaque fois, notre force et de reprendre des établissements en difficulté qu'on ne reprend pas très cher, ce qui nous permet de ne pas avoir besoin d'aide pour les acquérir. Nous sommes ainsi complètement autonomes puisque le capital du groupe est détenu à 90 % par moi-même (contre 10% pour des proches de B. Bensaid, NDLR), contrairement à des fonds comme Vivalto, qui ont été très critiqués dans ce dossier.

Docte Gestio a réalisé un chiffre d'affaires de 429 millions d'euros en 2019, et connaît une croissance très forte de 25 % chaque année depuis 2010 et près d'une acquisition par trimestre.

Quelle est votre stratégie de développement pour ces établissements ?

Les choses se sont d'abord faites une par une, puis ont abouti ensuite vers une stratégie. Car il n'était pas normal qu'un domaine comme la santé, qui se trouve au cœur des préoccupations des Français, pâtisse d'une prise en charge fragile.

Ces établissements se retrouvent en difficulté pour plusieurs raisons : avec, tout d'abord, des activités cloisonnées qui ne se parlent pas, ce qui induit une mauvaise prise en charge.

Le système repose sur une tarification à l'acte et produit une surenchère dans la production des actes qui n'est pas forcément dans l'intérêt des patients. Notre objectif est donc de proposer un opérateur global qui soit l'interlocuteur unique du patient, allant du domicile à l'EHPAD en passant par l'hospitalisation.

Quelles sont vos marges pour équilibrer ces établissements ?

Nous misons à la fois sur l'intelligence collective et notamment sur le digital afin d'améliorer la productivité des salariés en générant plus de valeur ajoutée, mais aussi sur le fait de proposer un parcours global ou le patient est traité sur l'ensemble de la chaîne. On sait ainsi quelles activités perdent de l'argent et celles qui en gagnent, afin de retrouver l'équilibre en fin de parcours.

Notre troisième levier, demeure celui des achats, qui nous permet de mieux négocier avec nos fournisseurs. La e-santé est également un axe important car elle permet aujourd'hui de meilleurs diagnostics et prévention. C'est pourquoi notre groupe emploie 20 ingénieurs et datascientists en vue de mutualiser les systèmes d'information et de faire davantage de prévention.

Vous avez annoncé un certain nombre de croissances externes (GHM de Grenoble, Clinique Saint-Cœur de Vendôme dans le Loir-et-Cher) et d'investissements au sein de vos récentes acquisitions (Clinique Saint-Jean l'Ermitage à Melun, etc) au cours des dernières semaines. Comment choisissez-vous vos cibles ?

Le public comme le privé perdent de l'argent aujourd'hui. De notre côté, nous n'avons pas de religion. Nous reprenons tout type d'établissement en conservant leur statut actuel, leur caractère ESPIC s'il en ont un, cliniques ou hôpitaux publics ou privés, à but lucratif ou non...

Nous estimons aujourd'hui que ce n'est pas à nous de déterminer la destination d'un établissement, mais aux médecins qui sont employés au sein de la structure et qui déterminent s'ils pratiquent ou non de dépassements d'honoraires, s'ils souhaitent être salariés ou non.

Sur les 10 000 collaborateurs de notre groupe, près de 8 000 sont sous statut associatif ou mutualiste aujourd'hui, avec 95 % des soins de santé qui sont réalisés sans dépassements d'honoraires, par des médecins salariés.

Quel est le maillage dont vous disposez aujourd'hui à l'échelle nationale pour jouer ce rôle d'opérateur global ?

Nous sommes désormais présents à différentes mesures dans 35 départements, dans cinq où nous disposons pratiquement de l'ensemble de la chaîne (Sad, Siad, hôpital et/ou Ehpad) : c'est le cas de l'Oise, de la Moselle, de la Seine-et-Marne, des Bouches-du-Rhône, du Var. Notre objectif est bien entendu d'avoir cette présence sur l'ensemble des départements français.

En Isère, nous avions déjà repris une association d'aide aux personnes atteintes d'un handicap lourd, Aappui, ainsi qu'une résidence de repos et de bien-être que nous avons repris à Chamrousse. Le GHM de Grenoble viendra donc compléter notre dispositif : il ne nous manquera désormais plus qu'un EHPAD sur ce territoire et un établissement de soins de suite.

Quels sont vos engagements vis-à-vis du GHM de Grenoble, où le dossier se heurtait jusqu'ici à de fortes inquiétudes, de la part d'un collectif de riverains et de salariés, mais également des élus locaux ?

Nous conserverons l'ensemble des six établissements d'excellence qui font la force de cette clinique grenobloise. À savoir l'institut mère-enfant, le pôle de cancérologie, de chirurgie, les soins programmés, l'entité cardio-vasculaire, ainsi que le pôle de médecine. Des collaborations avec le centre Léon Bérard de Lyon avait déjà été souhaitées par l'équipe en place et nous avons à priori reçu une réponse positive dans ce sens.

Mais ce ne sera pas la seule collaboration : nous avons identifié pour chaque institut des axes de développement et de renforcement, que nous ne voulons pas le faire seuls, en travaillant avec l'ensemble des parties prenantes sur le territoire, qu'il agisse des médecins, usagers, ainsi que des collectivités et des salariés. Nous ne voulons pas faire du top down.

Concrètement, quelles seront les prochaines étapes pour cette reprise ?

Le passage de témoin effectif devrait se faire à compter de septembre ou octobre. Nous rencontrerons ensuite l'ensemble des partenaires pour discuter, en vue de mettre en œuvre le projet au 1er janvier 2021. Et ce, si la crise du Covid ne rechute pas...

Nous avons proposé à un maximum de parties prenantes de rentrer dans la gouvernance, afin que des médecins libéraux et salariés aient des sièges avec droit de vote, tandis que les usagers et collectivités intéressées pourraient avoir en siège avec un droit consultatif pour participer à la vie de l'établissement.

Nous devons déjà rencontrer mercredi les représentants de la commission médicale d'établissement (CME) et organisations syndicales (CSE). Nous avons déjà demandé à rencontrer l'ensemble le comité des usagers et sommes en attente d'une réponse de leur part.

Votre projet prévoit-il la reprise des murs de la clinique, comme cela est le cas pour certains de vos établissements (clinique Bonneveine de Marseille, hôpital de Chantilly, etc) ?

Nous ne communiquons pas sur le montant global du projet, mais celui-ci prévoit de maintenir la relation de locataire du GHM avec la SCI propriétaire des murs. Afin qu'il n'y a aucune arrière-pensée, nous avons demandé à un partenaire, l'Icade (Société Centrale Immobilière de la Caisse des dépôts et consignations), qui est une filiale de la Caisse des dépôts et des consignations issue de l'État, d'acheter elle-même les murs de l'établissement à la SCI actuelle, et de garantir son statut de destination durant les 30 prochaines années. Comme ça, les choses seront claires et nettes, puisque nous savions que ce sujet avait fait couler beaucoup d'encre.

Quels sont vos objectifs en termes de redressement des finances et de résultats pour le GHM ?

Avant la crise, nous avons une visibilité mais depuis, on ne sait pas. L'ensemble des activités des établissements hospitaliers ont chuté fortement avec la crise du Covid, et le report des interventions non urgente.

Le redémarrage se fait de manière progressive et en fonction des cas. Pour l'instant, la Caisse primaire d'assurance maladie a garanti aux établissements près de 80 % de leurs revenus, ce qui leur permet de demeurer à l'équilibre. Mais nous ne savons pas encore de quoi le futur sera fait.

Dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, vous êtes également gestionnaire de l'Ehpad de Saint-Gervais, à travers votre association Monestier. Un dossier qui a suscité des remous ces derniers mois avec le placement provisoire sous tutelle de tutelle de gestion de l'établissement par l'ARS, ainsi qu'une plainte de votre groupe à l'encontre du maire de la commune, Jean-Marc Peillex, pour des propos dénigrants qui auraient entraîné 115 millions d'euros de préjudice à votre groupe.

Cet Ehpad, situé sur la commune de Saint-Gervais, est tombé en faillite en 2014, alors qu'il était géré par un ordre religieux. Nous avons payé l'intégralité de sa dette, et commencer à redresser l'établissement de 2015 à 2017. Malheureusement, nous nous sommes confrontés, sur ce territoire, à la présence d'un maire très interventionniste, qui a réussi à faire fuir les trois directeurs que nous avions mis en place.

C'est l'un des dossiers les plus compliqués que nous ayons eu à redresser, et nous sommes encore actuellement en contentieux avec ce monsieur. Mais il s'agit d'un seul dossier, sur les 294 établissements que compte le groupe.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 16/07/2020 à 12:24
Signaler
Ça s'appelle privatisation de la santé sur fonds de Sécurité Sociale et des Mutuelles. Mutuelles privées qui ne pensent qu'à augmenter les cotisations et baisser les taux de remboursement. Ne pas oublier dans le tableau les juteux dépassements d'hono...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.