Clinique mutualiste de Grenoble : la colère des salariés et usagers après l’abandon de leur projet

Le collectif des salariés et usagers de la Clinique mutualiste de Grenoble ne cache pas sa colère. Alors que leur projet de société coopérative (SCIC) vient d’être écarté lors de la première phase d’étude préliminaire, il dénonce un processus de sélection "opaque" et se garde la possibilité d’engager des actions en justice auprès de l’UMG-GHM, co-administrée par les groupes Adréa et la Mutualité Française.
(Crédits : Capture écran YouTube)

"Il s'agit d'une décision plus politique et idéologique que technique", déplore Cyril Zorman, président de l'Union régionale des Scop (Urscop), qui avait accompagné le projet.

Quelques jours seulement après l'annonce des trois candidats ayant été retenus par la direction de l'Union Mutualiste pour la Gestion du Groupement Hospitalier Mutualiste de Grenoble (UMG-GHM) pour une seconde phase de discussions, les porteurs et soutiens du projet de société coopérative (SCIC) ne cachent pas leur colère quant à un processus de décision qu'ils estiment "opaque".

Ils avaient d'ailleurs transmis un courriel en ce sens à l'ensemble des administrateurs vendredi dernier, s'inquiétant d'un manque de transparence et d'informations quant aux critères de sélection appliqués lors de l'étude des dossiers.

Alors que le bureau de l'UMG-GHM, une structure mutualiste co-administrée par les groupes Adréa et la Mutualité Française, a finalement fait le choix de ne pas retenir le projet de SCIC mené par les salariés et usagers au motif que celui-ci "n'offrait malheureusement pas de garanties suffisantes pour assurer l'activité, notamment sur le montage juridique et financier et le respect des délais nécessaires", les porteurs du projet s'interrogent et réfutent les arguments annoncés.

"Nous avions monté un dossier qui avait reçu l'aval de notre cabinet d'avocat, PwC, qui connaît bien le monde de l'entreprise, à la fois concernant sa structuration juridique et financière ainsi que sa gouvernance, avec des montants qui correspondaient aux quelques éléments financiers qui nous avaient été fournis", ajoute David Voirin, chirurgien digestif au GHM.

Ce dossier comportait notamment un projet de partenariat avec l'Institut Lyon Bérard, un centre de référence dédié à la lutte contre le cancer, ainsi qu'avec le groupe Mutualia, qui regroupe 7 mutuelles santé-prévoyance depuis 2013. Et avait reçu le soutien de la métropole et la ville de Grenoble, de partenaires financiers issus du monde coopératif, ainsi que du CHU de Grenoble, au même titre que l'ensembles des candidats potentiels.

"Nous avions proposé une SCIC en Société Anonyme, qui est donc régie par le droit des sociétés avec un conseil d'administration, un directeur général, ainsi qu'une équipe de direction et une assemblée générale qui devait réunir plusieurs collèges (salariés, usagers et investisseurs). La seule nuance, contrairement à un autre statut, était que celui-ci empêchait la fuite des capitaux", rappelle David Voirin.

"Ce n'est pas parce qu'un modèle est collectif qu'il est ingouvernable", ajoute Nicolas Albin, oncologue et responsable de l'Institut de Cancérologie Daniel Hollard du GHM.

Des questionnements sur le fond

Le fait d'éliminer de la course le projet de SCIC, avant même que celui-ci n'ait accès à des informations financières plus détaillées qui seront dévoilées aux trois candidats retenus conformément au processus annoncé, suscite la méfiance en interne.

"Nous avons été très surpris par la manière dont cette décision nous a été annoncé, puisque nous l'avons appris par voie de presse", affirme le Dr David Voirin.

Nicolas Albin évoque quant à lui un courrier "assez lapidaire" qui aurait été transmis aux candidats ainsi qu'aux administrateurs de l'UMG-GHM. Tous deux s'étonnent de cette décision, entérinée par le bureau de l'UMG GHM, "et dont les contours ne sont pas précisés alors que c'est le conseil d'administration qui était censé s'exprimer sur cette question".

Alors que des recours en justice seraient d'ores et déjà à l'étude, concernant notamment le cadre légal de la procédure, Cyril Zorman, à l'Urcoop, résume :

"Ce qui est dommageable dans ce dossier, c'est qu'il existait une quatrième voie possible. Et cela ne coûtait pas cher de laisser une chance au projet en lui permettant un accès à des données plus précises...".

Car bien que monté en quelques semaines en vue de coller au calendrier initial de la direction, le projet de la SCIC, qui réunissait notamment des salariés et usagers de la clinique, souhaitait proposer "une nouvelle voie" au sein du secteur de la santé. Avec, comme objectif, un nouvel modèle de société coopérative, toujours issu du Code de la Mutualité, mais dont les revenus, - notamment ceux issus de sa société civile immobilière, à l'activité rentable car détenant les locaux -, pourraient être réinjectés au bénéfice de l'activité principale de soins.

"La déception est forte, car nous croyons au modèle d'une société coopérative et collective pour le milieu de la santé, qui ne soit pas basée, comme aujourd'hui, sur une activité lucrative et capitalistique alors qu'en même temps, on a du mal à équilibrer un budget d'exploitation sanitaire", résume Nicolas Albin.

Des offres regardées avec méfiance

Du côté des trois offres désormais présélectionnées, les membres de la SCIC se montrent plus que jamais prudents, et loin d'être convaincus.

"Lorsqu'on regarde leur historique, on se retrouve désormais avec des acteurs classiques du milieu de la santé. Pour l'un d'eux, qui est associatif, on voit mal comment ils auraient suffisamment d'argent pour racheter le GHM tout en poursuivant l'objectif d'une structure associative, qui est de proposer un service de santé au meilleur prix", se demande Cyril Zorman.

Une position reprise par Nicolas Albin :

"Parmi les acteurs privés pressentis, il y en a un, qui réalise de l'argent sur le secteur solidaire tandis que le second serait un groupe possédant une forte implication dans le secteur libéral français, et qui cherche à se positionner dans plusieurs régions. Seul le troisième acteur associatif semble être davantage à notre image, mais c'est encore à discuter".

Désormais, les salariés attendent de connaître les projets des repreneurs potentiels, et notamment leurs positions concernant le maintien du statut ESPIC, de l'ensemble des activités médicales et de l'unicité de l'établissement.

"Notre ligne de conduite n'a pas changé, nous souhaitons toujours pérenniser l'activité ainsi que le service rendu aux usagers. Nous n'avons pas été sélectionnés mais nous avons la volonté de rencontrer les acteurs potentiels pour échanger", confirme Nicolas Albin.

"Nous espérons vivement que les candidats finalistes viendront nous présenter leur projet. Et ce, à condition qu'il n'existe pas de clause qui les en empêche au sein du processus en cours", nuance David Voirin.

Car ce que craignent désormais les salariés, c'est notamment la perspective d'un démantèlement de certaines activités plus coûteuses, telles que l'oncologie, au profit d'acteurs publics comme le CHU de Grenoble, pour ne conserver sur place que certaines activités de chirurgie plus lucratives.

Une chose est sûre, les acteurs de la SCIC ne souhaitent pas abandonner leur lutte si vite. Certains espèrent encore une prise de position de la part du nouveau ministre de la Santé isérois, Olivier Véran, qui, bien qu'occupé actuellement par la lutte contre le coronavirus, avait jusqu'ici suivi le dossier en tant que député de l'Isère.

Le tout, dans un climat social qui demeure toutefois en interne de plus en plus difficile, marqué par les bruits de couloir et les inquiétudes des salariés, plus que jamais palpable.

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