Disparités d’accès aux soins : le Cantal n’est plus totalement un désert médical

Le département a gagné 63 médecins en quatre ans, selon l’Ordre des médecins local. Une bonne dynamique qui s’explique en partie par des dispositifs financiers et un accompagnement des acteurs locaux. Derrière ce résultat positif se cachent, cependant, des disparités et l’accès aux soins dans ce territoire rural de 145.000 habitants reste compliqué.
Alors que le phénomène de désertification médicale et d'inégalités d'accès aux soins sur le territoire national s'est accentué ces dernières années, le département du Cantal affiche à nouveau une bonne dynamique dans l'installation de médecins.
Alors que le phénomène de désertification médicale et d'inégalités d'accès aux soins sur le territoire national s'est accentué ces dernières années, le département du Cantal affiche à nouveau une bonne dynamique dans l'installation de médecins. (Crédits : Adobe Stock)

Un peu plus de 30 % de la population française vit dans un désert médical, selon un rapport sénatorial remis en 2022. Cela se traduit par des difficultés à trouver un médecin traitant ou à obtenir un rendez-vous auprès de son praticien. Cette désertification médicale et les inégalités d'accès aux soins sur le territoire national se sont même accentuées ces dernières années.

Lire aussi « L'Île-de-France est désormais le premier désert médical de France ! »

Dans ce contexte, voilà une annonce qui ne passe pas inaperçue. L'Ordre des médecins du Cantal vient de révéler que le département comptait 63 médecins de plus par rapport à 2020. Cela comprend toutes les spécialités et tous les modes d'exercice, libéral ou hospitalier. Ce qui fait que le département dispose aujourd'hui de 570 médecins.

« C'est un bon résultat qui nous place pas loin de la moyenne nationale quant au nombre de médecin par habitant. Nous pouvons dire que nous ne sommes plus un désert médical. Il y a une bonne dynamique », se félicite Jean-François Collin, président de l'Ordre des médecins du Cantal.

Lire aussi Santé : les quatre CHU d'Auvergne-Rhône-Alpes vont mutualiser et soumettre leurs données à l'IA

Un solde positif dû, en partie, à une politique incitative menée ces dernières années dans ce département rural de 145.000 habitants, au sud de l'Auvergne. Des aides fiscales facilitent, en effet, les installations. Cela peut passer par la prime de 50.000 euros accordée par l'ARS (Agence régionale de santé, ndlr) ou bien par des exonérations d'impôt sur le revenu ou de charges sociales.

« Mais nous ne sommes pas le seul territoire à bénéficier de ce geste, cela touche 13.000 communes situées en zone de revitalisation rurale », souligne Bruno Faure, le président du Conseil départemental du Cantal.

Des médecins salariés par la Région

Il a donc fallu activer d'autres leviers pour se démarquer. Le Département facilite donc l'hébergement des internes et stagiaires en médecine et organise des « journées découverte » pour ces jeunes afin de les inciter à rester sur le territoire.

 « Nous les invitons par exemple à un match de rugby du Stade Aurillacois ou à essayer le ski sur notre station du Lioran. Nous faisons des soirées bowling... Nous avons aussi mis en place un service de conciergerie pour accompagner toutes les personnes qui s'installent sur notre territoire, les médecins peuvent en bénéficier. Nous les accompagnons dans la recherche d'un logement, d'un emploi pour leur conjoint... », liste Bruno Faure.

Une meilleure organisation des gardes, avec notamment une bonne régulation des appels, facilite aussi le travail des praticiens. Ce qui joue sur l'attractivité du territoire. Surtout, pour attirer des candidats, le Département, avec la Région, a dû opter pour le salariat.

Les deux collectivités ont embauché, l'an dernier, deux médecins au Rouget-Pers, commune cantalienne de 1.300 habitants, via un Groupement d'intérêt public (GIP). Les deux précédents médecins, partis à la retraite, ne trouvaient pas de remplaçant et la situation était devenue critique pour les habitants.

Lire aussi Déserts médicaux : en Auvergne, le village d'Olliergues contraint de salarier ses médecins

Ce sont, donc, les services de la Région et du Département qui ont installé le matériel technique et médical, pour un montant de 20.000 euros. Le GIP a aussi déboursé 80.000 euros l'an dernier (d'août à décembre) pour la rémunération des médecins et de la secrétaire médicale.

« Ce n'est pas "la" solution mais cela peut mettre le pied à l'étrier de jeunes, c'est une corde de plus à notre arc pour pallier cette absence de médecins. Mais cela ne fonctionne pas à tous les coups. Nous avons lancé la même opération à Chaudes-Aigues, une autre commune du département. Nous avons publié les offres il y a quatre mois et nous n'avons aucun candidat à l'heure actuelle », se désole le président du Conseil départemental.

« Si nous ne sommes plus un désert, nous ne sommes pas, non plus, une prairie verdoyante »

Il faut aussi relativiser ce solde positif souligne l'élu. Car certes le département enregistre 63 médecins supplémentaires, mais tous ne sont pas à temps plein et il subsiste des disparités territoriales. Le sud du département manque, notamment, cruellement de praticiens. Sans compter que certaines spécialités sont encore à la peine.

« Il reste encore un point noir du côté des spécialistes. Si nous ne sommes plus un désert, nous ne sommes pas, non plus, une prairie verdoyante. Nous avons 6 ophtalmologistes sur le département quand il nous en faudrait 12. Les délais d'attente pour un rendez-vous peuvent atteindre un an. Nous avons aussi une pénurie en psychiatrie, en gynécologie-obstétrique... Nous avons dû solliciter des renforts auprès du CHU de Clermont sur ce service », détaille Jean-François Collin.

Pénurie de dentistes

Aux urgences, le problème est aussi prégnant. « A Aurillac, les urgences ont du mal à rester ouvertes 24h sur 24h. Et je suis contraint de mobiliser les sapeurs-pompiers volontaires pour assurer le transport des patients. C'est du dépannage mais on ne peut pas imaginer que cela se poursuive », note Bruno Faure, également président du conseil d'administration du Sdis.

Lire aussi Taxe lapin : pourquoi certains médecins n'en veulent pas

Du côté des dentistes, ce n'est guère mieux. Le Cantal compterait moins de 50 professionnels pour 100.000 habitants, le ratio le plus faible de la région Auvergne-Rhône-Alpes.

Face à cette sous-dotation, Chaude-Aigues bénéficie, jusqu'à cet automne, d'un service de cabinet dentaire itinérant, financé à hauteur de 240.000 euros par la Région et l'Union Régionale des Professionnels de Santé. Ce « container » est implanté en fonction des besoins de la population.

Axes d'amélioration

Il faut donc poursuivre les efforts, reconnaissent les acteurs du secteur. Pour Jean-François Collin, de l'Ordre des médecins du Cantal, il faut notamment proposer plus de contrats à la carte en fonction des choix de vie ou d'installation des praticiens.

« Il faut être très ouvert. L'hôpital l'a bien compris. Il faut encore plus rapprocher le public et le privé. Certains praticiens doublent leur activité dans un cabinet en ville et en milieu hospitalier », note le chirurgien plasticien qui rejette l'idée de contraindre les docteurs à exercer là où les manques de médecins sont criants.

Lire aussi Déserts médicaux : faut-il interdire aux médecins de s'installer où bon leur semble ? Les députés débattent

« Il faut aussi mobiliser les professionnels à se faire agréer comme maîtres de stage et puis, continuer à aller dans les universités, tisser plus de liens avec les présidents de chaires. Il faut que l'on ait des référents, des « influenceurs » qui puissent vanter le Cantal », conclue Bruno Faure.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 2
à écrit le 15/05/2024 à 18:16
Signaler
Avec l'intelligence artificielle + les investissements étrangers ..... pas de problèmes , le massif central va enfin pouvoir vivre ......quelle tristesse l'organisation territoriale et pourtant on ne manque pas de hauts fonctionnaires qui réfléchisse...

à écrit le 15/05/2024 à 11:21
Signaler
Ben si dans le Cantal vous n'êtes pas une "prairie verdoyante" je vois pas où il y en aurait en France des prairies verdoyantes ! ^^

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.