Santé. Dans le Cantal, les collectivités se lancent dans le salariat de médecins généralistes

Chose inédite en Auvergne-Rhône-Alpes, la région et le département du Cantal viennent d'embaucher deux médecins généralistes via un Groupement d'intérêt public. Une manière pour ces collectivités de réduire les inégalités territoriales en matière d'accès aux soins. D'autres projets de ce type vont suivre, notamment en Ardèche ou en Haute-Loire. Mais attention à l'équilibre financier de ce modèle.
Les deux médecins salariés par la région Auvergne-Rhône-Alpes et le département du Cantal ont ausculté plus de 500 patients, après un mois d'installation.
Les deux médecins salariés par la région Auvergne-Rhône-Alpes et le département du Cantal ont ausculté plus de 500 patients, après un mois d'installation. (Crédits : DR Kylian Debbache)

Face aux difficultés d'installation de nouveaux médecins, notamment dans les territoires ruraux, la région Auvergne-Rhône-Alpes déclare faire de la lutte contre la désertification médicale l'une de ses priorités. Pour la première fois, et sur le modèle d'autres territoires, la collectivité a décidé, avec le département du Cantal, de salarier deux médecins généralistes au centre de santé du Rouget-Pers, commune de 1.300 habitants située près d'Aurillac.

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Mais, n'ayant aucune compétence en matière de santé, elle a dû créer le Groupement d'intérêt public (GIP) « Ma Région, ma santé Auvergne-Rhône-Alpes » afin d'embaucher directement les praticiens, comme le permet la loi 3DS. Pour l'instant, trois départements se sont joint à ce GIP : le Cantal donc, l'Ardèche et la Haute-Loire. L'Allier est encore en cours de réflexion.

Cela doit permettre d'améliorer l'accès aux soins dans certaines zones sous-dotées ou en passe de le devenir. Même si le salariat de médecins a vocation à rester une solution locale et spécifique.

« Il faut savoir que 71% du territoire de la région Auvergne-Rhône-Alpes est en tension, en manque de médecins généralistes. L'idée n'est pas de déployer ce dispositif de façon globale sur toute la région, mais de cibler les territoires où l'on a tout essayé et où aucune solution n'a été trouvée. Nous nous attaquons alors aux zones blanches, définies comme zone d'intervention prioritaire. Et nous le faisons en collaboration avec les départements », détaille Laurence Fautra, vice-présidente de la région déléguée à la santé.

En un mois, déjà 900 patients inscrits auprès des deux praticiens

Autour de la commune du Rouget-Pers, l'attente de la population était forte : un mois après leur arrivée, les deux médecins avaient déjà effectué 514 consultations et 900 patients s'étaient inscrits pour être suivis. Ce qui pousse même les collectivités à réfléchir au recrutement d'un troisième praticien.

Cette initiative constitue aussi un soulagement pour les habitants de cette commune rurale et ses alentours, dont le centre de santé, pourtant flambant neuf, n'accueillait plus de généraliste depuis deux ans. La municipalité n'arrivait pas à remplacer les deux médecins partis. Et la situation était devenue critique après le départ à la retraite du dernier praticien de la commune en juin.

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Le modèle du salariat a finalement débloqué la situation et facilité l'installation de nouveaux médecins. Sans compter que les deux généralistes bénéficient des services d'une secrétaire médicale, elle aussi rémunérée par le GIP, qui s'occupe de toutes les tâches administratives.

« Cette nouvelle génération souhaite un exercice partagé, elle ne veut plus travailler seule. Il faut pouvoir répondre aux attentes de ces médecins et leur apporter une garantie, une sécurité. La salariat est un mode d'exercice attractif pour des généralistes qui souhaitent un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle », ajoute Laurence Fautra, élue régionale.

Des salaires adossés à la grille hospitalière

Côté investissement, la région avait déjà financé le centre de santé à hauteur de 200.000 euros en 2018. La communauté de communes, propriétaire du bâtiment, le met à disposition du GIP qui assure l'intégralité de sa gestion. Ce sont d'ailleurs les services de la région et du département qui ont installé le matériel technique et médical, pour un montant de 20.000 euros.

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Quant à la rémunération des médecins et de la secrétaire médicale, le GIP devrait débourser 80.000 euros pour l'année 2023 (de août à décembre). Les salaires des généralistes seront adossés à la grille hospitalière (entre 4.500 euros et 6.000 euros nets par mois) et pris en charge, en totalité ou en partie, grâce au remboursement des consultations versé par la caisse primaire d'assurance maladie. Un modèle qui diffère d'autres GIP, comme celui du centre de santé de Vierzon dans le Cher. Cette structure a, elle, indexé la rémunération de ses médecins salariés en fonction de leur niveau d'activité. Les praticiens ont ainsi une part fixe et un pourcentage, en fonction des patients auscultés. Dans le Cantal, rien de tel.

« Nous donnons quand même aux médecins un cahier des charges pour être le moins déficitaire possible. Nous leur demandons d'assurer une garde le samedi par exemple. Pour autant, nous n'atteindrons pas l'équilibre, car nous versons le salaire de la secrétaire. Les frais seront partagés par le département et la région », indique la vice-présidente de la région AURA, déléguée à la santé.

Un modèle économique à trouver

Le modèle économique n'est en fait pas si facile à équilibrer. En témoigne l'exemple du GIP Pro Santé Centre-Val de Loire, créée en 2020 par la région Centre-Val de Loire. La collectivité avait pour objectif de salarier 300 médecins d'ici 2028. Mais, en mars, la chambre régionale des comptes a pointé du doigt des fragilités et a appelé le GIP à adapter son modèle économique. Elle estime que les hypothèses de départ ont été surévaluées et ne permettent pas d'assurer un équilibre financier aux centres de santé déjà ouverts. En effet, le modèle était fondé sur une base de 1.000 patients par médecin traitant, or la tendance actuelle est très inférieure et se situe plutôt aux alentours de 600 patients suivis.

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Résultat : ces centres de santé n'ont pas la taille critique suffisante pour bénéficier d'économies d'échelle. La région Centre-Val de Loire devra certainement augmenter sa contribution financière jusqu'en 2025 alors même qu'elle devait cesser de subventionner ces structures dès cette année.

Une dizaine de projets identifiés en Auvergne-Rhône-Alpes

Dans le Cantal, un premier bilan sera réalisé dans 6 mois assure Laurence Fautra, qui précise que le projet du Rouget-Pers a été réfléchi avec les acteurs locaux afin d'arriver à une solution viable et durable.

La région Auvergne-Rhône-Alpes a déjà identifié une petite dizaine d'autres territoires. Ainsi, un autre centre de santé avec des médecins salariés devrait être inauguré cette fois au sud du département du Cantal, à Chaudes-Aigues, d'ici le printemps 2024. En Ardèche, l'objectif est l'ouverture à terme de six centres, dont deux d'ici à la fin de l'année 2023. Quant au département limitrophe de la Haute-Loire, les sites prioritaires pour l'installation de médecins sont en cours d'identification.

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