Extension de STMicroelectronics : la concertation publique terminée, quid de l’autorisation environnementale du projet ?

Du 22 mars au 19 avril dernier, le fabricant franco-italien STMicroelectronics a dû soumettre son projet d'extension de « mégafab » de composants électroniques à Crolles, annoncé au côté du président Emmanuel Macron en juillet 2022, à une concertation publique. L’entreprise dispose désormais d’un délai de deux mois pour apporter des réponses aux questions soulevées dans le document. Avec, parmi les sujets centraux encore en suspens : l'autorisation environnementale.
Parmi les sujets centraux, encore en suspens : l'autorisation environnementale que doit recevoir le projet de STMicroelectronics. Une première a été obtenue avant la tenue de la concertation publique. Or, selon certains observateurs, elle devrait être sollicitée à nouveau, avec les éclairages obtenus grâce au débat.
Parmi les sujets centraux, encore en suspens : l'autorisation environnementale que doit recevoir le projet de STMicroelectronics. Une première a été obtenue avant la tenue de la concertation publique. Or, selon certains observateurs, elle devrait être sollicitée à nouveau, avec les éclairages obtenus grâce au débat. (Crédits : DR/STMicroelectronics)

La balle est désormais dans le camp de STMicroelectronics. Le 13 mai dernier, la CNDP (Commission nationale du débat public) a en effet publié son bilan de la concertation publique organisée autour du projet d'extension du site de Crolles (Isère) du fabricant franco-italien de composants électroniques. Et y pose des questions à l'industriel.

Du 22 mars au 19 avril dernier, de nombreux événements ont permis aux personnes intéressées de se renseigner et de s'exprimer sur le projet : réunions publiques, webconférences, rencontres de proximité, etc. STMicroelectronics travaille en effet sur un projet de « Megafab », co-porté avec son partenaire américain GlobalFoundries, et lancé en grandes pompes par le président Emmanuel Macron, en déplacement en Isère, en juillet 2022.

« Un dialogue nourri et de qualité avec les garant.e.s »

Dans son bilan la CNDP salue, sur la forme, une bonne coordination avec l'entreprise, grâce à « un dialogue nourri et de qualité avec les garant.e.s afin de répondre aux attentes du territoire, identifiées au cours de l'étude de contexte. »

Autre point fort : la diversité des modalités proposées qui « a contribué à ce que la participation a été satisfaisante, eu égard au délai réduit de la concertation » et qui a permis de diversifier le public rencontré. Les retours critiques envers le projet ont surtout eu lieu sur la plateforme, avec notamment 15 cahiers d'acteurs ou contributions collectives « bien documentés », selon la CNDP.

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D'un point de vue quantitatif, 680 personnes ont participé aux rencontres, dont environ 200 en ligne, ainsi que 1.200 salariés de STMicroelectronics. Sur la plateforme, les garants ont enregistré 1.478 contributions et 200 questions - auxquelles s'ajoutent les cahiers d'acteurs.

Dans leur bilan, les garants font notamment remonter des interrogations qui ont émergé sans trouver de réponse, demandant par exemple : « Pourquoi n'y a-t-il pas eu de concertation préalable avant l'enquête publique ? » ou encore « Quelles sont les contreparties de la subvention de l'Etat de 2.9 milliards d'euros ? ».

La CNDP formule également des recommandations au fabricant de semi-conducteurs, ainsi qu'aux acteurs publics comme la Préfecture ou la DREAL, pour le suivi du projet, enjoignant la Préfecture de l'Isère à « clarifier les conditions que met l'Etat pour les suites du projet, à travers notamment la communication d'un schéma décisionnel ».

« Une réponse dans le délai prévu par les textes »

Du côté du groupe, contacté par La Tribune, on s'abstient de tout commentaire et on précise : « STMicroelectronics étudie [le bilan des garants, ndlr] avec attention et y apportera une réponse dans le délai prévu par les textes qui est d'un maximum de 2 mois ». Et d'ajouter : « Dans cette réponse, nous donnerons bien sûr l'éclairage de ST sur cette concertation et nous répondrons aux demandes de précisions et recommandations qui figurent dans le bilan des garants ».

Parmi les sujets centraux encore en suspens : l'autorisation environnementale. Une première a été obtenue avant la concertation. Or, selon certains observateurs, elle devrait être sollicitée à nouveau, avec les éclairages obtenus grâce au débat public. La Préfecture de l'Isère, contactée par La Tribune, s'est abstenue de tout commentaire sur la question, mettant en avant la réserve électorale, à l'approche des élections européennes.

« La CNDP n'a pas vocation à se prononcer sur le fond, mais sur la forme », tranche Philippe Dubois, président de France Nature Environnement 38. « ST a fait une erreur en lançant d'abord une enquête publique, avant de se raviser. La concertation ne change rien, si ce n'est que la CNDP a eu le mérite de mettre cette question-là sur la table ».

Pour sa part, Pierre Janot, président de l'association Actionnaires pour le climat estime que « la formulation de la mission donnée aux garants laissait entrevoir une nouvelle demande d'enquête. Depuis, tout le monde est muet dessus : la Préfecture, STMicroelectronics. Je pense cependant que le groupe suivra les préconisations s'il n'a pas envie d'insécuriser le projet juridiquement ».

Lire aussi Semi-conducteurs : STMicroelectronics et GlobalFoundries annoncent l'ouverture d'une unité de production conjointe en Isère

Pierre Janot souligne un autre point mis en avant dans le bilan de la CNDP : « Le bilan apporte un élément important : il est confirmé qu'en fait, on est sur un doublement et non un triplement de la production. A mon sens, le projet doit être redimensionné, notamment en termes d'emprise foncière. Et cela pose une autre question : tout ça pour ça ? Et qu'en est-il de l'investissement inédit de l'Etat [2,9 milliards d'euros, ndlr.], sur un projet qui semble se dégonfler ? L'investissement massif était conditionné à une joint-venture avec GlobalFoundries, qui semble désormais être aux abonnés absents : cela pose la question du redimensionnement de l'aide ! Car en termes d'investissements et d'emplois, on ne sera pas sur la même dimension et l'utilisation des deniers publics sur des plans d'investissements dont les retombées ne sont pas claires se pose d'autant plus ».

« Nous serons tous vigilants »

Dans l'attente de recevoir les réponses de STMicroelectronics, les associations restent en alerte. « Nous allons suivre le dossier, avec nos partenaires. Nous serons tous vigilants, c'est un dossier qui est important », appuie Philippe Dubois.

Parmi les points auxquels il sera particulièrement attentif : l'eau. « Selon nous, la qualité des rejets dans l'Isère et la nappe doit être la même que la qualité de prélèvement - c'est à dire potable. Au-delà de la discussion sur l'intérêt des puces, ce serait un énorme pas en avant si cela était garanti ».

Autre préoccupation de son association : le manque de certains éléments, nécessaires au débat. « Quand les garants nous ont contactés, on leur a dit très clairement qu'aujourd'hui, pour nous, il y a un manque de transparence : des documents indispensables pour le débat, comme le Plan de prévention des risques industriels ou le contrat entre l'Etat et STMicroelectronics », expose Pierre Janot.

L'association réfléchit notamment à la possibilité de saisir le Tribunal administratif pour demander la communication du contrat, alors qu'un avis favorable de la CADA, la commission d'accès aux documents administratifs, avait été rendu à ce sujet.

Un projet à 7,5 milliards d'euros et un millier d'emplois

Basé à Crolles (Isère), en périphérie du bassin grenoblois, ce projet de mégafab, développé conjointement avec le fondeur américain GlobalFoundries, porte sur la création d'une nouvelle unité de production de plaquettes 300 mm de diamètre, basées en particulier sur le FD-SOI, « une technologie née en Isère et qui vise à optimiser la puissance de calcul et à offrir une très faible consommation d'énergie ». Elle s'inscrit dans le cadre du programme Chips Act de l'Union européenne, visant à ce que l'UE atteigne 20 % du marché mondial des semi-conducteurs d'ici à 2030.

Cette extension représente un investissement XXL de 7,5 milliards d'euros et la création d'un millier d'emplois directs (et 3.000 emplois indirects), venant ainsi élargir l'emprise du site actuel, estimé à une quarantaine d'hectares. Le tout déployé avec un soutien de l'Etat à hauteur de 2,9 milliards d'euros, dans le cadre du volet semi-conducteurs du plan France 2030.

Avec, en bout de ligne, des applications attendues dans les domaines de l'automatisation et la sécurité des véhicules, l'intelligence artificielle embarquée, ainsi que les circuits spécialisés pour les systèmes de communication sans fil.

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Commentaire 1
à écrit le 05/06/2024 à 21:28
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souhaitons réussite à ce projet .... QUESTION pourquoi écrire "garant.e.s" ???

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