« Avenir Industrie Aura » : le nouveau fonds de la Région pour aider les startups à franchir la « vallée de la mort »

La Région Auvergne-Rhône-Alpes vient de lancer un nouveau fonds propre : « Avenir Industrie Auvergne-Rhône-Alpes ». Doté d'une enveloppe de 50 millions d'euros, ce nouvel outil, obligatoirement accolé à des fonds privés, vise à accompagner une cinquantaine de start-up industrielles vers la consolidation de leurs innovations et surtout de leur production, là où il existait « un trou dans la raquette » dans l'autre dispositif dans les mains de la collectivité régionale depuis 2021 : le fonds souverain. Cet argent public, à moitié financé par l'Union européenne à travers le fonds Feder, sera opéré par les gestionnaires UI Investissement et Kreaxi.
La Région Auvergne-Rhône-Alpes vient de lancer, en novembre 2023, son deuxième fonds propre d'investissement (50 millions d'euros), tourné vers le développement des start-up industrielles.
La Région Auvergne-Rhône-Alpes vient de lancer, en novembre 2023, son deuxième fonds propre d'investissement (50 millions d'euros), tourné vers le développement des start-up industrielles. (Crédits : ©Région Auvergne-Rhône-Alpes/MichelPérès)

Des mots de Valérie Pernod, première vice-présidente de la région Auvergne-Rhône-Alpes, il y avait bien « un trou dans la raquette ». La première région industrielle française, qui a par ailleurs lancé son « fonds souverain » à destination des entreprises émergentes il y a bientôt deux ans, en janvier 2021, avait noté qu'il manquait une pièce dans le puzzle d'accompagnement des startups locales. La collectivité vient à ce titre de lancer un nouveau fonds, cette fois 100 % public, nommé « Avenir Industrie Auvergne-Rhône-Alpes » et doté d'une enveloppe de 50 millions d'euros, à moitié financée par des crédits régionaux, et de l'autre par le fonds européen Feder.

Confié aux gestionnaires UI Investissement et Kreaxi, il devra obligatoirement être accolé à des fonds privés équivalents.

« Dans le cadre d'Aura Investissement (société mère), nous avons constaté qu'il y avait un trou au niveau de la production des startup industrielles. Beaucoup de financements arrivaient sur l'innovation, sur la mise en œuvre d'un prototype industriel, puis ensuite il y avait une sorte de « vallée de la mort » jusqu'à la production et le début d'un chiffre d'affaires », résume Stéphanie Pernod.

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C'est que l'océan économique sur lequel naviguent de nombreuses startup tangue fort depuis plusieurs mois et l'élévation des taux d'intérêt. Les levées sont moins nombreuses, les tickets moins élevés depuis un an, que ce soit dans le secteur de la santé, comme le remarque le Lyonbiopôle, que dans la tech ou la création de microentreprises. Ainsi, Nicolas Debiolles, vice-président de l'ordre des experts comptables d'AURA, analyse un « ralentissement » de toutes parts, qui cependant « ne s'accélérerait pas depuis l'été ». Pour Sébastien Touvron, président de Kreaxi, « au jeu des chaises musicales, depuis plusieurs années, la musique s'est arrêtée ». Les startup industrielles, nécessitant, par essence, de grandes capacités d'investissement, sont particulièrement affectées : « Elles ont besoin, dans cette phase de venture industriel, de construire des usines, avant même d'avoir du chiffre d'affaires, et de mobiliser de grandes sommes d'argent assez tôt », ajoute le gestionnaire de fonds.

Dans l'écosystème industriel, la difficulté réside en effet surtout dans la concrétisation des projets, en seconde ligne de financement. Si les levées de fonds tournées vers les innovations, au stade primaire, restent les plus nombreuses, toutes les structures ne sont pas calibrées pour faire face à la deuxième vague : celle de la production. Et dans le monde industriel, où les coûts investis sont importants, cela se fait davantage ressentir.

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50 millions d'euros publics fléchés

C'est à ce stade qu'est censé opérer ce jeune dispositif, « Avenir Industrie Aura ». Ce nouveau coup de pouce doté de 50 millions d'euros, intégralement public, doit soutenir une cinquantaine d'entreprises dans un horizon de six ans : « à 70 % des projets d'innovations et à 30 % des projets de développement », estime au doigt mouillé Sébastien Touvron. Tourné vers les deeptech, Kreaxi investit chaque année au capital d'une dizaine d'entreprises sur les 600 à 700 demandes qu'il reçoit. Pour lui, ce fonds « Avenir », dans sa partie « capital-développement », vise plutôt des entrées « primaires » dans les capitaux d'entreprises presque mâtures. Mais il pourrait aussi, si besoin, venir en appui des entreprises qui ont déjà bénéficié d'un accompagnement dans la partie « innovation ». Il détaille le schéma :

« C'est un fonds 100 % public, où nous devons trouver une contrepartie privée pour un montant équivalent afin de le déployer. Le fonds n'a pas vocation à prendre le contrôle des entreprises dans lequel il investit. La stratégie d'investissement sera minoritaire par principe », explicite Sébastien Touvron, du gestionnaire de fonds Kreaxi.

Cette enveloppe vient par ailleurs compléter les 120 millions d'euros déjà investis par la Région dans 25 fonds différents, dont le « fonds souverain », ouvert en 2021 - 50 millions d'euros injectés par la Région, majoritaire, sur les 85 millions d'euros gérés. Ainsi, 250 entreprises, représentant 15.000 emplois, ont déjà été accompagnées dans « des domaines d'excellence de la région, comme la santé, l'industrie, le numérique », déclare Laurent Fiard, président d'Auvergne-Rhône-Alpes Investissement, qui opère l'ensemble pour la collectivité. Avec « un effet de levier déjà multiplié par 10 » : « ces 120 millions d'euros d'argent public, ce sont déjà 1,2 milliard d'euros investis dans les entreprises », déclare-t-il.

« Dans cette dynamique globale, une fois que les entreprises ont du capital, elles peuvent aller chercher de la dette. Nous estimons être aujourd'hui pas loin de 5 milliards d'euros générés », ajoute Laurent Fiard.

Pour Valérie Pernod, c'est « de la responsabilité » de la Région que « d'investir dans des fonds », rappelant la fameuse logique de « chasse en meute » portée par Laurent Wauquiez et les organisations patronales. C'est que ce type d'appareil public-privé (avec des fonds de capital-risque, de capital-développement, des filiales de banques, des indépendants, des business angles...), n'est plus si isolé : les métropoles de Lyon et de Saint-Etienne portent aussi ensemble le « fonds d'amorçage industriel métropolitain Lyon-Saint-Etienne », représentant aujourd'hui 80 millions d'euros et dirigé vers les entreprises du bassin lyonnais et stéphanois. Interrogés à ce sujet, les porteurs du projet régional n'y voit pas d'incompatibilité : « Ce fonds Avenir Industrie a une vocation plus large, qui est de couvrir l'ensemble du territoire, remarque Sébastien Touvron. Evidemment, pour des opérations qui seraient réalisées dans les territoires métropolitains, nous pourrons considérer un co-investissement, toujours dans cet écosystème avec n'importe quel investisseur, pour la contrepartie privée ».

Les premières entreprises lauréates sont déterminées dans les jours à venir, fin novembre 2023, pour des tickets allant jusqu'à 1 million d'euros.

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