Le semencier auvergnat Limagrain s’engage dans l’agriculture verticale

Limagrain vient d’annoncer son entrée au capital de VIF Systems, jeune société spécialisée dans l’équipement de fermes verticales pour la production de jeunes pousses (basilic, persil, coriandre, roquette). Une manière pour la coopérative, basée dans le Puy-de-Dôme, de développer de nouvelles filières autour de technologies innovantes et d’apporter un revenu complémentaire à ses agriculteurs-adhérents. Même si le secteur de l'agriculture verticale est encore balbutiant.
L'Auvergnat Limagrain s'associe au fabricant de containers VIF Systems en direction de l'agriculture verticale.
L'Auvergnat Limagrain s'associe au fabricant de containers VIF Systems en direction de l'agriculture verticale. (Crédits : DR VIF Systems)

S'affranchir des contraintes climatiques dans un contexte de changement, et garantir homogénéité et régularité dans la production agricole. C'est pour répondre à ces enjeux que la société lyonnaise VIF Systems a mis au point des équipements pour fermes verticales, alliant innovation technique et numérique. Et c'est ce qui a intéressé le semencier Limagrain, dont le siège se situe à Saint-Beauzire dans le Puy-de-Dôme. Le groupe a décidé de prendre une participation à hauteur de 25 % au capital de la jeune société, créée en 2021.

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Si le montant de l'investissement n'a pas été communiqué, il s'agit de la deuxième levée de fonds pour VIF Systems qui avait réalisé, l'an dernier, un premier tour d'amorçage avec le Family Office Letus Private Office. La start-up fabrique ses petits containers en culture verticale sur son site de production à Vorey-sur-Arzon, près du Puy-en-Velay.

« Nous avons quatre enjeux aujourd'hui : le renouvellement des générations, le coût du foncier, les besoins en trésorerie et le dérèglement climatique. Ce projet coche toutes les cases. En développant cette nouvelle filière, nous répondons à toutes ces problématiques », détaille Vincent Tardif, directeur stratégie développement nouvelles filières de Limagrain et désormais co-directeur général de VIF Systems.

Dans ce partenariat, VIF Systems apporte la technologie et la commercialisation des produits, quand Limagrain amène la science de la semence et un réseau de producteurs. Dans un modèle gagnant gagnant. « Cela va permettre à VIF Systems de passer d'un statut de start-up pré-industrielle à PME industrielle. Nous leur apporterons de la structuration », poursuit le dirigeant de Limagrain qui a réalisé l'an dernier un chiffre d'affaires de 2,1 milliards d'euros.

70 espèces de végétaux produits

VIF Systems utilise l'hydroponie verticale, ce système de culture qui permet de faire pousser des plantes, des fruits ou des légumes sans terre. Mais avant d'en arriver là, l'entreprise a développé des innovations techniques (supports verticaux, éclairages LED adaptés au vivant...), mais aussi végétale, via le développement de nouvelles espèces, et numérique à travers la création de logiciels de supervision à distance. Cela lui permet de proposer une autre forme d'agriculture en milieu parfaitement contrôlé (luminosité, température et hygrométrie).

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Et les intérêts de ces unités de culture verticales sont multiples, explique VIF Systems. Les besoins en foncier agricole sont quasi nuls. Les containers ne nécessitent qu'un raccordement au réseau électrique et à l'eau potable. Et puis, la production végétale n'est pas tributaire de la qualité des sols, ne nécessite pas de traitement phytosanitaire et surtout, elle est économe en eau.

« Nous pouvons cultiver aujourd'hui 70 espèces de végétaux. Nous avons les classiques, basilic, persil et roquette, mais notre valeur ajoutée c'est que nous proposons aussi le shiso, la capucine, la bourrache, la tagète... des produits qui sont demandés par la gastronomie française et les chefs. C'est là-dessus que nous nous démarquons. Ce sont des débouchés à forte valeur ajoutée », explique Vincent Tardif.

Source de revenu complémentaire

Grâce à ce partenariat, quatre agriculteurs-adhérents de la coopérative Limagrain testent cette agriculture verticale depuis un an. Sept nouveaux containers devraient être installés d'ici la fin de l'année au cœur de la Limagne. Une trentaine à terme pour répondre à ce marché des jeunes pousses à destination de la restauration. Avec à chaque fois un objectif clair : permettre aux agriculteurs de diversifier leur activité afin de leur assurer un revenu complémentaire aux grandes cultures.

« Le cycle de production de ces végétaux est de 15 à 28 jours, cela va permettre d'assurer un revenu mensuel à nos adhérents. Et ce sera un revenu stable car le container permet de gérer les risques et de s'affranchir des saisonnalités et des aléas climatiques. Nous recherchons de la valorisation pour nos adhérents qui restent au cœur de la chaîne de valeur, » pointe le co-directeur général de VIF Systems.

Ces containers de 15 m2 sont vendus « moins de 100.000 euros » aux agriculteurs (le montant précis est tenu secret). Leur production est rachetée par la coopérative Limagrain qui la revend à VIF Systems. La start-up assure ensuite la commercialisation des plantes auprès des restaurateurs, pour l'instant à Paris et Lyon, bientôt dans toute la France.

« Nous estimons que le container pourra être amorti en 5 ans. Ce qui permettra, dans un premier temps, à l'agriculteur de se dégager 1.000 euros net par mois, puis dans un second temps, après amortissement, 2.000 euros », projette Vincent Tardif.

Modèle économique encore à inventer

Mais ce modèle est-il véritablement viable dans un secteur de l'agriculture verticale encore balbutiant ?

« De nombreux acteurs ont fait faillite ou ont des difficultés comme par exemple Infarm, le leader européen qui a dû se séparer de la moitié de ses salariés et a cessé ses activités en France, mais aussi en Grande-Bretagne, aux Pays-Bas et au Japon. Cela s'explique par la flambée des prix de l'énergie car ces fermes remplacent l'énergie du soleil par des leds fonctionnant avec de l'électricité. Et puis, les investisseurs mettent moins d'argent qu'en 2020-2021, » analyse Matthieu Vincent, cofondateur du cabinet DigitalFoodLab et expert de la foodtech.

Mais pour cet expert, VIF Systems est dans un segment où les entreprises s'en sortent le mieux : celui de l'équipement et de la fourniture de technologies. Il est aujourd'hui plus compliqué d'opérer sur toute la chaîne de valeur. Mieux vaut confier la gestion de la culture aux agriculteurs ou aux exploitants de serre...

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En clair, le secteur arrive à un moment de changement d'échelle où le tri s'effectue entre les acteurs. Et la maturité n'est pas attendue avant plusieurs années.

« Nous sommes allés très vite pour développer ces alternatives. Mais le modèle de l'agriculture verticale est encore à inventer. Le développement se fera sur 10 ou 20 ans, car les investissements sont conséquents à chaque fois. Son intérêt et sa pertinence augmentent en tout cas avec le réchauffement climatique et la raréfaction des ressources, » commente Matthieu Vincent, pour qui nous sommes encore loin d'un modèle agricole autosuffisant et productif.

Autres débouchés, cosmétique et pharmaceutique

Afin de valoriser la technologie, VIF Systems et Limagrain ont en ligne de mire d'autres débouchés, hors alimentation.

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« Nous travaillons sur d'autres types de marchés. En maitrisant tous les paramètres, que sont la lumière, l'eau... nous sommes en capacité aujourd'hui d'aller chercher dans la plante la fabrication de molécules ou d'ingrédients fonctionnels à destination de la santé ou des cosmétiques. Nous avons d'ailleurs déjà des partenariats. A terme, l'idée est d'avoir une part équilibrée entre la plante pour l'alimentation et la plante, usine à produire des ingrédients », conclut Vincent Tardif.

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