Women TechEU : qui sont ces deux lauréates auralpines qui font briller la deeptech française ?

En marge de la journée internationale pour les droits des femmes, il était un autre rendez-vous passé (presque) inaperçu début mars : la Commission Européenne, qui a lancé le programme Women TechEU, qui vise à soutenir 50 startups deeptech dirigées par des femmes, a retenu quatre lauréates françaises. Avec parmi elles, deux entrepreneuses à la tête des jeunes pousses auralpines Safehear et Cell&Soft, qui permettent à Auvergne Rhône-Alpes (et à ses SATT locales) de s’illustrer sur la scène européenne.
La lyonnaise Héléna Jerome, Ceo de Safehear (à droite) et la grenobloise Camille Migdal, Ceo de Cell&Soft (à gauche) font partie des quatre lauréates françaises du programme Women TechEU de la Commission Européenne.
La lyonnaise Héléna Jerome, Ceo de Safehear (à droite) et la grenobloise Camille Migdal, Ceo de Cell&Soft (à gauche) font partie des quatre lauréates françaises du programme Women TechEU de la Commission Européenne. (Crédits : DR)

Elles pourront prétendre à une subvention de 75.000 euros, mais aussi à un accompagnement dans le cadre du programme "Women Leadership" de l'EIC (Conseil européen de l'innovation), ainsi qu'une mise en réseau à l'échelle de l'Union européenne pour adresser des marchés plus larges. Car ici, ce n'est pas uniquement le montant qui compte, mais le symbole, dans un monde de la Tech où la parité est là aussi encore loin d'être une réalité.

Sur les quatre lauréates françaises du programme Women TechEU, destiné à soutenir l'innovation conduite par des femmes, deux d'entre elles sont auralpines cette année : il s'agit de la lyonnaise Héléna Jerome, Ceo de Safehear et la grenobloise Camille Migdal, Ceo de Cell&Soft.

Un score encourageant sur plusieurs tableaux puisqu'à l'aune des 27 pays membres, l'Hexagone aura déjà raflé 4 nominations, soit bien plus que ce qu'une répartition des 50 lauréats à la proportionnelle ne pouvait espérer un seul pays européen. Mais c'est surtout en Auvergne Rhône-Alpes que ce résultat retient l'attention, puisque la région concentre la moitié des lauréates françaises.

Face à un constat encore d'actualité voulant que « les entreprises à forte intensité technologique restent encore trop rarement dirigées par des femmes », la directrice générale de Pulsalys Sophie Jullian estime que cette nouvelle promotion démontre au contraire « la dynamique de création des startups deeptechs dans la région. On sait qu'à ce sujet, Auvergne Rhône-Alpes se situe quasiment au même niveau que l'Ile-de-France ».

L'incubateur et accélérateur d'innovations Deeptech de Lyon et Saint-Etienne note d'ailleurs que plusieurs exemples de jeunes pousses dirigées par des femmes sont déjà présents au sein du tissu lyonnais : Healthshape, la Tannerie Végétale, NH Theraguix, Lactips...

« Tout l'enjeu commence vraiment au stade de la création d'entreprise, afin de soutenir et encourager des femmes à s'engager dans l'entrepreneuriat de rupture technologique et à ne pas s'autocensurer », expose Sophie Jullian, qui mise pour cela à la fois sur le développement de nouveaux modèles féminins, mais aussi sur des programmes d'accompagnement spécifiquement tournés vers les femmes (comme Strong her ou l'incubateur les Premières).

Objectif affiché : « Que Marie Curie ne soit pas le seul modèle d'une femme scientifique. Car il ne faut pas oublier que les deeptechs, on construit le monde demain, et il faut qu'il reflète au minimum le monde d'aujourd'hui, qui est aujourd'hui mix et non pas genré ».

Safehear, la protection auditive communicante

C'est ce que va notamment tenter de démontrer Safehear. Accompagnée par la SATT Pulsalys, cette jeune pousse lyonnaise, cofondée par Héléna Jerome, planche depuis février 2020 sur le développement de Louis, une protection auditive communicante destinée aux professionnels du monde industriel.

Et ce, à partir d'un constat lancé avec son associé Antoine Kuhnast, auprès d'un ami qui avait perdu jusqu'à 20% de sa capacité auditive suite à un concert de musique. « Nous souhaitions améliorer la protection auditive et nous nous sommes rapidement aperçus qu'il existait un vrai besoin dans le secteur privé, et notamment de l'industrie », explique à La Tribune Héléna Jerome.

Avec son dispositif comprenant un boîtier de filtration des bruits, et un kit d'écouteurs intra-auriculaires, son ambition est donc de rendre possible la communication dans un environnement bruyant, « tout en restant protégé des risques auditifs ».

« Je me suis lancée dès la fin de mes études, alors que je n'étais ni ingénieur, ni scientifique ni issue du monde de la tech, mais du business et management... C'était donc un triple défi, mais j'avais envie de créer une entreprise », indique-t-elle. Pour cela, il lui aura fallu « simplement une bonne dose de détermination et la volonté de s'entourer de partenaires et d'experts tels que, pour nous, Pulsalys, 1Kubator, l'Inria, ST Microelectronics, Earsonics... ». Car la jeune pousse aura, entre autres, bénéficié de l'innovation booster de ST Microelectronics, qui a hébergé leur projet sur son site de Grenoble Presqu'île.

Après avoir complété une première levée de fonds de 540.000 euros, complétée ensuite par des prêts bancaires, Héléna Jerome voit désormais son concept porté, entre autres, par une nouvelle réglementation. Car avec l'instauration de la loi Santé Travail depuis août 2021, la qualité de vie dans le milieu professionnel au cœur des enjeux de santé publique.

« En Europe, on compte près de 11 millions de salariés qui portent une protection auditive moulée sur mesure et qui sont enclins à utiliser un système comme le nôtre, tandis que 35 millions des salariés sont plus largement exposés à des nuisances sonores », indique la Ceo de Safehear.

La startup lyonnaise a d'ailleurs déjà lancé la production d'une centaine d'unités de son dispositif (prix NC), avec l'ambition de livrer ses premiers clients dès avril prochain. « Un programme comme Women Tech EU va nous permettre de couvrir notamment les dépenses de marketing et notre arrivée sur le marché : il s'agit d'une étape symbolique mais aussi importante car la France finance notamment bien les dépenses de R&D mais moins celles du marketing ou du développement ». Avec l'ambition d'adresser le marché européen d'ici 2023.

Cell&Soft, la biologie pour réduire le recours aux animaux cobayes

De son côté, la grenobloise Camille Migdal, Ceo de Cell&Soft, accompagnée par la société d'accélération du transfert de technologies (SATT) des laboratoires de recherche de Grenoble Alpes, Linksium, travaillait quant à elle sur le développement de solutions innovantes pour la culture cellulaire in vitro, dans les domaines de l'oncologie et de la recherche sur les cellules souches.

L'objectif affiché se veut à la fois scientifique mais aussi éthique : « Permettre une sélection précoce et efficace des candidats-médicaments, tout en limitant le recours aux modèles animaux ».

Le tout, en remplaçant notamment les cultures cellulaires habituellement réalisées en laboratoire dans des boites de petris, par des hydrogels, capables de reproduire par exemple le comportement de certains organes, comme les poumons, dans le cas des candidats-médicaments pour le Covid-19.

Car face à la crise sanitaire, son projet a contribué à développer des supports de culture permettant d'isoler le SARS-CoV-2 à partir de cellules hôtes, avec l'ambition de "participer à une meilleure compréhension de sa diffusion."

La jeune pousse, née d'un projet conjoint CNRS-CEA, a abouti sur la création de la société fin 2018, avec Camille Migdal au rang de cofondatrice. Cette jeune docteur est désormais à la tête d'une équipe de 4 salariés, dont 3 femmes, et a su convaincre des partenaires financiers comme BpiFrance (à travers une bourse FrenchTech Emergence et un prêt d'aide à l'innovation), puis le Cancérole CLARA (pour une première preuve de concept dans le domaine de l'oncologie pulmonaire) de se joindre à son projet.

« C'est une expérience riche et complexe que de créer une startup technologique en étant une femme, sachant que les STEM (science, technologie, ingénierie et mathématiques) est l'un des domaines où la disparité entre les sexes est la plus prononcée », estimait Camille Migdal, par voie de communiqué.

Pour elle, l'enveloppe ainsi que le soutien apporté par la Commission Européenne se traduira notamment par « un véritable tremplin » qui permettra « d'accroître la visibilité de notre technologie et d'accélérer notre dynamique. Il me permettra également de me déployer entant que dirigeante d'entreprise », affirmait la créatrice. Avec une seconde visée : démontrer, par la même occasion que « combiner science et entreprenariat féminin » est possible.

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