Pass rail : un été pour faire ses preuves en Auvergne-Rhône-Alpes

Après de longues négociations et une dernière volteface en avril dernier, la Région Auvergne-Rhône-Alpes a présenté ce vendredi les contours du « pass rail » lancé cet été : les jeunes de moins de 27 ans pourront voyager en trains TER et Intercités pour 49 euros par mois dans l'ensemble des régions, à l'exception d'Île-de-France. Mais quelles sont les conditions de cet accord négocié en dernière minute ?
Après de longs mois de négociations entre l'Etat et les Régions, le pass rail (-27 ans) à 49 euros par mois entrera finalement en vigueur cet été pour les voyages en trains TER et Intercités.
Après de longs mois de négociations entre l'Etat et les Régions, le "pass rail" (-27 ans) à 49 euros par mois entrera finalement en vigueur cet été pour les voyages en trains TER et Intercités. (Crédits : ER/La Tribune)

S'appuyant en théorie sur la base du « modèle allemand », le « pass rail » entrera bien en vigueur cet été 2024 dans l'ensemble des régions françaises - hors Île-de-France. Pour 49 euros par « mois glissant » entre le 1er juillet et le 31 août, celui-ci permettra aux jeunes de 16 à 27 ans de bénéficier d'un accès à l'ensemble des trains régionaux TER et Intercités (hors Ouigo et TGV Inoui), à l'exception des liaisons franciliennes opérées par Île-de-France Mobilités. Cela, dans l'objectif de faciliter les déplacements de courtes et de longue distance en train dans l'Hexagone, hors TGV.

Cette formule, validée en dernière minute en avril dernier par le gouvernement et les Régions, a pourtant bien failli être reportée à l'année prochaine. Tout s'est en effet décanté le 3 avril, lorsque le ministre délégué aux transports, Patrice Vergriete, a déclaré au micro de France Info que ce dispositif « ne pourra pas être opérationnel » en 2024. Cela, en raison du refus de trois régions d'y participer : Hauts-de-France, Normandie... et Auvergne-Rhône-Alpes.

Lire aussiCoup de théâtre pour le pass rail, « toutes les régions » sont finalement d'accord pour le mettre en place cet été

Pour ces dernières, deux points restaient en effet à clarifier : non seulement, la participation de la Région Île-de-France au dispositif, mais aussi la contribution financière des collectivités et de l'Etat, globalement estimée à 15 millions d'euros pour l'été 2024.

« Un regret et une condition »

Finalement, une issue a été trouvée : l'Etat prendra en charge environ « 80 % des coûts », contre la moitié dans la première mouture, avait indiqué Patrice Vergriete en avril.

Concrètement, l'Etat ne percevra plus que 15 % des recettes générées par ce nouveau pass, contre 85 % pour les Régions. Le dispositif consiste en effet en un équilibre entre les recettes d'un côté, et les pertes financières des billets TER perdus de l'autre. Les pertes étant bien sûr plus importantes.

Pour la seule région Auvergne-Rhône-Alpes, les pertes sont tout de même estimées à 1,6 million d'euros. De même, elles s'élèveraient à environ « 7 millions d'euros pour l'ensemble des Régions », indique Laurent Wauquiez. Et « environ l'équivalent » pour l'Etat.

Mais ce n'étaient pas les seules conditions posées par Auvergne-Rhône-Alpes dans cette « expérimentation » : « nous avons un regret et une exigence », amorce en effet son président en gare de Lyon Perrache, à l'occasion de la présentation du dispositif.

« Un regret : je n'aime pas que nous n'ayons pas accès à l'Île-de-France. Je trouve cela dommage à l'occasion des JO. Le gouvernement n'est pas parvenu à nous offrir une solution en la matière », indique l'élu LR.

De même, l'ancien maire du Puy-en-Velay insiste : pour que la collectivité reconduise le dispositif en 2025, le pass rail « devra » être implémenté dans la plateforme régionale Oùra l'année prochaine.

« La SNCF le sait, c'est une condition à la reconduction du dispositif », souligne ainsi Laurent Wauquiez. « Cette année, le délai était trop court pour la SNCF. Mais l'année prochaine se sera une condition non négociable, parce que c'est plus simple, les voyageurs sont habitués et c'est ce qui nous permet de gérer les TER », complète l'élu.

Un contexte d'augmentation des prix

Cette mesure entend en tout cas proposer une offre de mobilités aux jeunes « à un tarif ultra avantageux », plaide Laurent Wauquiez. Cela, alors que les prix des billets TER ont augmenté ces deux dernières années dans la Région, dans un contexte inflationniste.

Sur les prix, la Fédération nationale des associations des usagers des transports (Fnaut) Auvergne-Rhône-Alpes pointe en effet un contexte général « à la hausse ». Elle souligne notamment une augmentation des prix des billets occasionnels TER de 8 % entre 2022 et 2023 (représentant plus de la moitié du trafic) et de 2,95 % pour les abonnements Oùra.

Ce qui ferait d'Auvergne-Rhône-Alpes « la Région où les prix ont le plus fortement augmenté », soutient François Lemaire, son vice-président.

Sachant que les collectivités fonctionnent avec le principe de « liberté tarifaire ». Au 1er janvier 2023, la Région présidée par Laurent Wauquiez a mis en place l'indexation des prix des billets sur l'inflation. Cette année, les tarifs des tickets TER ont cette fois augmenté de 4,9 % en moyenne.

« Si cela marche, on renforce ; si cela ne marche pas, on corrige »

Cette « expérimentation » du pass rail serait en tout cas « une première » à cette échelle, indique Laurent Wauquiez. Un dispositif estival similaire avait cependant déjà été lancé en 2020 et en 2021 : pour 29 euros par mois, les jeunes voyageurs pouvaient emprunter un TER partout en France (sauf Île-de-France), à l'exception des trains Intercités.

Désormais, « il faudra voir si cela correspond bien aux besoins, si le système de fonctionnement est le bon, si la logique de réservation roulante avec six voyages au même moment fonctionne », tempère également le président de Région.

Car 2025 arrivera vite : la question de la possible reconduction de ce nouveau dispositif se pose déjà, alors que beaucoup d'acteurs - l'Etat compris - présentent ce premier pas comme positif, mais imparfait, faute d'avoir su trouver un accord assez vite.

« Nous avons un esprit pragmatique : on teste quelque chose, et si cela marche, on renforce ; si cela ne marche pas, on corrige », ajoute à ce titre Laurent Wauquiez. « Si les habitants nous disent que ce n'était pas utile, alors on arrête ».

La capacité des TER, elle aussi questionnée

De même, la capacité des trains à accueillir les près de 700.000 voyageurs attendus du pass rail en France sera également regardée de près.

« Il y a une condition posée par la SNCF sur le nombre de places dans les trains. On veut quand même vérifier que cela se passe bien », complète le président d'Auvergne-Rhône-Alpes.

Car « attention sur la capacité des TER », indique également François Lemaire, vice-président de la Fnaut Aura. Les rames à deux étages les plus récentes, les REGIO2N, possèdent une capacité unitaire de 700 places, assises et debout. Ce qui constitue un enjeu supplémentaire, là où le nombre de passagers SNCF ne cesse de croître d'années en années.

Lire aussiFerroviaire : la Région présente un plan de 5,7 milliards d'euros aux contours à préciser

Pour répondre à cette hausse de la fréquentation des trains, la Région a annoncé livrer près de 130 rames supplémentaires d'ici à 2035, à raison d'un investissement d'environ 3 milliards d'euros sur douze ans.

Les 19 premières, commandées en 2019, sont en train d'arriver, mais seules dix d'entre elles pourront circuler dans un premier temps en Auvergne-Rhône-Alpes, parce que le pôle de maintenance des rames de Saint-Etienne ne sera quant à lui livré qu'à la fin de l'année 2026.

De même, la Région doit passer commande des dix suivantes, mais « cela coince encore », regrette François Lemaire, vice-président de la Fédération régionale : selon lui, la Région chercherait en effet un « modèle d'achat », dans un contexte de mise en concurrence progressive des lignes aux entreprises ferroviaires.

Dans tous les cas, l'enjeu capacitaire sera regardé de près à l'occasion de ce nouveau pass rail, dont le ministre délégué aux Transports, Patrice Vergriete, a déclaré hier auprès de L'Usine Nouvelle et de l'Association des journalistes des transports et de la mobilité, « espérer intégrer la région francilienne en 2025 » et « à terme, le développer au niveau européen ».

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.