Logement social : « Le nerf de la guerre est (et reste) le prix du foncier » (Renaud Payre, Métropole de Lyon)

ENTRETIEN. Dès ce mardi et jusqu'au jeudi 29 septembre, Lyon accueillera la 82e édition du Congrès HLM. Il s'agira aussi du premier congrès pour le ministre chargée de la Ville et du Logement, Olivier Klein, attendu pour ses déclarations notamment dans un contexte de hausse des prix du foncier, des prix des matériaux et du taux du livret A. Pour l'occasion, La Tribune s'est entretenue sur la question avec Renaud Payre, vice-président de la Métropole de Lyon délégué au logement et à la politique de la ville, qui plaide pour trouver "toutes les solutions possibles" afin d'agir sur la disponibilité et le prix du foncier, alors que le Grand Lyon se retrouve lui-même dans un contexte très tendu en termes de logements abordables.
Le vice-président de la Métropole de Lyon délégué au logement, Renaud Payre, attend beaucoup des échanges avec le ministre du logement, Olivier Klein sur la question du prix du foncier, et de la financiarisation du logement : sans une politique foncière dans les zones les plus tendues, on va droit à une crise du logement qui peut s'installer durablement.
Le vice-président de la Métropole de Lyon délégué au logement, Renaud Payre, attend beaucoup des échanges avec le ministre du logement, Olivier Klein sur la question du prix du foncier, et de la financiarisation du logement : "sans une politique foncière dans les zones les plus tendues, on va droit à une crise du logement qui peut s'installer durablement". (Crédits : DR)

La Tribune - Du 27 au 29 septembre, Lyon va accueillir le 82e congrès HLM, organisé par l'Union Sociale pour l'Habitat (USH). En matière de logement social, la Métropole de Lyon a annoncé, l'an dernier, un objectif de 5.000 nouveaux logements locatifs sociaux et 1.000 logements en BRS (bail réel solidaire) par an. Une politique qui va plus loin que l'équipe métropolitaine précédente, mais qui semble compliquée à mettre en oeuvre dans le contexte actuel ? Aujourd'hui, quel est l'état des lieux du logement social dans la métropole ?

Renaud Payre : « La pression est plus que jamais là, avec une file d'attente pour obtenir un logement social qui est absolument intolérable. Aujourd'hui, on est à 8,5 demandes pour une seule de satisfaite. L'année dernière, nous étions à dix demandes pour une satisfaite, mais c'est toujours une file d'attente trop importante.

Quand j'ai annoncé ces objectifs au début du mandat, c'est parce que nous n'arrivions pas à répondre à l'ensemble de la demande au sein de la métropole. Mais actuellement, cet objectif est impacté par une crise de la construction. On se trouve dans une situation extrêmement inquiétante et qui est préoccupante pour l'avenir car le coût du foncier est extrêmement élevé. Les promoteurs et les opérateurs achètent un foncier très cher et ils ont en plus, des coûts de construction qui ne cessent de flamber. On se retrouve dans une situation de blocage avec le risque que certains décident finalement de ne pas faire sortir leurs opérations. [...]

Il faut garder à l'esprit qu'une opération est équilibrée à partir du moment où il y a de la vente libre. Mais les promoteurs nous disent qu'ils n'arrivent plus à se rattraper sur le prix de sortie. Jusqu'à présent, le foncier augmentait et ça se répercutait sur un prix de vente, qui ne cessait d'augmenter. J'ai toujours tenu le discours selon lequel il y avait un plafond pour le prix de l'immobilier dans notre métropole. On l'atteint aujourd'hui, car il y a des biens qui ne s'écoulent plus. Ça arrive par exemple à Villeurbanne quand ils dépassent 7.000 euros le m2. Quand ces opérations sont grippées, c'est le logement social aussi qui en pâtit. »

Dans cette situation, même le président de la Métropole, Bruno Bernard, a admis que les objectifs seraient difficiles à atteindre. Qu'en pensez-vous ?

« Cela ne veut pas dire qu'il faut baisser les bras, mais ça signifie qu'il faut essayer de trouver toutes les solutions possibles : trouver le maximum de foncier, favoriser le foncier public lorsqu'il y en a, faire aussi en sorte de surélever certains logements sociaux quand c'est possible... J'ai d'ailleurs demandé à tous les bailleurs sociaux de revenir vers moi avec trois projets de surélévation d'immeubles.

Il faut aussi lutter contre les logements vacants en proposant aux propriétaires de ces logements de conventionner avec eux, afin qu'ils mettent en location des biens de type logement social. [...]

Notre rôle, c'est de tout faire pour atteindre cet objectif, et d'imaginer toutes les solutions auxquelles on n'avait pas pensé au début. On explore toutes les pistes, et nous sommes même à la dizaine de logements près. Qui pouvait penser, quand on s'est donné cet objectif, qu'on serait dans une telle situation dégradée 18 mois après ? Personne ne pouvait imaginer la guerre en Ukraine. »

Selon vous, il doit donc aussi y avoir une intervention sur le foncier ?

« Il faut absolument qu'on travaille avec l'Etat sur les moyens de faire en sorte que le prix du foncier soit contenu. Je n'ai pas de pistes, mais ce sera une discussion que l'on va avoir avec le ministre du logement, au Congrès. Parce que sans une politique foncière dans les zones les plus tendues, on va droit à une crise du logement qui peut s'installer durablement. Le nerf de la guerre, c'est le prix du foncier.

Je pense qu'il serait nécessaire que le gouvernement nomme très vite un groupe pour réfléchir avec des élus locaux et des acteurs du secteur, dont le logement social, sur la question de la régulation du foncier. C'est urgentissime. Avec la Métropole nous avons créé la régie publique de l'eau, car l'eau est un bien commun.

Mais le foncier, c'est aussi un bien commun. Bien sûr, nous avons notre droit de propriété, mais penser le foncier comme une somme de propriétés privées empêche véritablement de répondre aux défis de notre de notre métropole, et d'autres territoires. »

En tant que Métropole, vous n'avez pas de levier pour réguler le foncier ?

« Nous avons quelques leviers par notre propre action foncière, lorsqu'il s'agit de notre foncier, etc. Mais quand vous avez un propriétaire foncier qui regarde son voisin tirer tel prix d'un bien et qui espère avoir plus, ou lorsque qu'il y a des promoteurs qui sont tellement entre eux qu'ils vont proposer plus que leurs concurrents, la machine va dans le mur.

C'est ce qui va inéluctablement conduire à ralentir les chantiers et à empêcher que les logements sortent de terre. C'est ce qui me préoccupe et qui dépasse notre métropole. En tant que collectivité, nous avons le devoir d'interpeller le ministre là-dessus pour qu'on trouve des solutions.

Je suis convaincu qu'il faut une politique foncière de régulation. Mais je dirais que même quelqu'un qui n'est pas convaincu par la régulation doit prendre conscience que sans cette régulation, il y aura une crise durable. »

La hausse des taux du livret A a aussi un impact direct sur les bailleurs sociaux. Ils contractent auprès de la Caisse des dépôts et consignations des prêts qui sont indexés sur le taux du livret A. Le ministre Olivier Klein va d'ailleurs rencontrer le directeur de la Caisse des dépôts dans le cadre du Congrès. A l'échelle de la métropole, est-ce que cela a déjà eu des conséquences ?

« C'est une discussion que nous avons actuellement avec les bailleurs sociaux. Je pense que tous les bailleurs sociaux ont été affaiblis par la Loi de finances de 2018 et la réforme de la réduction du loyer de solidarité (RLS). Je suis préoccupé, mais pour le moment, ça n'affecte pas leurs objectifs. »

Est-ce que les objectifs de forte production de logements sociaux que vous avez fixé en début de mandat sont compatibles avec l'objectif national de zéro artificialisation nette (ZAN) ? ZAN qui, pour rappel, demande aux territoires de réduire de 50 % le rythme d'artificialisation et de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers d'ici 2030 par rapport à la consommation mesurée entre 2011 et 2020 ?

Avec la modification 3 du PLU-H, on est arrivés à cet équilibre d'augmenter le coefficient de pleine terre et mais aussi, de construire autrement avec le référentiel de l'habitat durable qu'on a adopté en discussion avec les acteurs du logement. [...] Cette modification est dans l'esprit ZAN, pas dans la ZAN strico sensu.

Pourquoi ? Parce qu'elle renforce le coefficient de pleine terre et elle a augmenté le nombre de terrains agricoles, mais c'est vrai qu'elle tient des objectifs de construction.

Nous avons donc essayé de trouver cet équilibre : on veut construire et en même temps on veut vraiment tenir compte du coefficient pleine terre. Nous souhaitons absolument débitumer une partie des terrains et on veille à revoir complètement la part de stationnement aussi. Il s'agit d'une réflexion globale, et d'un travail d'équilibre minutieux.

J'entends des critiques des professionnels du bâtiment ou de la promotion immobilière qui estiment que cela réduit notre capacité à construire. Ce n'est pas vrai, tout cela a été étudié. »

Concernant la rénovation thermique, est-ce que ce que vous pensez que ça va être un frein supplémentaire pour l'agrandissement du parc du parc de logement social ?

« Il existe en effet un grand chantier de réhabilitation. C'est bien pour cela que j'ai souhaité que notre programme Écoréno'v, d'aide à la rénovation des logements, soit davantage destiné au parc social. Quand on est arrivés, le bilan le premier bilan d'Écoréno'v était de deux tiers dans le parc privé, pour les copropriétés, et un tiers pour le parc social. Je souhaiterais qu'on arrive à 50-50.

Il s'agit de faire en sorte que les bailleurs sociaux utilisent davantage ces aides Écoréno'v. Mais ça ne suffit pas. Pour cela, il faut aussi redoter le budget Écoréno'v et c'est exactement ce que nous avons fait dans le cadre de notre programmation pluriannuelle d'investissement, en passant à plus de 70 millions d'euros.

En juin dernier, en conseil métropolitain, nous avons aussi voté une enveloppe supplémentaire de 21 millions d'euros pour les années 2022 et 2023. Le président de la Métropole a d'ailleurs dit lors de ce même conseil que nous l'abonderons autant que de besoin. Pour les trois offices publics pour l'habitat (OPH), nous avons prévu un contrat de plan qui a été doté de 30 millions d'euros sur 2022-2026 en faveur de la réhabilitation. »

Lundi, la Métropole devra voter pour ou contre la constitution d'une SAC (société anonyme de coordination) pour coordonner les trois OPH justement. A quoi va servir cette structure ?

« L'idée n'est pas de créer une super structure, mais c'est de faire travaille les OPH entre eux pour partager leurs stratégies et en bâtir une commune en l'occurrence, qui est d'atteindre les objectifs de production et de réhabilitation de logements. La SAC n'est pas une première étape vers une fusion. Pour moi, les OPH sont les acteurs privilégiés de la politique de l'habitat social.

La SAC va les renforcer en leur permettant, à trois, d'avoir de nouvelles compétences et de réfléchir ensemble sur de la prospective foncière ou sur des questions extrêmement importantes, comme les punaises de lit par exemple. Et en retour, je prendrai régulièrement, je prends leur avis, à trois. »

A l'image de l'Union sociale pour l'habitat, organisateur du congrès, est-ce que vous estimez qu'il faut faire du logement social, une grande cause nationale du quinquennat ?

« Bien sûr : 70 % de la population de la métropole est éligible au logement social. C'est une des plus belles inventions de notre pays. Ce financement privé-public du logement abordable a bien souvent préfiguré le confort de l'habitat moderne dans les années 30 et 50. Tout cela est aux antipodes d'un discours totalement rabougri sur le logement social qu'on entend actuellement. Il nous faut des personnes qui portent un discours en montrant toute la force du logement social.

Peu de pays ont un système aussi développé que le nôtre, mais nous n'arrivons pas encore à faire face à toutes les demandes. Malheureusement, le logement social a été maltraité dans le quinquennat précédent et donc il faut faire en sorte que cela ne soit plus le cas dans le quinquennat actuel. Nous avons donc beaucoup d'attentes à l'égard à l'égard du ministre, du ministre du Logement. »

Il sera justement présent au Congrès. Qu'attendez-vous de cet évènement et de sa visite ?

« J'espère que nous aurons des annonces sur la Loi de finances 2023 qui se distingueront des annonces précédentes. J'espère effectivement que le logement social sera privilégié et accompagné, plus que ponctionné. On a beaucoup de choses à traiter, notamment sur la question de la financiarisation du logement.

Je suis aussi très inquiet sur l'intervention de plus en plus importante de fonds d'investissement, qui rachètent en bloc et revendent à la découpe. Il faut peut-être se demander si on ne devrait pas essayer de trouver une règle qui permettrait d'obliger ces fonds d'investissement, lorsqu'ils revendent à la découpe, de produire 20 à 30 de logements sociaux dans l'existant. C'est ce que nous défendons à la métropole de Lyon.

On a aussi besoin d'avancer sur le bail réel et solidaire, et notamment son intégration dans le taux SRU. Que le BRS soit compté comme du logement social PLS (prêt locatif social), c'est vraiment problématique parce que souvent, cela entrave des projets. Et puis évidemment, j'espère qu'on aura des mesures d'accompagnement des bailleurs sociaux sur la question énergétique. Le bouclier doit concerner le logement social, mais encore faut-il nous préciser à quel niveau et comment. J'espère aussi avoir l'occasion d'ouvrir la discussion sur le foncier. »

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Commentaire 1
à écrit le 27/09/2022 à 21:01
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Quand on imagine des logements à 7000 euro le M2, pourquoi ne pas envisager le M2 du terrain à 10% de 7000 soit 700 euro? Donc 200 M2 pour 140000 euro. En dessous faudrait être idiot de vendre.

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