Immobilier neuf : face à l’envolée des prix de l’énergie, « il va falloir raisonner en coût global d’acquisition » (FPI du Rhône)

Après le rallongement des délais d’obtention des permis de construire depuis la période Covid, puis la hausse des taux des prêts immobiliers depuis ce début d'année, figure désormais un autre obstacle pour le marché de la construction neuve lyonnaise : le retard pris dans la réactualisation du taux d’usure des emprunteurs, qui restreint désormais deux publics à l’achat : les primo-accédants et les seniors. Sans compter la question énergétique, qui conduit la FPI du Rhône à plaider pour une remise à plat du coût total d’une acquisition, qui inclurait le montant des charges.
« La capacité à acheter un logement, mais aussi à en payer les charges, va devenir très sensible. Il va falloir que les banques fassent également leur évolution à ce sujet et raisonnent de plus en plus en coût global d'acquisition, comme ce qui se fait déjà dans le milieu tertiaire », note Philippe Layec, à la FPI du Rhône.
« La capacité à acheter un logement, mais aussi à en payer les charges, va devenir très sensible. Il va falloir que les banques fassent également leur évolution à ce sujet et raisonnent de plus en plus en coût global d'acquisition, comme ce qui se fait déjà dans le milieu tertiaire », note Philippe Layec, à la FPI du Rhône. (Crédits : Pixabay)

Le problème n'était pas inconnu, mais il était jusqu'ici éclipsé par des taux d'emprunts historiquement bas depuis la crise sanitaire sur le marché immobilier.

Depuis la remontée des taux de près de 1% engagée depuis le début d'année, se profile à nouveau un obstacle auquel on ne pensait plus sur le marché de la construction neuve : celui du taux d'usure, qui "correspond au taux maximum légal que les établissements de crédit sont autorisés à pratiquer lorsqu'ils accordent un crédit", soit 2,60% sur les crédits inférieurs à une durée de 20 ans et 2,57% sur les crédits supérieurs à cette échéance.

Il est fixé habituellement tous les trois mois par la Banque de France, à la lumière d'une enquête réalisée auprès des établissements de crédit et sociétés de financement.

Un facteur qui vient s'ajouter à un contexte déjà relativement tendu sur le marché de la capitale des Gaules, où le stock de logements neuf était déjà au plus bas depuis la crise sanitaire.

 « Nous attendons les chiffres définitifs de fin août, mais on peut déjà dire que sur les huit premiers mois de l'année, le niveau de réservations enregistré fin juin s'affiche en recul de 10% par rapport à 2021, qui était déjà une mauvaise année compte-tenu de la crise Covid », note Philippe Layec, président de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) de la région lyonnaise.

Pour autant, le constat pourrait se nuancer quelque peu sur les trois prochains mois, avec une faible reprise d'activité qui se profile. Avec, une réalité un peu différente en fonction des périmètres observés : par exemple, la ville de Lyon devrait connaître un rebond encourageant des mises en vente, après un score 2021 très bas de 600 réservations annuelles (doit trois fois moins qu'en 2016-2017).

A l'inverse, des secteurs comme celui de Villeurbanne souffrent d'une chute importante du nombre de projets mis à la commercialisation, alors que le Grand Lyon pourrait quant à lui faire montre d'une forme de stabilité sur les volumes commercialisés.

Un effet de décalage avec hausse des taux enregistrée en continu

« Avec la hausse des taux d'intérêts et le durcissement des conditions des banques, nous remarquons que les taux de désistements sont en augmentation, et passent en moyenne de 15 à 20 % à plus de 30 % de désistement », affiche Philippe Layec.

Le taux d'usure fait à ce titre partie du problème, puisqu'il produit un effet de décalage entre une hausse des taux enregistrée en continu, et le calcul du taux d'usure, réactualisé seulement tous les trois mois.

« Nous nous retrouvons confrontés à des clients séniors qui ont des taux d'assurance élevés et qui, malgré un apport personnel conséquent, se retrouvent à la limite de pouvoir emprunter. C'est la même chose pour les primo accédants qui, avec une hausse des taux de 1% associée au taux d'usure, voient que leur dossier en passe plus », confirme le président de la FPI du Rhône.

Or, les banques n'ont pas le choix que de suivre de près le respect de ce taux d'usure, sous peine de sanctions à la fois financières et pénales pour leurs dirigeants.

« A la FPI, nous plaidons désormais pour une révision beaucoup plus régulière de ce taux d'usure, afin de mieux coller à la réalité ». Des discussions seraient d'ailleurs en cours entre Bercy et la FPI, même si elles n'auraient pas encore abouti à ce stade.

Philippe Layec avance une récente étude réalisée par la firme Opinion System qui rappelait que lors de la commercialisation d'un bien, 39 % des refus de prêts enregistrés par les courtiers seraient directement liés à la question du taux d'usure. « Celui-ci est devenu un vrai sujet que nous n'avions pas du tout l'an dernier ».

Le fossé, qui risque bientôt se creuser sur la question des charges

Sur le terrain des prix, la FPI du Rhône n'a pas encore les chiffres définitifs de ce premier semestre écoulé, mais s'attend déjà à ce que les prix du neuf à l'échelle de la métropole lyonnaise ralentissent, « en connaissant non pas une baisse mais une montée moins rapide ».

« Compte-tenu de la forte augmentation des coûts des prix des matériaux et de l'énergie ainsi que des évolutions réglementaires, les prix ne pourront pas baisser mais ils pourraient augmenter de "seulement" de 2 à 3% cette année. Cela demeure toutefois une inquiétude, car cela signifie que certains ménages ne pourront plus acheter », estime Philippe Layec.

D'autant plus qu'à Lyon, la différence entre le prix du neuf et de l'ancien se réduit comme peau de chagrin : « avec un prix au m2 qui avoisine les 6.000 euros dans le neuf et près de 5.100 euros dans l'ancien sur la ville de Lyon par exemple, l'écart se réduit sensiblement ».

Un autre facteur pourrait même peser dans le porte-monnaie des ménages : le fossé, qui risque bientôt de se creuser, entre le montant des charges des logements neufs et celui de l'ancien.

« L'augmentation des coûts de l'énergie demeure pour l'instant restreinte, grâce aux mesures prises par le gouvernement, mais cela ne va pas pouvoir durer. Les acquéreurs vont se rendre compte dans les années à venir du coût réel de l'exploitation d'un logement », affirme le président de la FPI du Rhône, qui note déjà qu'au cours des dernières semaines, les futurs acquéreurs se montrent désormais « très préoccupés » par le mode de chauffage, « alors que la question ne les inquiétait pas auparavant. »

« La capacité à acheter un logement, mais aussi à en payer les charges, va devenir très sensible. Il va falloir que les banques fassent également leur évolution à ce sujet et raisonnent de plus en plus en coût global d'acquisition, comme ce qui se fait déjà dans le milieu tertiaire », note Philippe Layec, qui estime que c'est également les outils du monde bancaire qui devront être « revus » pour tenir compte de ces nouveaux paramètres de marché.

Une « quadrature du cercle » à trouver pour l'équilibre économique des opérations

Du côté des promoteurs, la hausse des coûts de l'énergie et des matières premières sera moins un enjeu pour les projets en cours, que sur les projets à venir.

« Le sujet de l'équilibre économique des opérations va devenir de plus en plus fragile, avec des coûts de travaux élevés et un prix du foncier qui demeure élevé également. Sans compter que les évolutions réglementaires comme la RE 2020 sont ambitieuses, et qui se renforcent ensuite tous les trois ans », souligne Philippe Layec.

Selon lui, le contexte énergétique actuel va replacer la question de la performance de l'immobilier neuf au centre des préoccupations. Et si celle-ci était déjà bien engagée avec les différentes réglementations environnementales du secteur du bâtiment (RT2005, RT2012 et désormais RE2020), « il va falloir trouver un équilibre entre la performance et la qualité architecturale des bâtiments, mais aussi les économies d'usage que l'on peut générer est le prix de reviens pour les opérateurs. C'est cette quadrature du cercle qui devient inquiétante pour les promoteurs, et qui pourrait même conduire certains programmes à ne plus pouvoir sortir ».

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