Dans la Métropole de Lyon, la gestion de l'eau s'apprête à revenir dans le giron de la collectivité : il s'agissait d'un engagement pris par la nouvelle majorité EELV. "La priorité, c'est de préserver la ressource", a affirmé Bruno Bernard, président de la Métropole, lors d'une conférence de presse menée la semaine dernière, anticipant le vote programmé ce lundi.
Car jusqu'à présent, ce service était assuré par Veolia, à travers une délégation de service publique. A partir du 1er janvier 2023, c'est une régie publique de l'eau qui prendra donc le relai, selon un cadre qui sera fixé dès ce lundi 13 décembre, en conseil métropolitain.
Protéger la ressource de la pollution et de la raréfaction
Ce changement de gestion était une promesse de campagne de l'élu écologiste : "C'est une décision historique", affirme de son côté Anne Grosperrin, vice-présidente de la Métropole déléguée à l'eau et l'assainissement. "Une gestion 100% publique garantit que les choix seront faits en fonction de l'intérêt général", avance un dossier de presse fourni par l'exécutif écologiste.
La délibération de ce lundi devra en effet définir le statut de cette régie, son conseil administration, son directeur, et établir une convention de gestion ainsi qu'un protocole de fin de contrat avec Veolia.
"La première orientation du cadre stratégique est la protection de la ressource, notamment sur la pollution agricole. [...] La seule solution, c'est de prendre la pollution à la source et de travailler avec les agriculteurs", affirme Anne Grosperrin. Un travail qui ne se fera pas sans "une politique de l'État, c'est sa responsabilité", souligne Bruno Bernard. Le captage sera lui aussi protégé par une préemption du foncier. La régie prévoit par ailleurs un volet d'accompagnement des agriculteurs vers un passage en bio.
La diversification de la ressource fait aussi partie de ce texte : "Avec la baisse de débit du Rhône et la fonte totale de l'apport du glacier des Alpes d'ici 2070, il va y avoir des difficultés importantes d'approvisionnement. Il faut une sobriété des acteurs (agriculture, industrie, usagers)", poursuit Anne Grosperrin. L'agriculture consommant 70% de l'eau en été et l'industrie 20%, selon les chiffres avancés par le Grand Lyon.
Aussi, "90% de l'alimentation en eau potable de la Métropole provient du seul champ captant de Crépieux-Charmy.[...] Face au changement climatique, la régie publique devra identifier de nouvelles ressources", annonce la Métropole dans son dossier de presse.
A un niveau urbain, la Métropole se fixe deux autres objectifs : une ville perméable et la gestion du milieu aquatique. Une désimperméabilisation des surfaces éviterait un débordement des eaux usées lors d'épisodes pluvieux. Quant au milieu aquatique et la protection inondation, cette compétence est à la Métropole depuis 2018 mais n'avait pas encore de plan cadre : ce sera donc chose faite pour fin 2022.
Le renouvellement annuel des canalisations sera accéléré, passant ainsi de 0,75% à 1% au sein du nouveau contrat (le territoire de la Métropole compte 4.000 kilomètres de réseau). Un renouvellement indispensable, "entre ce qu'on produit et ce qu'on distribue, on perd 15%. Il faut renouveler le réseau", commente Anne Grosperrin.
Pas d'augmentation ni de baisse de prix, mais une tarification sociale
A travers ce projet de régie publique de l'eau, l'exécutif écologiste nourrit ainsi plusieurs objectifs : garantir un accès à tous, jusqu'aux plus précaires, ainsi qu'une tarification sociale, même si ses contours n'ont pas encore été définis. Un travail qui sera mené par les quatre représentants des usagers qui siégeront au conseil d'administration.
"En France Métropolitaine, 300.000 personnes n'ont même pas accès à un réseau d'eau potable. Dans la Métropole ce sont près de 18.000 personnes qui se retrouvent dans cette situation", avance le Grand Lyon. Un chiffre qui a vocation à diminuer donc avec le passage à cette nouvelle régie, sans que les cibles ne soient cependant avancées précisément.
Sur le prix, "ça ne doit pas coûter plus cher qu'avant", affirme Bruno Bernard. Un litre d'eau potable coûte actuellement 0,0031 centimes. Veolia avait une marge officielle de 6,5% sur la durée du contrat, d'après la Métropole, et de 4,9% en moyenne selon Veolia. La Métropole compte en tout cas garder le même coût de revient et profiter des marges pour améliorer les réseau et mener sa politique cadre.
Les salariés de Veolia transférés à la régie publique
Quant aux 280 salariés d'Eau du Grand Lyon - Veolia, il est prévu qu'ils intègrent tous la régie publique, aux côtés des 35 agents déjà employés par la Métropole. Une agence comptable va aussi être créée pour la structure, qui emploiera au final quelques 350 personnes.
A l'avenir, la Métropole n'exclut cependant pas de travailler avec Veolia : une volonté qu'avait d'ailleurs exprimé lui-même Cyril Chassagnard, directeur régional de Veolia pour le secteur Centre Est, à La Tribune. Cette délégation de service publique qui datait de 2015 avec la Métropole, et même de 1987 avec l'agglomération de Lyon, représente en effet une perte de 90 millions d'euros pour Veolia.
"Perdre un tiers de son chiffre d'affaires du jour au lendemain n'est bien entendu pas neutre. Tout notre enjeu sera donc de savoir rebondir d'ici 2023, en espérant que la collectivité fasse, d'ici là, des consultations sur différents sujets afin que nous puissions y apporter notre expertise et nos emplois locaux. À nous de trouver de nouvelles formes de prestations et de partenariats", déclarait Cyril Chassagnard à La Tribune il y a un an.
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