« Construire des tours tout en faisant du développement durable, c'est possible » (Didier Caudard-Breille, DCB International)

INTERVIEW. Présent à Lyon depuis une vingtaine d'années sur un marché qui représente encore les trois quarts de ses revenus, le promoteur DCB International, fondé sur les initiales de son fondateur, Didier Caudard Breille, est l'un des défenseurs de la verticalité. Alors que la métropole écologiste vient de confirmer lors du Mipim sa volonté de "densifier" et "verticaliser", tout en "rééquilibrant" l'urbanisme à l'échelle du périmètre métropolitain, DCB International avait lui-même dû revoir en profondeur son projet de création de la plus haute tour de Lyon (215 mètres), dont le permis n'a finalement pas été délivré. Des tours qu'il juge même "possible" de bâtir tout en respectant des modes de construction écologiques.
Pour un promoteur, la première démarche en matière de développement durable est de consommer moins d'espace et de construire plus en hauteur, estime Didier Caudard Breille, président de DCB International. Celui-ci se montre cependant prudent sur la question des ZAC, dont il pointe la longueur du montage face à des besoins de logements imminents.
"Pour un promoteur, la première démarche en matière de développement durable est de consommer moins d'espace et de construire plus en hauteur", estime Didier Caudard Breille, président de DCB International. Celui-ci se montre cependant prudent sur la question des ZAC, dont il pointe la longueur du montage face à des besoins de logements imminents. (Crédits : DR/ML)

LA TRIBUNE - Vous êtiez à Cannes en fin de semaine à l'occasion du Mipim et vous aviez vous-même créé les éditions asiatiques et américaines de ce salon en 1997 et 1998. Quel regard portez-vous sur cette édition post-crise ?

DIDIER CAUDARD BREILLE - En tant qu'ancien créateur du Mipim Asia et America, mon lien avec le Mipim est extrêmement fort. C'est donc pour moi une excellente nouvelle que ce salon reprenne, après les deux à trois années que nous venons de vivre. Et cette année, on a Mipim qui ressemble au salon d'avant, même s'il n'a pas encore retrouvé complètement son niveau d'avant-crise.

Les investisseurs sont cependant présents et il y a toujours une appétence très forte en matière d'investissement. Pour autant, cette année nous n'avons pas les visiteurs russes, ni certains pays d'Asie. Même les Allemands sont un peu moins présents, et assommés par le contexte actuel.

Quel impact a justement la guerre en Ukraine sur le marché de l'immobilier à ce stade ?

La première chose étant qu'il ne faut pas réduire cette guerre à un incident. Cette guerre est dramatique et nous touche tous et je pense que si on ne l'écoute pas, on ne peut pas comprendre ce qu'elle est réellement. Et forcément, celle-ci a un impact jusque chez nous, pour les pays qui sont à l'Est de l'Europe et qui sont limitrophes des combats.

On voit également que les banquiers sont aujourd'hui plus frileux car nous évoluons dans un contexte incertain. Il est très difficile de dire ce qui se passera demain, et quelles seront donc les conséquences précises qui pourront être observées sur le marché à moyen terme. Il faut rester humble car nous n'avons pas de boule de cristal et ce conflit pourrait être amené à durer.

Votre groupe de promotion est né à Lyon et vous vous considérez souvent comme un « Gone lyonnais » : la Métropole de Lyon a cette année voulu réaffirmer ses positions et la vision de son nouvel exécutif écologiste au Mipim. Que vous-a-t-elle inspiré ?

Bien sûr, j'ai eu l'occasion de rencontrer le maire de Lyon, avec lequel j'ai échangé d'ailleurs plutôt sur des problématiques d'énergie que d'immobilier, sachant qu'aujourd'hui, nous avons des réflexions immobilières assez normalisées avec avec la mairie.

Des relations normalisées alors que vous aviez un projet de tour très élevée (215 m), dont le permis de construire a finalement été retoquée ?

Oui, mais nous avons entre temps redéposé un permis complémentaire que la mairie nous a finalement accordé, en retravaillant la question du logement social concernant les derniers étages. Pour autant, il ne s'agit que du premier volet de notre projet, soit la première tour qui devait faire 55 mètres de haut, car la seconde de 215 mètres n'a pas été acceptée. Or, c'était celle-ci qui nous semblait le plus intéressante pour le développement d'un quartier comme La Part-Dieu.

Car dans le paysage lyonnais, nous n'avons pas réellement de tour qui permette à tous les lyonnais d'accéder librement aux derniers étages et de profiter d'une vue en hauteur sur la ville, avec des espaces réceptifs, qui leur permettent d'appréhender une certaine verticalité. Mais on ne dit pas qu'il faut que ce soit une forêt de tours à l'américaine.

Aujourd'hui, nous n'avons pas un maire, ni une métropole, qui ait une sensibilité sur les immeubles de grande hauteur. Même si ce mercredi, nous avons eu un message très clair sur la verticalité souhaitée pour la ville, et sur ce qui me semblait être un nouveau départ face à l'enjeu du développement durable.

Car pour un promoteur, la première démarche en matière de développement durable est de consommer moins d'espace et de construire plus en hauteur.

Et vous affirmez même que construire une tour de grande hauteur de manière écologique, c'est désormais possible ?

Construire aujourd'hui des tours en développement durable, c'est évidemment possible. Une tour n'est pas forcément faite sur le modèle américain du "super gaspi".

Nous sommes aujourd'hui au 21ème siècle et il est tout à fait possible de l'équiper de vitrages en photovoltaïque, de faire une tour en quasi auto-consommation, d'avoir des dispositifs de récupération des eaux grises, eaux blanches, etc...

C'est un type de concept que vous allez continuer de pousser auprès de la Ville de Lyon notamment ? Vous sentez qu'il peut y avoir une porte ouverte ?

Je dois dire que pour l'instant, la réflexion n'avance pas beaucoup à ce sujet, elle est plutôt au point mort.

Car si le parti pris de la verticalité semble avoir été pris hier par la Métropole, j'ai l'impression qu'il existe toujours, dans les faits, un ressenti négatif sur une tour de grande hauteur qui pourrait être proposée à l'échelle de la métropole.

Or, l'effet bling-bling, c'est fini. Une tour de ce type serait nécessairement différente de ce que l'on a connu dans les années 80 et 90. Elle pourrait même devenir une référence de niveau européen en matière d'autoconsommation. Nous restons à disposition des édiles lyonnais pour travailler avec eux à ce sujet.

La modification du PLU-H en cours, notamment concerné le volet n°3, et entamée par les nouveaux exécutifs se posera-t-elle également un frein encore à ce type de construction ? Quelle est la limite de la verticalité apposée ?

Le PLU n'autorise pas, d'une façon générale, les grandes tours. A chaque fois, tout est donc une question de négociation avec la métropole ou la ville. Si vous voulez monter, ne serait-ce qu'à plus de 55 mètres, il faut demander une autorisation et une dérogation du PLU.

Le Grand Lyon a également affiché des exigences accrues en matière de coefficient de logements sociaux, du coefficient de pleine terre, etc : des mesures qui vont "dans le sens de l'histoire" pour la filière ?

J'ai toujours dit aux personnes de la Métropole et de la Ville de Lyon que j'étais totalement d'accord pour qu'il ait plus de mixité avec en termes de logements et de bureaux, et je pense même sur La Part-Dieu, le fait de créer de la mixité avec des logements est une bonne idée. Cependant, il ne faut pas faire du logement social pour du logement social.

Je suis peut-être peut être un peu plus modéré. Bien évidemment, il faut du logement social, mais il faut aussi du logement intermédiaire pour que tous les Lyonnais puissent se loger et mixer les différents publics afin de faire en sorte qu'il n'y ait pas une catégorie sociale qui soit plus importante que l'autre dans un secteur.

La Métropole de Lyon a annoncé mercredi que 430.000 mètres carrés de foncier seront commercialisables au cours des deux prochaines années : un terrain de jeu intéressant pour les promoteurs ?

Pour moi, cela reste quand même en partie des effets d'annonces, car on sait très bien que dans les faits, les choses ne sont pas si simples que cela.

Les ZAC restent des produits très complexes à mettre en œuvre et dont le montage peut encore prendre facilement deux ans : c'est pourquoi il faut aussi qu'il y ait des opérations de gré à gré avec les promoteurs, car les promoteurs seront les premiers à trouver des solutions avec eux, au cas par cas.

Les ZAC sont avant tout un produit politique qui ne constituent pas forcément l'outil qui va nous aider à résorber la problématique du manque de logements actuels sur Lyon. Et à ce sujet, il faut pouvoir aller plus vite.

Lyon, comme d'autres métropoles, défendent justement une vision de "rééquilibrage" du logement comme des activités tertiaires afin qu'elles bénéficient aussi aux différentes communes de leur territoire. Or, les opérations de promotion immobilière ont tendance au cours des années à privilégier les cœurs de métropole, plus attractifs et jugés plus facile à rentabiliser. Concrètement, c'est possible de monter des opérations rentables en périphérie ?

Quand on parle d'immobilier au sens large, c'est-à-dire de logement mais aussi l'immobilier d'entreprise, il ne faut pas oublier que l'Ouest lyonnais est le deuxième site d'immobilier tertiaire : là où l'on enregistre 800.000 mètres carrés sur la Part-Dieu, on a 850.000 m2 sur l'Ouest lyonnais. Cela veut dire que ça fait déjà longtemps que ce mouvement est engagé et que l'on a pas attendu le changement d'exécutif pour le faire.

C'est donc un modèle qui existe déjà et qui se poursuit. Aujourd'hui, on a par exemple des projets sur Limonest, Dardilly, etc avec des communes qui explosent en termes de développement tertiaire, et la demande est là.

Néanmoins, il va certainement falloir à un moment donné être un peu plus réactifs sur les moyens de transport qui ont été un peu oubliés pour l'Ouest lyonnais, parfois sous prétexte de dire que ce sont des habitants un peu plus CSP+. Cela est dommage.

Pour l'Ouest lyonnais, la majorité écologiste portait un projet de téléphérique qui a été soumis à une consultation publique mais également rencontré beaucoup d'oppositions locales, du côté des maires et riverains concernés...

Je pense que nous avons un Sytral assez performant et personnellement, qui fait beaucoup de choses de manière assez novatrice. Néanmoins, en étant moi-même un habitant de la Mulatière, je ne peux pas dire que le projet du téléphérique soit d'une grande pertinence en passant au-dessus d'un tissu d'habitations assez dense et belles propriétés.

Je suis pas très favorable à ce type de construction qui viennent gêner la géographie. Lorsqu'on prend l'exemple de Grenoble, on voit bien que le projet existant a été installé sur un secteur à flanc de roche, où il n'y avait quasiment aucune habitation.

A Lyon, c'est tout un périmètre d'habitations, dont la valeur pourrait se retrouver grevée de 50%... Il est pertinent que ce projet puisse être stoppé car cela met les gens dans une dans une ambiance de crispation et de stress.

Vous portiez également un projet d'une ferme urbaine, qui voulait se greffer aux activités de votre incubateur privé, Bel Air Camp : où en êtes-vous sur ce dossier ?

Malheureusement, ce projet a dû être stoppé pour l'instant car nous n'avons pas réussi à obtenir le permis de construire nécessaire. Nous avons rencontré des contraintes suite à la présence des activités d'un industriel voisin, Safran.

Nous avons donc resollicité la ville de Villeurbanne et cette société voisine pour travailler ensemble sur un aménagement du permis, mais pour l'instant, les choses semblent bloquées.

Le problème, c'est que nous n'avons pas dix ans pour lancer ce projet, qui nécessitait une surface de 2.500 m2. Si nous n'arrivons pas à trouver de solution, cela risque de mettre à mal notre projet malheureusement, pour lequel nous avons besoin d'une bonne accessibilité, tout en étant assez proche des extérieurs de la ville.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.