Domaine skiable de Rochebrune à Megève : le Conseil d’Etat renvoie la balle au tribunal administratif de Grenoble

L’association Biodiversité sous nos pieds réclamait la suspension du projet de restructuration du domaine skiable de Megève - refusée par le tribunal administratif. Après examen par le Conseil d’Etat, le tribunal va devoir étudier de nouveau le dossier du domaine haut-savoyard.
(Crédits : DR)

La décision du Conseil d'Etat est tombée lundi 8 avril : l'ordonnance du 16 novembre 2022 du juge des référés du tribunal administratif de Grenoble, concernant la restructuration du domaine de Rochebrune, à Megève, est annulée, à la suite de la saisie de la plus haute juridiction administrative par l'association Biodiversité sous nos pieds. En d'autres termes, le Conseil d'Etat renvoie la décision au tribunal administratif de Grenoble.

L'association reprochait pourtant au tribunal administratif de Grenoble d'avoir rejeté un référé-suspension introduit par elle-même et par France Nature Environnement 74, qui réclamaient la suspension des travaux sur le domaine skiable.

Le projet de restructuration du domaine skiable de Rochebrune, à Megève, mis en avant par la Compagnie du Mont-Blanc, gestionnaire de la station par délégation de service public, prévoit le remplacement de deux télésièges (Jardin et Petite Fontaine) et de deux téléskis (Lanchettes et Rochefort) par deux télésièges débrayables et un téléski, présentés comme nécessaires à la modernisation de ses équipements.

Objectif : faciliter les liaisons entre les différents secteurs et fluidifier la circulation des skieurs. Si une majorité des pistes existantes doit être réutilisée dans le projet, une nouvelle piste bleue doit être créée pour faciliter le retour vers le secteur de Rochebrune.

Un avis favorable du commissaire enquêteur

Le projet est sur la table depuis plusieurs années déjà. Une concertation préalable avait déjà été organisée à l'automne 2018 par la mairie de Megève, suivie, en 2021, d'une enquête publique, qui avait obtenu un avis favorable du commissaire-enquêteur. Parmi les arguments en faveur de la restructuration : la diminution du nombre de pylônes, la réutilisation de la majorité des pistes existantes et l'absence de terrassement de masse sur des zones humides.

Fin juillet 2022, après l'autorisation préfectorale de débuter les travaux, Biodiversité sous nos pieds et FNE 74 avaient déposé un premier recours gracieux auprès de la préfecture de Haute-Savoie, estimant que ce projet ne procède pas d'une raison impérative d'intérêt public majeur, pouvant justifier de menacer des espèces protégées. Puis, après le début des travaux, une demande de référé auprès du Tribunal administratif de Grenoble, à l'automne 2022. Face au rejet de cette demande, Biodiversité sous nos pieds avait alors décidé de se tourner vers le Conseil d'Etat.

« On se plie aux décisions de justice, déclare Michel Cugier, directeur d'exploitation du domaine skiable de Megève, contacté par La Tribune. A ce stade, il n'y a pas plus de commentaire à faire, il n'y a pas de décision sur le fond, on va être renvoyés très prochainement devant le tribunal des référés ».

« On a eu toutes les autorisations, le Conseil national de la protection de la nature a donné un avis favorable », ajoute Michel Cugier, qui dénonce une approche « fallacieuse » des opposants. « Notre projet, ce n'est pas de faire Las Vegas, ou d'agrandir le domaine skiable, mais de remplacer 4 appareils vieillissants par 3, en supprimant 4 000 mètres de câbles. J'ai l'impression qu'on veut faire mourir une économie qui fait vivre des milliers de personnes... »

46 espèces protégées menacées

Parmi les inquiétudes des opposants, le déboisement de 9,8 hectares, qui abritent 46 espèces protégées : onze espèces de mammifères, trente espèces d'oiseaux - dont le tarier des prés - et cinq espèces de reptiles et amphibiens.

Les travaux, suspendus depuis l'automne 2022, ont déjà déboisé 90% du secteur concerné. « Neuf dixièmes de la forêt ont déjà été détruits, il en reste encore un à sauver ! », réagit Dorian Guinard, porte-parole de l'association Biodiversité sous nos pieds, contacté par La Tribune. Au-delà du cas de Megève, il appuie : « Il faut que les pouvoirs publics locaux prennent conscience qu'il faut purger les recours avant d'entamer des travaux. Sinon l'argent public est dépensé en pure perte, et la biodiversité trinque et ne reviendra pas. »

Sur le plan juridique, avec l'annulation de l'ordonnance du juge des référés du Tribunal administratif de Grenoble du 16 novembre 2022 par le Conseil d'Etat, l'affaire va être renvoyée devant ce même juge, pour être étudiée de nouveau.

Les associations Biodiversité sous nos pieds et France Nature Environnement 74 dénoncent également l'absence de prise en compte de l'évolution climatique dans les Alpes et une étude d'impact insuffisante.

« Le projet de restructuration du domaine est fondé sur une étude climatique datant d'il y a 15 ans, qui ne correspond pas au dernier état de la science, avec la remontée de la limite pluie/neige, souligne Dorian Guinard. Le domaine de Rochebrune va être touché par le dérèglement climatique et l'absence de neige. Pour pouvoir l'exploiter, ils devront utiliser des canons à neige, ce qui provoque un stress sur la réserve hydrique ».

Pour l'association, la restructuration de Rochebrune illustre la fuite en avant des stations de montagne, persistant dans la logique du « tout-ski », en dépit du réchauffement climatique et de l'enneigement toujours plus faible.

La Mairie de Megève et l'Office de Tourisme, contactés par La Tribune, n'ont pas souhaité commenter cette décision de justice, craignant d'alimenter des confusions alors qu'un conflit oppose les municipalités de Megève et de St-Gervais autour de la délégation de service public du domaine skiable des Crêtes, et que la procédure pour la restructuration de Rochebrune implique l'un des candidats.

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