Prélèvements en eau : l'enseigne Leclerc ne devrait pas pouvoir exploiter de nouvelle source dans le Sancy

ENJEUX. L’enseigne de grande distribution, propriétaire de la société d’embouteillage d’eau Aquamark, souhaitait exploiter une nouvelle source à Murat-le-Quaire, village du Massif du Sancy (Puy-de-Dôme). L’enquête publique est terminée. La municipalité s’est prononcée contre le projet, rendant le dossier très difficile à mener. Dans un contexte de réchauffement climatique et de raréfaction de la ressource, des habitants et associations se sont fortement mobilisés contre ce captage d’eau.
Dans le Massif du Sancy, les sources naturelles émergent de toutes parts. Le groupe Leclerc voudrait en exploiter une nouvelle pour embouteiller de l'eau.
Dans le Massif du Sancy, les sources naturelles émergent de toutes parts. Le groupe Leclerc voudrait en exploiter une nouvelle pour embouteiller de l'eau. (Crédits : DR Emilie Valès)

Le rapport et l'avis du commissaire-enquêteur seront rendus dans les jours qui viennent au président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme). Et ils seront scrutés de près, un mois après la fin de l'enquête publique. Cette dernière avait été prolongée de quelques jours, tant ce projet de captage d'eau divise et cristallise les tensions sur le territoire.

La société d'embouteillage Aquamark, créée en 2005 par l'enseigne Leclerc, cherche, en fait, de nouvelles ressources pour accroître ses capacités de production.

Déjà fortement implantée dans le Puy-de-Dôme avec deux sites de production, un pour l'eau de source de montagne à Laqueuille (alimenté par deux forages profonds) et l'autre pour l'eau minérale gazeuse à Saint-Diéry, l'entreprise s'intéresse depuis quelques années à la source Paillère, appartenant à la commune de Murat-le-Quaire.

Dans la présentation de son projet, le groupe Leclerc, qui -malgré nos nombreuses sollicitations- n'a pas répondu à notre demande d'interview, explique que le marché de l'eau plate est en constante évolution avec une progression de 5 à 6% en moyenne par an dans ses magasins.

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Face à cette demande et afin de ne pas surexploiter ses forages actuels, elle souhaitait se développer. Pour la source « Laqueuille », l'entreprise bénéficie d'une autorisation annuelle de prélever 350 millions de litres d'eau. La source de Murat-le-Quaire lui aurait permis de rajouter 175 millions de litres.

« Il y a une défiance grandissante »

Aurait... car le projet semble plus que compromis. Alors que l'enquête publique était encore en cours, le conseil municipal a émis, début mai, un avis négatif contre le projet. Pourtant, les élus de la précédente municipalité avaient signé, il y a une petite dizaine d'années, une convention pour autoriser les prélèvements sur une durée de 30 à 35 ans, puis après révision pour 10 ans.

C'est donc un coup dur pour Aquamark, qui avait déjà investi sur cette source, notamment pour réaliser des études, selon le maire de la commune, Jean-François Cassier. L'édile explique s'être opposé au projet, après avoir reçu de nombreux administrés inquiets.

« Il y a une défiance grandissante. Les habitants ont peur de manquer d'eau, notamment les agriculteurs du territoire, qui craignent que leurs bêtes ne puissent plus s'abreuver correctement dans les ruisseaux. Il y avait aussi des arguments contre les bouteilles en plastique, ou le fait que cela mette des camions sur la route », souligne l'élu.

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Mais en s'opposant au projet, la commune renoncera aussi aux retombées financières qu'il aurait pu lui rapporter, via une redevance : « De l'ordre de 250.000 euros par an. Sur un budget communal de 950.000 euros, ce n'est pas rien. Mais nous travaillons déjà à compenser cette perte avec un projet touristique », poursuit Jean-François Cassier, dont le village de 504 habitants dépasse les 3.500 à 4.000 personnes pendant les vacances.

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Malgré cet avis défavorable, Aquamark peut maintenir son projet. C'est alors au préfet, en dernier ressort, qu'appartient la décision d'accepter ou non cette exploitation.

« Ce serait difficilement tenable, car nous nous sommes positionnés contre et cette source nous appartient. Pour nous, c'est fini. Nous avons tourné la page. Cependant, dans moins de deux ans, les compétences eau et assainissement vont être transférées des communes vers les communautés de communes, donc le dossier pourrait évoluer », précise le maire.

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Manque d'eau dans les communes voisines

De leur côté, les associations environnementales, fortement opposées au projet, sont assez optimistes.

« Nous sommes confiants, même si nous restons vigilants, compte-tenu des dernières décisions politiques qui nuisent à l'environnement, en particulier les lois de simplification sur les retenues d'eau », souligne Jacques Adam, en charge de la problématique de l'eau à la France Nature Environnement 63.

Avec d'autres organisations comme UFC Que Choisir ou la Confédération Paysanne, sa fédération fait partie du collectif « Eau bien commun 63 », qui s'est mobilisé contre le projet. « Nous sommes confrontés à une raréfaction de la ressource en eau. Des villages du Puy-de-Dôme ont dû, l'an dernier, être ravitaillés en eau potable par des camions citernes. Le Conseil départemental envisage aussi de créer des interconnexions des réseaux d'eau entre communes, pour gérer au mieux en cas de tension. On ne comprendrait pas que l'Etat autorise une société privée à se servir dans une source communale. Cette eau, c'est un bien commun », s'insurge Jacques Adam.

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Sans compter, selon cet associatif et le collectif qu'il représente, que les prélèvements au niveau des nappes phréatiques risquent de diminuer l'écoulement présent sur tous les territoires en aval. Deux têtes de bassin, l'Allier (Loire Bretagne) et la Dordogne (Adour Garonne) sont notamment très proches, selon eux. Plus que jamais, le sujet de la gestion du partage de l'eau demeure très sensible, en témoigne aussi un autre projet très controversé dans le département, celui des « méga-bassines » dans la plaine de la Limagne.

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Commentaire 1
à écrit le 13/06/2024 à 21:14
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Les grandes surfaces depuis des lustres ont tué l'industrie française , bientôt le monde agricole et maintenant s'approprient la nature .....il faut arrêter cette économie d'intermédiaires ....où seule la marge compte .... le client n'étant que secon...

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